OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pour une économie durable: la e-frugalité http://owni.fr/2011/06/09/economie-durable-e-frugalite/ http://owni.fr/2011/06/09/economie-durable-e-frugalite/#comments Thu, 09 Jun 2011 16:25:24 +0000 Jean-Pierre Corniou http://owni.fr/?p=67053 Les tensions sur les marchés de matières premières n’ont jamais atteint un niveau aussi élevé. La population de la Terre est passée de 800 millions en 1800 à 7 milliards d’habitants en 2012. Dans tous les domaines, les réserves prouvées s’amenuisent. Les terriens auraient déjà consommé en 200 ans la majorité des ressources non renouvelables connues de la planète et accessibles… Et quand bien même on saurait, par l’exploration de nouveaux territoires, repousser ces limites (non sans risque ni sans coût supplémentaire) le problème de l’exploitation du « réservoir Terre », qui par principe est fini, se posera à long terme pour les générations futures.

Le constat est sans équivoque, partagé par toute la communauté scientifique internationale et atteint aujourd’hui les milieux économiques.

Source : Programme des Nations Unies pour l’Environnement, mai 2011

Malthus et les Chinois

Si la question du risque d’épuisement des ressources naturelles n’est pas nouvelle et a donné lieu à d’innombrables controverses, elle se pose aujourd’hui dans un contexte radicalement nouveau : celui de l’apparition de deux acteurs massifs, la Chine et l’Inde.

Ces deux pays aspirent au cours du XXIème siècle à faire bénéficier leur population de 2,5 milliards de personnes d’un niveau de vie comparable à celui atteint à la fin du XXème siècle par les pays développés. Rien ne les empêchera de le vouloir et de tenter d’y parvenir. Personne ne peut légitimement s’y opposer.

Ce qui est nouveau dans le paysage mondial, c’est que la Chine, qui est dans une phase unique de construction de ses infrastructures, pèse entre le tiers et la moitié de la consommation mondiale d’acier, de minerai de fer, de ciment, de plomb, de zinc, d’aluminium, de cuivre, mais aussi de porcs et d’œufs… Nous ne sommes plus dans les échelles de grandeur de l’Angleterre du début du XIXème siècle !

Dans son ouvrage Effondrement paru en 2005, consacré à l’analyse de causes multiples ayant entraîné la disparition de sociétés, l’universitaire Jared Diamond , propose, à partir de l’analyse des cas qui forment la trame de son livre, un modèle sur les facteurs qui contribuent à la prise de décision en groupe :

  • un groupe peut échouer à anticiper un problème avant qu’il ne survienne vraiment
  • lorsque le problème arrive, le groupe peut échouer à le percevoir
  • ensuite, une fois qu’il l’a perçu, il peut échouer dans sa tentative pour le résoudre
  • enfin il peut essayer de le résoudre, mais échouer.

Dans notre société démocratique, la gestion du futur est un des problèmes les moins faciles à traiter. Car nous sommes sur un terrain miné ! Une société autoritaire peut assumer le coût de décisions de long terme impopulaires. Haussmann a pu créer le Paris moderne car il ne s’est pas encombré de débats sur les conséquences de ses actes, notamment le bouleversement de la structure socio-économique de la ville. Et Paris aujourd’hui, 140 ans plus tard, demeure une ville assez équilibrée dans son organisation et son aptitude à se moderniser. Comment fonctionnerait aujourd’hui le Paris médiéval de 1852 ? La vision chinoise est une démonstration de la capacité de ce type de régime à assumer des décisions longues, ce qui n’implique pas nécessairement qu’une décision technocratique soit éclairée ou qu’une décision démocratique ne soit qu’un arbitrage mou entre intérêts de court terme.

Néanmoins, prendre des décisions implique toujours d’engager le futur avec une vision plus ou moins cohérente, structurée, anticipatrice. Notre gestion de la ressource pétrolière est une belle démonstration. Depuis les premiers avertissements du Club de Rome, accueillis avec sarcasme en 1972, la société, continue collectivement à exacerber la préférence pour le présent au détriment de notre responsabilité envers le futur. Cette société limitée et égoïste a démontré ses limites dans l’emballement financier de 2008, mais, au-delà des intentions réformatrices, cette préférence pour le présent continue à satisfaire largement les intérêts des dirigeants politiques et économiques. Il est clair que peu de décideurs ont la fibre sacrificielle pour risquer leur mandat face aux électeurs ou aux actionnaires en sortant des sentiers balisés de la continuité. Et d’ailleurs la vraie difficulté est de concevoir un modèle qui serait « meilleur » que le système actuel. Nous sommes dans un domaine où la globalisation rend l’expérimentation extrêmement difficile à pratiquer et pour lequel n’existe pas de référence historique. Nous sommes condamnés à inventer sans filet…

Le roi est nu…

Or, si nous ne savons pas vers quel modèle nous diriger, si nous sommes incapables de prendre des décisions collectives au niveau du « vaisseau spatial Terre » comme l’échec de Copenhague et les piètres résultats des G8 et G20 successifs le démontrent, nous savons que nous sommes proches des limites du modèle du XXIème siècle. Notre société moderne qui assiste avec Fukushima à la concrétisation d’un de ses pires cauchemars, vit la démonstration en temps réel que même lorsque le risque est pensé, préparé, il peut quand même arriver et conduit à une formidable régression de tous les avantages que le progrès nous a apportés.

« Christmas in 2050 »

Il suffit de voir comment vivent encore maintenant au Japon, dans un des pays les plus technologiquement avancés de la planète, les dizaines de milliers de réfugiés, comme les centaines de milliers d’Haïtiens, un des pays les plus pauvres de la planète, pour constater qu’en très peu de temps n’importe lequel d’entre nous peut se retrouver dans une situation durable de dénuement et de détresse.

Comment passer d’une attitude résignée ou insouciante à l’action ? Comment réconcilier une économie de croissance, qui apparaissait comme la moins mauvaise réponse à nos aspirations individuelles et à nos besoins sociaux planétaires, à une économie de responsabilité, conciliant besoins présents et besoins futurs ? Comment réduire ou éliminer la consommation de ressources non renouvelables en cessant de grignoter notre capital naturel, dans une démarche de mise en cohérence des horizons courts et des horizons longs ? Comment traiter la question centrale de l’exposition aux risques sans paralyser toute initiative nouvelle ? Ce débat n’est pas nouveau. Jared Diamond prête aux dirigeants des civilisations disparues la capacité de s’être posé les bonnes questions. Mais ce sont les réponses qui ont été inopérantes. Et rien ne prouve que notre société, mondiale, informée, scientifique saura résoudre tous les problèmes que nous connaissons aujourd’hui et ceux que nous allons progressivement découvrir.

Or le débat est particulièrement difficile à documenter car s’opposent violemment deux clans irréductibles : les libéraux qui pensent que la science et le marché trouveront, au moment opportun, les bonnes réponses, même si le prix en est élevé ; et en face les adeptes de la décroissance qui estiment qu’il faut changer tout de suite de modèle économique en revenant à un statu quo ante mythique. On a tenté de forger un modèle de compromis, le développement durable, formalisé par une série de textes issue des réflexions partagées lors de la conférence des Nations Unies sur l’environnement humain à Stockholm dès 1972, puis dans le rapport Bruntland de 1987, et ultérieurement affinées. Même cette caution universelle n’a pas permis de déboucher sur des conclusions pratiques. Au contraire, l’année 2010 a vu croître la production mondiale de CO2 à un rythme plus rapide encore !

Tentons la formulation d’une alternative à chacun de ces deux modèles de base, aux dérivées multiples, que chaque camp aura tout loisir à rejeter dans l’autre.

La force de l’homme face à celle de la nature

Le XIXème et le XXème siècle ont été des périodes d’intense croissance économique centrée sur la mise à disposition par l’espèce humaine d’une formidable prothèse musculaire décuplant ses forces naturelles à l’aide de moyens mécaniques de plus en plus efficaces. La machine à vapeur, puis le moteur à explosion et l’électricité nous ont donné la capacité de nous transporter et d’exploiter les ressources naturelles à un niveau que les terriens n’avaient jamais imaginé pendant des millénaires. Le progrès était assimilé à la capacité d’exploiter les ressources naturelles, puisque la révolution industrielle a été le fruit de la rencontre de la maîtrise de sources d’énergie de plus en plus abondantes et la capacité à les exploiter pour inventer de nouveaux matériaux et de nouvelles machines. Et cette puissance était encensée et célébrée dans les Expositions Universelles comme l’expression ultime du rêve de la domination de l’Homme sur la nature… Le système technique mis en place entre 1850 et 1900 a totalement imprégné de son modèle tout le XXème siècle sans qu’il y ait de rupture fondamentale dans la manière de concevoir le développement économique servi par une énergie abondante et peu chère.

Mais aujourd’hui nous touchons les limites de ce modèle « mécanique ». Les vitesses de déplacement, qui ont été le marqueur le plus symbolique du progrès, sont aujourd’hui asymptotiques. Sur mer, le Queen Mary avait une vitesse de pointe de 29 nœuds en 1935. Son successeur, le Queen Mary 2 construit en 2003 atteint la même vitesse maximale de 29 nœuds. Le rail a été le domaine de prédilection des records de vitesse. Si la vitesse maximale de 574 km/h a été atteinte de façon expérimentale en 2007 sur la LGV Est, la vitesse commerciale des TGV se stabilise entre 300 et 350 km/h. Avec l’abandon de Concorde, le rêve du transport supersonique semble écarté pour longtemps et on se « contentera » longtemps d’une vitesse de croisière de l’ordre de 900 km/h. Enfin, la voiture individuelle qui n’a cessé depuis son origine d’être exploitée pour battre des records de vitesse, se cantonne partout dans le monde autour d’une vitesse maximale autorisée de l’ordre de 100 à 130 km/h. La vitesse n’est plus l’objectif majeur. Il faut réduire les consommations, préserver les infrastructures et ne plus jouer avec la vie humaine.

L’ère du savoir infini commence

Le biologiste et philosophe Julian Huxley, qui a joué un rôle clef dans le développement de l’UNESCO, écrivait en 1942, au cœur de la seconde guerre mondiale qui vit le déchainement des forces mécaniques, que « le progrès » comportait trois dimensions principales :

  • une maîtrise plus étendue de la vie sur son milieu
  • une indépendance plus grande par rapport aux changements qui se produisent dans ce milieu
  • une augmentation de la connaissance, de la complexité harmonieuse et de la capacité d’autorégulation

Cette définition d’un progrès équilibré entre l’homme, sa vie et son milieu, pourrait être une piste de réconciliation entre progrès scientifique et développement humain. Car une croissance responsable de l’anthroposphère doit dorénavant viser une empreinte minimale sur le milieu naturel. Elle doit être la plus faiblement consommatrice de ressources et de matières premières voire même productrice nette de ressources. Elle devra faire une place absolue à l’énergie électrique qui est aujourd’hui le vecteur d’énergie le plus efficace et peut être produite à partir de ressources renouvelables.

Contrairement, au XIXème siècle, l’enjeu est aujourd’hui de produire en consommant le moins possible de ressources non renouvelables et en les recyclant après usage. C’est la stratégie du “découplage” entre la croissance et la consommation des ressources naturelles.

Or il est un domaine qui connait une croissance exponentielle depuis l’origine avec une empreinte minimale sur ces ressources : les microprocesseurs. Autour du microprocesseur s’est construit un ensemble de méthodes et d’outils qui constituent les sciences de l’information et de la communication et dont l’application à tous les domaines de l’activité humaine nous dote d’une nouvelle capacité, une prothèse cérébrale.

Ce n’est plus la puissance physique qui est déterminante, mais la capacité de « mettre en relation » des facteurs pour faire émerger rapidement la meilleure solution. Nous passons de la main- d’œuvre, assistée par la machine mécanique, au cerveau d’œuvre, assisté par ordinateur. Nous transitons d’un monde qui recherchait l’efficacité vers un monde centré sur l’efficience. La société de l’information et de la connaissance sera-t-elle finalement le modèle recherché de développement durable conciliant niveau élevé d’utilités individuelle et collective et absence d’empreinte sur l’environnement ? C’est bien le troisième point souligné par Julian Huxley.

Comprendre pour agir avec discernement; orienter les comportements par les prix intégrant les valeurs du futur…

Connaître pour comprendre, comprendre pour prendre les meilleures décisions en analysant à l’avance les conséquences de ces décisions, intégrer tous les facteurs, dont le long terme : ce sont les nouveaux moteurs de l’action qui se déclinent dans une variété infinie de situations. En effet, pour utiliser moins de ressources, il faut être en mesure d’ajuster de façon précise le moyen utilisé au résultat visé. Cet ajustement doit être fin, évolutif, automatique. Ceci implique une capacité de modélisation et de pilotage de la réalisation dont nous étions jusqu’alors incapables. Ces outils offrent aussi la possibilité nouvelle de réguler à grande échelle les actions individuelles dans une cohérence globale permettant une optimisation énergétique mais également un niveau de satisfaction individuelle supérieur.

C’est l’objet des réseaux énergétiques intelligents, comme des réseaux de transport. Cette vision intègre également une réflexion de fond sur le sens du travail. Prenons le domaine des transports. Nous produisons des machines sophistiquées, les voitures, dont l’usage est tout à fait dérisoire par rapport à leurs capacités. Utiliser un moteur à explosion de 3 l de cylindrée, développant 250 cv, qui même à l’arrêt consomme de l’énergie et produit de la chaleur, conçu pour rouler à 250 km/h, pour se déplacer en ville à 15km/h est le comble de l’absurde. Faire rouler une berline de cinq places de 1,8 t sur 500 km pour déplacer son seul conducteur n’est pas plus efficace. Les réponses apportées par l’économie du service et de la connaissance sont aujourd’hui dans la consommation collaborative : le co-voiturage, l’autopartage et les différentes solutions de transport ferroviaire.

Partager est le premier moyen de consommer moins d’énergie. Naguère solution rigide, il est aujourd’hui possible grâce aux télécommunications et à la géolocalisation de le faire de façon souple et confortable. S’il faut favoriser le rapprochement des personnes pour exploiter tout notre potentiel de créativité, nous pouvons désormais le faire avec beaucoup plus de discernement en évitant les déplacements inutiles grâce aux outils de communication et de travail coopératif qui permettent avec peu d’énergie de renforcer la dynamique de l’échange. Si l’échange des biens physiques reste incontournable pour se nourrir, se vêtir, se loger, on peut désormais prendre des décisions informées sans se déplacer, optimiser ses choix en fonction d’objectifs plus larges, notamment l’empreinte environnementale par la durabilité des solutions et la recyclabilité des produits.

Gérer au mieux les ressources est également le fruit d’un intense travail de recherche et de modélisation sur les systèmes énergétiques, les matériaux, la production agricole, et sur les circuits logistiques. La conception assistée par ordinateur, la modélisation des comportements des systèmes complexes ont permis des progrès considérables en matière de création de nouveaux produits et de gestion de systèmes. Un téléviseur plat à LED consomme infiniment moins de ressources qu’un écran à tube cathodique en apportant un service supérieur. Trouver des solutions nouvelles en matière de production et de consommation d’énergie viendra de la recherche, facilitée par l’expérimentation, nourrie par les informations issues des politiques d’open data et d’open innovation alimentées par le web. On sait aujourd’hui produire un habitat a minima neutre sur le plan énergétique grâce aux matériaux. L’industrie a fait des progrès considérables en matière de consommation de fluides et de gestion des rejets, et apprend à recycler la plupart des matières premières consommées. Nous devons dans tous les domaines nous inspirer des solutions mises ne œuvre par la nature elle-même pour développer l’efficience énergétique et inventer de nouveaux systèmes. C’est le vaste champ du biomimétisme.

Mais si ces comportements sont encore minoritaires, c’est que le marché n’a pas encore intégré toutes les informations nécessaires pour les transformer en signaux prix suffisamment explicites pour que les comportements vertueux envers le futur ne soient pas le fruit de militants isolés. Le modèle doit devenir auto-piloté et les comportements être orientés par les prix intégrant les valeurs du futur. Quand le marché ne le fait pas de façon suffisamment rapide, la fiscalité doit y contribuer d’où toute l’importance économique des formules de taxe carbone et d’éco-taxes qui doivent clairement contribuer à l’optimisation des choix en faveur de la préservation des intérêts à long terme de la communauté humaine.

Certes, la gestion de l’information à grande échelle consomme également des ressources naturelles et de l’énergie. L’électronique est friande de terres rares, exploite l’énergie portable avide de lithium, l’informatique en nuage nécessite des centres de calcul consommateurs d’énergie électrique et les outils de la mobilité exploitent des ondes dont l’impact à long terme est méconnu. Mais la prise de conscience de l’industrie est acquise et les progrès déjà remarquables, même s’il faut encore trouver des solutions de recyclage plus efficaces.

L’information, moteur d’un monde frugal ?

La révolution du XXIème siècle empruntera largement cette voie. Tout n’y est pas résolu, ni simple. Mais au moment où les choix se font plus pressants, exploiter tout le potentiel d’une intelligence en réseau paraît indispensable, sans toutefois garantir sans effort un monde meilleur. Ceci implique pour les entreprises comme pour les collectivités le retour des investissements en techniques et process numériques. Mais dans cette nouvelle phase l’objectif ne serait plus l’augmentation de la productivité du travail, mais l’invention de nouvelles activités stimulantes, utiles, compétitives et neutres sur l’environnement.


Article initialement publié sur le blog de Jean-Pierre Corniou Technologies et société de la connaissance.

Crédit photos FlickR PaternitéPas d'utilisation commerciale Roberto ‘PixJockey’ Rizzato PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales alles-schlumpf PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales ecstaticist PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales PNNL – Pacific Northwest National Laboratory

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Partage, P2P… bienvenue dans l’économie collaborative! http://owni.fr/2011/05/17/nouvelle-economie-partage-consommation-collaborative-p2p/ http://owni.fr/2011/05/17/nouvelle-economie-partage-consommation-collaborative-p2p/#comments Tue, 17 May 2011 09:02:54 +0000 Antonin Léonard http://owni.fr/?p=62871

Un jour, nous regarderons le XXe siècle et nous nous demanderons pourquoi nous possédions autant de choses

affirmait récemment Bryan Walsh dans TIME Magazine qui consacrait  la Consommation Collaborative comme l’une des dix idées amenées à changer le monde. L’économie du partage se propage : du transport aux voyages en passant par l’alimentation, le financement de projets et la distribution, tous les secteurs ou presque voient cette nouvelle économie émerger. Pourquoi acheter et posséder alors que l’on peut partager semblent dire des millions d’individus. Les statistiques sont éloquentes, nous explique Danielle Sacks dans l’un des articles les plus complets sur l’émergence de l’économie du partage :

Alors que plus de 3 millions de personnes dans 235 pays ont déjà « couchsurfé », ce sont plus de 2,2 millions de trajets en vélo libre-service (tels que le Velib’ à Paris) qui sont effectués chaque mois dans le monde.

Tandis qu’Airbnb annonçait il y a quelques mois avoir dépassé le million de nuits réservées sur son site, en France, c’est covoiturage.fr qui a récemment franchi la barre du million de membres inscrits. Etsy, la plateforme C to C de référence pour vendre ses créations originales et artisanales, diffuse ses statistiques chaque mois dans la plus grande transparence et on les comprend, tant les chiffres sont impressionnants : 40 millions de biens vendus pour les 3 premiers mois de l’année, soit 77% de plus qu’à la même époque en 2010 et presque 400.000 nouveaux membres s’inscrivent chaque mois.

Neal Gorenflo, fondateur et rédacteur en chef du magazine Shareable m’expliquait récemment lors d’un échange qu’il m’a accordé :

On se rend compte que ce mouvement n’est pas qu’une tendance passagère. Les publications se multiplient, les consultants commencent à s’intéresser au phénomène, les politiques envisagent de nouvelles lois pour favoriser le développement de cette économie du partage, les startups font des levées fonds impressionnantes : tout converge pour nous faire dire qu’une nouvelle économie est vraiment en train d’émerger.

Alors que le secteur du prêt entre particuliers vient d’atteindre la somme de 500 millions de dollars aux États-Unis, les startups du partage enchaînent les levées de fond : 7 millions pour Thredup, site internet de troc de vêtements et de jouets pour enfants ; 1,2 million pour Gobble, qui a un modèle proche de Super-Marmite et permet de réserver et d’acheter des plats fait maison près de chez soi) ; 1,6 million pour Grubwithus, qui propose un service de colunching ou social dinner, mélange de Meetic et de Groupon.

De par la maturité des usages des nouvelles technologies et des applications mobiles, San Francisco et la Bay Area sont à la pointe de cette nouvelle économie qui prend de l’ampleur, au point que ces pratiques dépassent aujourd’hui le cadre des startups et intéressent les acteurs les plus traditionnels.

Distributeurs et constructeurs automobiles ont été les premiers à investir cette économie du partage. IntermarchéCastoramaIkea, proposent déjà aux gens de covoiturer, d’autres seraient en réflexion très avancée pour proposer des dispositifs de troc et de partage. Du côté des constructeurs automobiles, BMW a récemment fait une entrée remarquée en proposant une vraie solution d’autopartage (Volkswagen lui a emboîté le pas il y a quelques jours à peine), Peugeot et Citroën ont déjà lancé leurs offres de mobilité : respectivement Mu by Peugeot et Multicity ; enfin Norauto, qui est devenu Mobivia, s’est complètement réorganisé pour devenir un opérateur de mobilité : le lancement de Buzzcar (plateforme d’autopartage entre particuliers) par Robin Chase (fondatrice de Zipcar, leader mondial de l’autopartage et classée parmi les 100 personnalités les plus influentes par le TIME en 2009) étant l’illustration la plus notable de cette nouvelle stratégie.

« Les constructeurs automobiles qui voient l’autopartage comme une menace perdront du poids dans ce paysage en évolution » professe ainsi Shelby Clark, fondateur de Relay Rides (pionnier de l’autopartage entre particuliers outre-Atlantique).

Comment les secteurs les plus traditionnels répondront à ces évolutions ? Bien malin celui qui peut répondre à cette question. Une chose est néanmoins certaine : « il sera fascinant de suivre quels nouveaux modèles seront développés à partir des systèmes de Peer-to-Peer*, et quels secteurs traditionnels ils transformeront » concluait récemment Semil Shah dans un article consacré à l’économie Peer-to-Peer publié dans TechCrunch.

L’économie du partage se propage

Sans que nous nous en rendions forcément compte, nous nous mettrions donc à moins posséder, à privilégier l’usage et à partager davantage. Dans un contexte de crise économique  durable et de défiance vis-à-vis des grandes entreprises, ces expériences d’échange et de partage réussies interrogent nos comportements traditionnels de consommation. « Nous nous dirigeons vers une économie où l’accès aux biens s’impose sur leur possession » affirme Lisa gansky, auteur de The Mesh.

L’âge de l’accès décrit par Jérémy Rifkin serait-il effectivement en train de se concrétiser  ? Le changement culturel est-il suffisamment profond pour nous conduire à privilégier l’usage sur la possession ?

Une chose est certaine : les solutions alternatives réelles et fonctionnelles à la forme la plus traditionnelle de l’achat existent et se diffusent comme jamais auparavant, au point que l’argent, dans un contexte de turbulence des monnaies étatiques, soit lui aussi contesté.

Dès lors, les défenseurs des monnaies alternatives, locales, complémentaires se font entendre et apparaissent de plus en plus crédibles pour nous aider à envisager des formes d’encadrement des échanges régis par la générosité et/ou la réciprocité (voir le travail de mon ami Etienne Hayem alias Zoupic sur ce thème ou le projet « The Future of Money »).

C’est notre rôle de travailleur/consommateur qui s’en trouve du même coup transformé comme l’explique Rachel Botsman dans un article intitulé « The Everyday Entrepreneur » :

Les gens prennent conscience qu’ils disposent de ressources inexploitées (matérielles ou liées à leurs compétences) sources de valeur économique, sociale et durable – en moyenne par exemple, une voiture reste à l’arrêt 92% du temps – et qui représentent  des opportunités quotidiennes pour devenir micro-entrepreneurs ». Ces évolutions ne se sont qu’embryonnaires et le changement prendra du temps mais « la fulgurance des avancées technologiques, combinée à une évolution des mentalités représente une opportunité sans précédent pour transformer des secteurs, réinventer les services publics, dépasser les formes de consumérisme sources de gaspillage terrible et changer nos façons de vivre.

Cette transition nous pousse également à réfléchir à l’encadrement de ces échanges (si nous nous mettons effectivement à partager au sein de communautés nouvellement créées, comment générer et maintenir la confiance nécessaire entre inconnus ?), mais aussi à leur plus grande diffusion :  quel rôle doit jouer l’éducation par exemple ?

Voici quelques-uns des enjeux que soulèvent l’économie du partage (analysée et décryptée avec justesse par le magazine américain Shareable ) et le concept de consommation collaborative (développé par Rachel Botsman et Roo Rogers dans leur livre What’s Mine is Yours: The Rise of Collaborative Consumption).

La croissance des formes d’échanges directs entre particuliers que décrit la consommation collaborative a été notamment permise par l’avènement et la démocratisation des nouvelles technologies. Si les formes de troc et d’échange ne sont pas nouvelles, Internet et les systèmes Peer-to-Peer ont permis leur développement à une toute autre échelle, grâce à deux leviers :

  • Internet et les places de marchés Peer-to-Peer ont rendu possible le déploiement de masses critiques d’internautes intéressés par les mêmes types d’échanges en permettant et en optimisant la rencontre entre ceux qui possèdent et ceux qui recherchent (des biens, services, compétences, argent, ressources, …) comme jamais auparavant ;
  • Internet et les systèmes de réputation ont permis de créer et de maintenir la confiance nécessaire entre inconnus utilisateurs de ces systèmes d’échanges : qui aurait cru au succès d’Ebay il y a 15 ans et à la possibilité de se faire héberger chez un inconnu en toute confiance avant le lancement et le succès de Couchsurfing ? Derrière ces plateformes d’échanges se trouvent des systèmes de réputation (références, notation) des utilisateurs qui les incitent à « bien se comporter » et qui expliquent en grande partie leur succès fulgurant.

Différentes formes de partage

Jenna Wortham dans le New York Times , suggère de distinguer deux formes de consommation collaborative :

  • les formes où  l’on se regroupe pour acheter en commun -pour obtenir un meilleur prix ou savoir ce que et à qui on achète (comme la Ruche qui dit oui !) ou financer un projet sur le principe du crowdfunding (Kickstarter, en France UluleKisskissbankbank ou Wiseed) ;
  • les formes qui organisent  le prêt, le don, le troc ou l’échange de biens, de temps ou de compétences entre particuliers.

Rachel Botsman propose de distinguer trois systèmes de consommation collaborative, tels que présentés sur le schéma ci-dessous :

  • Les product service systems permettent de transformer un produit en service : l’autopartage, les vélos en libre-service ou encore la location (organisée par un intermédiaire ou entre particuliers) seraient à placer dans cette catégorie. Ces  plateformes s’inscrivent dans le cadre plus général de l’économie de fonctionnalité.
  • Les systèmes de redistribution organisent le passage de biens entre l’offre et la demande. C’est le principe du C to C et des plateformes comme PriceMinister, LeBonCoin mais aussi du troc, du don, de l’échange…
  • Les styles de vie collaboratifs regroupent les formules de partage de ressources immatérielles entre particuliers : espace, temps, argent, compétences. Couchsurfing,Colunching, Coworking, Cohousing, Prêts entre particuliers, Achats Groupés feraient ainsi partie de cette catégorie.

Une autre distinction selon les secteurs investis par cette économie du partage est également possible. Puisqu’on me questionne souvent sur l’origine et la pertinence de l’expression, je m’interroge avec vous : l’expression Consommation Collaborative est-elle appropriée, pertinente, suffisamment percutante pour désigner ces nouvelles formes de partage entre particuliers ? Ma réponse est oui car le terme collaboratif possède un historique, celui du travail collaboratif qui a eu un impact positif évident sur l’organisation du travail.

Tout comme le collaboratif appliqué à l’organisation du travail a permis de tirer un meilleur parti des ressources humaines, le collaboratif appliqué à la consommation engendre une optimisation des ressources naturelles et matérielles. Internet et les systèmes Peer-to-Peer investissent progressivement tous les espaces de notre vie quotidienne pour mieux les renouveler : il y a dans le collaboratif une idée d’optimisation mais aussi de rupture.

Après la révolution de l’entreprise collaborative et le développement de la consommation collaborative , apparaissent ou sont aujourd’hui envisagées d’autres formes que l’on pourrait qualifier de collaboratives : la distribution (comme le fantastique People’s supermarket en Angleterre), la production (un exemple d’Open Source appliqué à la production), la politique et même l’énergie collaboratives. Il ne s’agit-là que d’exemples et je vous renvoie aux travaux de la P2P foundation de Michel Bauwens pour plus d’informations sur le sujet.

La crise : premier catalyseur

La crise a été l’évident déclencheur et propagateur de l’économie du partage, selon Daniel Noble , fondateur de Drivemycar, qui met en relation propriétaires de voitures et personnes recherchant des locations de courte durée en Australie :

La crise a généré un changement de mentalité, elle a contraint les gens à s’interroger sur les nouveaux moyens à leur disposition leur permettant d’effectuer des économies et de gagner de l’argent à partir de leurs biens. (…) Lorsque j’ai entendu pour la première fois parler du concept [de la location de voitures entre particuliers], j’ai pensé que c’était une très mauvaise idée, je n’aurais jamais laissé quelqu’un conduire ma voiture (…) Mais la crise a été un catalyseur, j’ai commencé à réfléchir à comment diminuer certaines de mes dépenses et comme la voiture est un des principaux pôles de dépense…

Drivemycar rencontre un vrai succès en Australie : toutes sortes de voitures sont disponibles y compris les plus beaux modèles, Noble explique ainsi : «  J’ai maintenant des Ferrari et des Porsche disponibles à la location, les gens en parlent à leurs amis, ils n’ont pas honte » (nous ne sommes pas en reste : une très belle calèche est même proposée par un particulier sur le site de Deways ;) ).

Si la crise a été un évident accélérateur du mouvement par la contrainte budgétaire nouvelle qui en a résulté, elle ne saurait expliquer à elle seule le rejet croissant dont l’hyperconsommation fait actuellement l’objet. Aujourd’hui c’est même sur le terrain de la mode et du prêt-à-porter (souvent initiateurs des futures tendances) que s’expriment ces nouvelles pratiques : du mouvement des recessionistas aux sites de vides-dressing, en passant par les sites de locations de sacs ou de bijoux de mode comme Avèle, les sites de troc, d’échange et de location de vêtements se multiplient, quand ce ne sont pas les créateurs eux-mêmes qui s’en emparent en faisant appel à la créativité du consommateur.

Nous n’avons pas besoin d’acheter de nouvelles fringues à chaque nouvelle saison.

Interrogée par le Sydney Morning Herald, Lara Mc Pherson met en place des événements de troc de vêtements par l’intermédiaire de son blog (dans le même esprit, saluons Pretatroquer en France), elle explique : « j’ai pris la décision d’arrêter d’acheter de nouveaux habits jusqu’à ce que je trouve un moyen socialement responsable et bon pour l’environnement de vivre ma passion pour la mode. »


Du bien au lien

Au-delà des économies permises par ces sites, c’est l’impact social généré (en un mot la rencontre) qui est au cœur de leur succès.

De la crise naît la nécessité de s’assembler, et de cette nécessité naît le plaisir de s’assembler. On y trouve son compte pour ses intérêts individuels et matériels, puis très vite, quelque chose se passe et la communauté d’intérêts devient une communauté de liens. (lu sur le blog de La Ruche qui dit Oui !).

La capacité à récréer du lien social est pour beaucoup dans l’engouement de nombreuses plateformes de consommation collaborative. Un avis que partagent de nombreux historiens et sociologues. Interrogée par Le Monde, Laurence Fontaine, historienne et directrice de recherche au CNRS voit dans le mouvement un rejet de l’économie capitaliste :

La crise, ou plus exactement l’appauvrissement, pousse les gens vers ces nouvelles formes d’échanges. Mais on peut également analyser ce mouvement comme un refus de la société de marché, commente-t-elle. Au XVIIIème siècle, les aristocrates payaient en objets et habits. L’arrivée de l’argent a été une libération des liens sociaux. Les hommes ont ainsi accédé à l’anonymat et à l’individualisme. Mais maintenant que ces valeurs ne sont plus portées aux nues, on cherche de nouveau à tisser du lien social avec d’autres moyens.

Stéphane Hugon, sociologue et cofondateur du cabinet Eranos, partage ce constat et envisage les implications économiques de ces évolutions :

Cette nouvelle consommation sonne le glas d’une approche de la société et des marchés à partir de « l’individu rationnel qui optimise sans contrainte ». A-t-il d’ailleurs jamais été rationnel ? (…) La consommation est ici largement motivée par une recherche de relation sociale qui vient épaissir le prétexte rationnel d’un geste qui n’est économique que par extension. C’est probablement toute notre culture économique qui s’en trouve modifiée.

Erwan Lecoeur, sociologue, ancien Directeur de l’observatoire du débat Public développe l’idée que l’explication du succès de ces nouveaux comportements est à rechercher dans une quête de liens et de confiance en soi et en l’autre :

Avec ces nouveaux comportements, plusieurs attentes apparaissent, que l’on pourrait appréhender par la centralité du besoin du « lien », d’une qualité particulière et d’une confiance renouvelée.

Derrière les produits et les services concernés, c’est avant tout une nouvelle forme de relation, de partage qu’il s’agit de vivre. Plus qu’une simple proximité géographique, on peut y voir une recherche de relation affinitaire à nouer ; le besoin d’une rencontre réelle, d’un contact avec le producteur, l’inventeur, le fournisseur de biens ou de services. (…) On passe du bien à ce qu’il permet : un lien. (…) Le bonheur n’est pas contenu dans l’objet échangé, semblent dire des millions de nouveaux consommateurs mais dans l’acte d’échange et la rencontre qu’il permet.

Et d’envisager la propagation et la contagion du partage…

Ces formats d’échanges de produits et de services qui se développent  un peu à l’écart du monde de la grande consommation ne sont qu’embryonnaires ;  ils n’en ont pas moins beaucoup d’avenir. Parce qu’ils créent une convivialité, une confiance qui fait défaut à l’extérieur, ils attirent à eux de nombreux adeptes, intrigués par ces étranges manières, puis désireux de faire partie de cette petite société-là, au moins par bribes, par moments, par intérêt.

Et vous, vous trouvez que cette économie-là fait du sens? Couchsurfing, l’autopartage (entre particuliers), les AMAP, le coworking, le colunching, le troc de vêtements, le Booksurfing, le crowdfunding, … vous y croyez, ça vous parle, ça vous inspire ?

N’hésitez pas à me faire part de vos expériences et de vos commentaires !

Parce que je suis également convaincu de l’impact social et de la contagion possible, attendue et souhaitable de cette économie du partage, j’ai commencé à réunir des adeptes du partage pour échanger autour de la thématique, publier des articles encore plus pointus et plus fréquemment et réfléchir à l’organisation d’évènements. Ce projet vous intéresse ? Vous souhaitez juste en savoir plus ? N’hésitez pas à rejoindre notre toute nouvelle page Fan.

Pour aller plus loin :


Article initialement publié sur le blog Consommation Collaborative

Image de clef : Victoria Diaz Colodrero.

Photos flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Sterneck ; PaternitéPas de modification {Guerrilla Futures | Jason Tester}

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http://owni.fr/2011/05/17/nouvelle-economie-partage-consommation-collaborative-p2p/feed/ 45
Evolution de la consommation collaborative au rythme des réseaux http://owni.fr/2010/11/15/evolution-de-la-consommation-collaborative-au-rythme-des-reseaux/ http://owni.fr/2010/11/15/evolution-de-la-consommation-collaborative-au-rythme-des-reseaux/#comments Mon, 15 Nov 2010 10:57:33 +0000 Hubert Guillaud http://owni.fr/?p=35680 La consommation collaborative correspond au fait de prêter, louer, donner, échanger des objets via les technologies et les communautés de pairs”, explique le site éponyme lancé par Rachel Botsman et Roo Rogers, les auteurs de What’s mine is yours, the rise of collaborative consumption (Ce qui est à moi est à toi, la montée de la consommation collaborative).

Ceux-ci affirment d’ailleurs que cette pratique est en passe de devenir un “mouvement”. Un mouvement qui va des places de marchés mondiales comme eBay ou Craiglist à des secteurs de niches comme le prêt entre particuliers (Zopa) ou les plates-formes de partage de voitures (Zipcar). Un mouvement dont les formes évoluent rapidement, comme le montre le secteur automobile par exemple, où nous sommes passés de la vente de voitures par les constructeurs au partage de voitures (Zipcar, StreetCar, GoGet… et Autolib bientôt à Paris) au covoiturage (Nuride qui est plutôt un système de compensation pour inciter les gens à prendre d’autres types de transports, Zimride, Goloco ou Covoiturage en France) à la location de voiture en P2P (DriveMyCar, GetAround, RelayRides, WhipCar). Dans la monnaie, nous sommes passés des banques établies, à des systèmes de prêts entre particuliers (Zopa, Peepex…), puis à des monnaies alternatives (Superfluid ou Batercard…).

“La consommation collaborative modifie les façons de faire des affaires et réinvente non seulement ce que nous consommons, mais également comment nous consommons”, affirment ses défenseurs. De nombreuses nouvelles places de marchés voient ainsi le jour en ligne : que ce soit les systèmes qui transforment les produits en service (on paye pour utiliser un produit sans avoir besoin de l’acheter), les marchés de redistribution (qui organisent la redistribution de produits utilisés ou achetés quand ils ne sont pas ou plus utilisés) et les styles de vie collaboratifs (des gens avec des intérêts similaires s’assemblent pour partager bien, temps, espace, compétences, monnaie, comme dans le cas des achats groupés sur l’internet via les ventes privées, ou du développement des espaces de Coworking comme les Cantines en France).

La liste des sites web permettant ce type d’échanges gagne toutes les thématiques : de l’échange de maison (HomeExchange) à la location de chambre ou de canapés chez le particulier (Airbnb et Couchsurfing) ou de parking en ville (ParkAtMyHouse), voire de jardins (Urban Garden Share ou Landshare)… au prêt de matériel électroménager (Zilok), à celui des produits culturels (Swap), ou de fringues (thredUP), ou à l’échange de la production du jardin (LePotiron)… jusqu’au partage de compétence (Teach Street ou Brooklyn Skill Share) et bien sûr au don d’objets usagers (Kashless, FreeCycle et autres Ressourceries…).

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Vidéo : la vidéo promotionnelle du livre de Rachel Botsman et Roo Rogers.

Les fans du partage ont déjà leur magazine : Shareable.net. D’un coup, L’âge de l’accès que décrivait brillamment Jeremy Rifkins dans son livre semble être en passe de s’être réalisé… mais pas de manière uniforme. Les visions et les modèles économiques qui président à la “consommation collaborative” n’ont pas tous la même orientation politique, ne partagent pas toute la même vision de l’économie et du fonctionnement de nos sociétés, tant s’en faut. Certains donnent clairement lieu à des modèles d’affaires qui n’ont rien d’altruiste (Groupon a généré 500 millions de dollars de revenus cette année), alors que d’autres proposent ouvertement un autre modèle de société et d’échange.

Un mode d’échange par défaut

Pour Rachel Botsman et Roo Rogers ces systèmes ont “tendance à devenir, par défaut, la façon dont les gens échangent que ce soit des biens, des lieux, des compétences, de la monnaie ou des services”. Et des sites de ce type apparaissent chaque jour, tout autour du monde. Mode ou phénomène de niche qui devient phénomène de masse ? Difficile à dire parce qu’il n’est pas évident d’arriver à mesurer ce phénomène.
C’est pourtant ce que veut proposer le site Collaborative Consumption, tenter de donner une mesure au phénomène, tout en recensant les outils et en centralisant la discussion sur cette évolution, pointe Bruce Sterling sur Wired.

Jenna Wortham pour le New York Times a ainsi loué un Roomba, ce robot aspirateur, pour 24 heures via la plate-forme SnapGoods. Une plate-forme parmi de nombreuses autres comme NeighborGoods ou ShareSomeSugar. Il existe bien d’autres services de ce type, allant des services d’achats groupés comme Groupon ou Vente privée, aux sites de voyages entre pairs comme Airbnb, aux sites d’échanges de maisons comme Home Exchange, voir même aux sites d’investissements collaboratifs comme My Major Company ou Kickstarter.

Il y a plusieurs formes de consommation collaborative : les formes où l’on achète en commun, de manière groupée, un bien ou un service pour obtenir le plus souvent un prix ; et les formes où les gens se prêtent, se donnent ou s’échangent des biens et services plutôt que de les acheter, estime Jenna Wortham.

Pour Ron Williams, cofondateur de SnapGoods, ce phénomène est lié à ce qu’il appelle “l’économie de l’accès” qu’évoquait Jeremy Rifkins. “Il y a une sensibilisation croissante au fait que vous n’êtes pas toujours heureux d’hyperconsommer. La notion de propriété et la barrière entre vous et ce dont vous avez besoin est dépassée.” La crise est également passée par là et le fait de pouvoir tester un produit avant de l’acheter réfrène (à moins qu’elle ne l’encourage) l’hyperconsommation dans laquelle notre société a depuis longtemps basculé, comme le souligne Gilles Lipovetsky dans son essai sur la société d’hyperconsommation.

Pour autant, ces places de marchés ne devraient pas renverser le modèle traditionnel avant longtemps, estiment les spécialistes. “Ce n’est pas la fin de notre vieille façon de consommer. Mais petit à petit, l’échange entre pairs pourrait bien devenir la façon par défaut dont nous échangeons”, estime Rachel Botsman.

Du produit au sens de la communauté

En attendant, les gens louent un nécessaire de camping pour un voyage, plutôt que de l’acheter, passent la nuit chez d’autres habitants plutôt qu’à l’hôtel… Pour les gens qui louent leur matériel, c’est une façon de se faire un peu d’argent, voire de rentabiliser leur achat. Ce n’est pas pour les économies qu’ils permettent de réaliser que ces services devraient gagner en popularité, mais parce qu’ils renforcent le sens de la communauté.

Ces services transforment un bien de consommation en un moyen de rencontrer ses voisins, estime un utilisateur actif. “Nous surfons sur le désir d’avoir toujours de réelles connexions avec la communauté”, estime Paul Zak, directeur du Centre pour les études en neuroéconomie de la Claremont Graduate University. L’interaction sociale réduit l’émission d’hormones de stress, même en ligne, estime le chercheur qui a montré que poster un message sur Twitter déclenchait une libération d’ocytocine, un neurotransmetteur de satisfaction. Selon lui, le commerce en ligne est appelé à se déplacer au-delà des transactions pour développer l’interaction et les contacts sociaux, comme nous le faisons déjà dans les magasins réels.

Le web ramène le business à l’individu à mesure que les sociétés de commerce en ligne deviennent plus petites, plus spécialisées, de niches. Paradoxalement, le web nous ramène à un modèle d’affaires centré sur l’humain.

Voilà longtemps que les places de marchés comme eBay utilisent la notation et les critiques des consommateurs pour créer un sentiment de confiance entre les participants et éliminer les participants non fiables, en plus de protections techniques. Cette nouvelle vague de systèmes de pairs à pairs utilise également les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter pour susciter de la confiance. “Cette nouvelle économie va être entièrement basée sur la réputation, qui fait partie d’un nouveau tournant culturel : votre comportement dans une communauté affecte ce que vous pouvez faire ou ce à quoi vous pouvez accéder dans une autre”, estime Rachel Botsman. Pas sûr que la réputation soit aussi poreuse d’une communauté l’autre, ni que l’utilisation des sites sociaux comme systèmes d’identification suffise à transformer la relation d’échange. Comme le montre le succès du BonCoin, il n’y a pas nécessairement besoin de ce type de fonctionnalités pour développer les échanges.

Article initialement publié sur Internet Actu.net sous le titre “La montée de la consommation collaborative”

>>Crédit photo Flickr CC : colodio

>Capture d’écran du site Neighborgoods

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http://owni.fr/2010/11/15/evolution-de-la-consommation-collaborative-au-rythme-des-reseaux/feed/ 50
La prochaine révolution ? Faites-la vous même ! http://owni.fr/2010/10/29/la-prochaine-revolution-faites-la-vous-meme/ http://owni.fr/2010/10/29/la-prochaine-revolution-faites-la-vous-meme/#comments Fri, 29 Oct 2010 17:19:57 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=34149 Article traduit en espagnol : ¿La próxima revolución? ¡Hágala usted mismo!

Dans la prochaine révolution industrielle, les atomes seront les nouveaux bits

En janvier 2010, Chris Anderson, rédacteur en chef de Wired et auteur de La longue traîne, tentait ainsi de résumer la révolution en cours du Do It Yourself (DIY, Faites-le vous même, en français). Après avoir considérablement contribué à développer, et démocratiser, ce que l’on appelait au siècle dernier la “micro-informatique“, puis l’internet, hackers et bidouilleurs s’attèlent aujourd’hui à la fabrication et au développement de nouveaux objets, “libres“.

Chris Anderson évoque ainsi la Rally Fighter, la première voiture de course “open source” (ses spécifications sont “libres“), développée de façon communautaire, en mode “crowdsourcing” (du nom donné au fait d’utiliser la créativité, l’intelligence et le savoir-faire d’un grand nombre d’internautes).

Pour lui, c’est une véritable révolution, non seulement industrielle, mais également dans le rapport que l’on entretient avec les technologies, les objets. Pour Marten Mickos, ex-PDG de MySQL, cette révolution porte encore bien plus sur ce que peuvent faire les êtres humains entre eux, dès lors qu’ils se mettent en réseau :

“Auparavant, les gens collaboraient dans leurs villages. Aujourd’hui, le village, c’est la planète. Ça a débuté avec le développement de logiciels libres et open source, mais c’était une pure coïncidence : les développeurs de logiciels ont été les premiers êtres humains à véritablement embrasser l’internet.

N’importe quel autre groupe peut aujourd’hui connaître de tels bouleversements : on commence à le voir avec des journalistes, chercheurs, hommes politiques, professionnels de la santé, et aujourd’hui avec des fabricants de voiture…”

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Dans les années 50, l’expression Do It Yourself était utilisée pour qualifier ceux qui ne voulaient pas se contenter de consommer, mais également d’améliorer ce qu’ils avaient acheté (maison, voiture et autres biens de consommation).

Dans les années 60-70, l’essor de la contre-culture et des mouvements de refus de la société de consommation lui donnèrent une tournure plus politique, renouant avec les valeurs anti-industrielles prônées par le “mouvement des arts et métiers” de la fin du XIXe siècle (voir Houellebecq et les Fab Labs).

Aujourd’hui, le DIY est aussi un marché, et même une industrie : magasins, livres, émissions de télévision et magazines de bricolage, jardinage, décoration, cuisine… à quoi il faut rajouter, ces dernières années, le succès de places de marché comme etsy.com, qui permet à ses utilisateurs de vendre les objets qu’ils ont fabriqué (et à certains d’en faire leur métier).

La démocratisation (et la baisse des prix) des technologies a fait exploser l’offre et la demande de kits et composants permettant de créer ses propres robots, drônes et autres gadgets.

L’envol des valeurs du “Libre” (logiciels libres et open source, Creative Commons, réseaux sociaux et web 2.0) se traduit également aujourd’hui dans la démultiplication des Tech Shops, HackerSpaces, Fab Labs… lieux physiques où hackers et bidouilleurs peuvent partager outils, composants et compétences. À ce jour, on dénombre 45 FabLabs, dans 16 pays (de Jalalabad en Afghanistan à Medellin en Colombie en passant par le Kenya, les USA et les Pays-Bas), et près de 340 hackerspaces actifs, plus 259 autres en préparation :

1010MakeThingsNotWar 1010HackerSpaces

Le magazine Make, créé par O’Reilly en 2005, et les Maker Faire, lancés dans la foulée pour réunir, et célébrer, les adeptes du DIY, constituent la partie la plus visible du phénomène. Le nombre de sites web, de projets mais également d’approches pratiques de la question est tel qu’il est impossible d’en résumer la diversité.

On peut, par contre, en proposer un bref tour d’horizon, augmenté de nombreuses vidéos, afin de se faire une petite idée de ce qui est en train de se tramer, en ce moment, dans les garages des hackers du XXIe siècle.

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Papas geeks, hackers décidant de modifier leurs matériel en profitant de leurs compétences logicielles (voir Hackers et sans complexe), universitaires créant des Fab Labs pour apprendre aux gens à créer leurs matériels par eux-mêmes, plutôt que d’avoir à les acheter… on est bien loin des bricoleurs du dimanche, et plus proches des bidouilleurs de l’internet des objets, de ces néoObjets du futur qui pourraient bien changer la nature de nos objets, sinon de la société.

Le phénomène commence d’ailleurs à se structurer, y compris d’un point de vue théorique, avec notamment la rédaction d’une définition de ce que peut et doit être un “matériel libre” (Open Source Hardware, en VO). Les projets, tout comme les objets, ne sont pas tous stricto sensu “open source“, mais la quasi-totalité proposent un mode d’emploi permettant de les refabriquer, et de plus en plus nombreux sont ceux qui partagent toutes les sources, schémas, firmware, logiciels, nomenclatures, listes de pièces, dessins, manuels et modes d’emploi de sorte que tout un chacun puisse les recréer, voire en commercialiser des projets dérivés, à la manière des logiciels libres et open source.

En 2008, le magazine Make avait répertorié 60 projets de matériel (hardware) “open source“. Fin 2009, il en dénombrait 125, répartis en 19 catégories. En 2010, il a arrêté de les compter.

On y trouve bien évidemment des imprimantes 3D permettant de créer toutes sortes de pièces et objets en plastique, silicone ou epoxy, de la célèbre RepRap, conçue pour pouvoir s’auto-répliquer jusqu’à la jolie petite MakerBot (649 dollars) en passant par la luxueuse Fab@Home (à partir de 1950 dollars), qui entend “démocratiser l’innovation“.

La Fab@Home

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À quoi servent-elles ? À créer des petites pièces en plastique, coques ou socles d’iPhone, briques et roues de LEGO, circuits électroniques personnalisés, bracelets, petits jouets ou personnages, pièges à souris (qui ne tuent pas les souris), toutes sortes de petits gâteaux ou chocolats (voir la galerie de Fab@Home), et même des auto-portraits en 3D

Un auto-portrait en 3D.

Arduino, utilisé par des milliers d’artistes, ingénieurs, designers et passionnés désireux de créer des objets ou environnements interactifs, indépendants, reliés à des capteurs ou des ordinateurs, est probablement le projet le plus avancé, c’est en tout cas le plus vendu (plus de 100 000 unités – à partir de 20 dollars), et cloné, entraînant également un certain nombre de projets dérivés permettant d’y interfacer de la musique, une connexion internet ou encore un signal GPS.

À quoi ça sert ? À créer des interfaces tactiles, jeux en 3D, petits robots, exosquelettes, imprimantes thermiques, des vitrines interactives réagissant aux mouvements des passants, systèmes permettant d’alerter les clients de ce que vient de cuire un boulanger, robots serveurs dotés de capteurs afin d’ajuster le volume d’alcool à servir au taux d’alcoolémie des clients, des chapeaux interactifs vous punissant si vous ne souriez pas ou inspirés du casque des Daft Punk, un jeu vidéo permettant de contrôler une vraie petite voiture sur un vrai circuit…

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Dans le Top 40 des projets Arduino compilé par HacknMod, on trouve aussi toutes sortes d’objets truffés de Leds, un capteur de pollution, une pédale “low teck” pour guitare électrique, un piano de poche, un robot qui lit votre fil RSS, une machine à café contrôlée par Wiimote, des drônes et voitures télécommandées, une harpe laser (voir aussi cette liste de projets sur le site d’Arduino).

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Les objets DIY ont aussi parfois une dimension culturelle, sinon politique. On connaît le TV-B-Gone, télécommande universelle dotée d’un seul bouton, le “OFF“. On peut l’acheter tout fabriqué (25 dollars), mais aussi en kit (22 dollars, tout de même), tout comme Wave Bubble, un brouilleur de téléphones portables, ou encore le BeDazzler, conçu pour se moquer des autorités américaines qui avaient dépensé 1 millions de dollar pour concevoir une nouvelle arme non létale, le Dazzler, censée rendre les gens malades grâce à des flashs lumineux. Sa réplique open source, créée par l’incontournable Lady Ada (qui vend se qu’elle crée sur Adafruit), a coûté moins de 250 dollars…

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Le DIY permet aussi de faire des économies d’énergie, qu’il s’agisse de jauger la charge d’électricité d’une batterie, de fabriquer son propre chargeur USB pour téléphone portable ou lecteur MP3, ou encore de communiquer, par téléphone, SMS ou Twitter avec… des plantes vertes, afin de savoir quand elles ont besoin d’eau, ou quand elles en ont trop (BotaniCalls & GardenBot).

De son côté, le projet re:farm the city s’est donné pour mission de fournir logiciels et matériels libres aux “fermiers des villes” afin de promouvoir l’auto-production locale, et l’agriculture bio, en milieu urbain.

La culture DIY étant essentiellement affaire de geeks, il était normal d’y retrouver un certain nombre de jeux, plus ou moins électroniques, tel Drawdio, un crayon qui joue de la musique lorsqu’on dessine, une “Brain Machine” créée par Mitch Altman, l’inventeur de la TV-B-Gone, qui mixe musique et flashs lumineux pour vous aider à méditer (existe aussi en version toute prête : Trip Glasses).

On peut aussi trouver des modes d’emploi pour se fabriquer des vélos en bois, en bambou, électriques ou dotés d’un sidecar, une machine à laver open source fonctionnant à l’énergie solaire, une maison faite avec 6 millions de bouteilles vides (en 19 ans), des prothèses open source, et même un restaurant open source, lancé au début du mois de juillet afin de “digérer la culture libre de l’internet“, et qui a été pensé, fabriqué et lancé à partir de modes d’emploi disponibles sur instructables.com, l’un des sites de référence de la culture DIY, avec make:, ou Thingiverse.

En France, le /tmp/lab et ses Hackers Space Festivals ont redonné au terme “hacker” sa connotation positive de bidouilleur de génie, et contribué à l’essor et à la reconnaissance des hacklabs (à noter que son Plastic Hacker Space Festival se tient du 29 au 31 octobre 2010).

Hackable:Devices, à la fois boutique en ligne de matériel libre, et communauté fédérant 500 utilisateurs actifs (hackers, créateurs, fabricants, investisseurs), s’est de son côté donné pour objectif de “libérer les appareils (pour) libérer la créativité des hackers, leur donner autant de contrôle que possible afin qu’ils ne perdent pas leur temps dans l’ingénierie inverse et se concentrent sur la création pure“. MadeInFr.org, plus technique, veut de son côté regrouper les contributions de bidouilleurs, électroniciens, et du “DIY français“.

Babozor, dans sa Grotte du Barbu, contribue lui aussi à démocratiser le phénomène, expliquant que l’on peut tout hacker, du métro parisien au vieux PC , transformé en BarBQ grâce à un caddie de supermarché, et qui passe allègrement des nouvelles technologies au kitchen hacking, pour faire de la bière, un gâteau au chocolat sans four et de la crème au beurre à la perceuse…

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Semageek, de son côté, regorge d’infos et modes d’emploi permettant, notamment, de recycler une vieille machine à écrire en clavier USB, de transformer une brosse à dent en robot, de modifier un téléphone portable pour démarrer sa voiture à distance, de bricoler voiture pour la piloter depuis un iPhone, de créer une veste interactive permettant de “transformer sa copine” en manette de jeux vidéos tout en la massant… ou de relier un pour capteur de gaz à un kit Arduino pour changer de chaine de TV “chaque fois que vous pétez“.

Les deux derniers exemples sont choisis à dessein : d’aucuns les considéreront (avec raison) comme de mauvais goût. Mais là n’est pas la question : ces objets modifiés, augmentés, hackés, détournés, l’ont été parce que les bidouilleurs en avaient besoin, mieux : parce qu’ils en avaient envie, et que ça leur faisait plaisir, même si ça ne sert à rien. Leurs bidouilles ne relèvent pas tant de l’économie de marché (même si tous ces objets ont un coût) que d’une volonté d’indépendance, et de s’amuser.

À l’ère de la bidouillabilité, définie par Tristan Nitot comme la “capacité – pour un objet technique ou un outil – à être détourné de sa fonction première en vue d’essayer de lui trouver de nouveaux usages“, la profusion de projets, et d’objets, issus de la culture DIY, et des valeurs des hackers, dessine un Nouveau Monde où, à la manière des transformations à l’œuvre dans le web 2.0, de nouveaux modèles économiques émergent, et qui reposent, non pas sur la “vente” d’un produit, mais sur la “participation” à son élaboration, création, fabrication, modification…

On a coutume de décrire les créateurs de startups sous le forme de jeunes geeks équipés de portables, dans une chambre d’étudiant ou un garage. L’image vaut aussi aujourd’hui pour ceux qui vont bouleverser l’industrie, la création et la distribution de produits physiques. Des machines industrielles qui coûtaient auparavant plusieurs centaines de milliers de dollars peuvent aujourd’hui être achetées pour quelques milliers, voire fabriquées pour quelques centaines seulement.

Comme le souligne Chris Anderson, “n’importe quel garage est une usine high tech potentielle. Marx aurait été content“. Je ne sais si Marx l’aurait vraiment été, mais Anderson l’est très certainement. DIY Drones, un portail communautaire qu’il a lancé afin de développer des drônes pour pas cher, a généré un chiffre d’affaires de 250 000 dollars la première année, les 2/3 à l’export, et il espère atteindre le million d’ici trois ans.

Ses principaux concurrents ? Lockheed Martin et Boeing, dont il divise les coûts technologiques par 10, essentiellement en économisant sur les brevets et la propriété intellectuelle, en crowdsourçant la recherche et développement, tout en s’affranchissant de la bureaucratie, des commerciaux, communicants, bureaux, usines… la production des étant externalisée dans un TechShop du Colorado.

Dans son article sur ce qu’il qualifie de “nouvelle révolution industrielle, Chris Anderson résume la situation d’une phrase : “si ces 10 dernières années ont permis la découverte et l’émergence, sur le web, de nouveaux modèles sociaux post-institutionnels, les 10 prochaines années les verront s’appliquer dans le monde réel” :

L’internet a démocratisé la publication, la diffusion et la communication, ce qui a eu pour conséquence d’accroître de façon massive le degré de participation et de participants dans le monde digital -la longue traîne des bits.

La même chose est en train de se produire en terme de fabrication – la longue traîne des objets. Le web n’était qu’une démonstration de faisabilité (proof of concept, en VO). Maintenant, la révolution va aussi toucher le monde réel.

Cette façon de créer, en réseau, en partageant avec les autres méthodes, schémas et réalisations, sur le modèle des logiciels libres et open source (voir La cathédrale et le bazar), procèdent aussi de cette démocratisation de l’innovation évoquée par Eric von Hippel, pour qui “il y a 2 à 3 fois plus d’innovations de la part des consommateurs qu’il n’y en a dans l’industrie“.

En attendant de connaître la portée d’une telle “révolution“, et des créations (d’objets, mais également d’entreprises) qu’elle entraînera, on voit bien bien que désormais, après la nature (le jardinage), le bricolage (objets réels), le numérique (données et programmes), voici venu le temps des objets hybrides, à la fois réels (voire biologiques) et numériques.

Tout cela reste encore un peu technique, mais c’était aussi ce que l’on disait, dans les années 90, quand des myriades d’internautes ont commencé à créer leurs propres sites web, sans formation ni école, mais en bidouillant à partir de ce que les autres avaient fait. La question reste de savoir si, tout comme on est passé du langage HTML 1.0 aux technologies et usages du web 2.0, le DIY dépassera le seul stade de la “bidouille” pour accéder au grand public et permettre aux gens de se réapproprier les objets, de les améliorer, de les partager aussi.

C’est tout l’enjeu du Web², ce “web à la puissance 2” qui, après avoir déplacé les utilisateurs au cœur du système (le Web 2.0), veut exploiter l’intelligence collective des capteurs et des données. La question est donc aussi de savoir si on fera de cet ”internet des objets” un ”internet du peuple”.

& rendez-vous au Plastic Hacker Space Festival, au /tmp/lab à Vitry-sur-Seine, du 29 au 31 octobre 2010, ou encore au make art, festival des arts et technologies libres, du 4 au 7 novembre 2010 à Poitiers.

Voir aussi l’excellente présentation de Jean-Michel Cornu sur La fabrication numérique :