OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/09/17/les-data-en-forme-48/ http://owni.fr/2012/09/17/les-data-en-forme-48/#comments Mon, 17 Sep 2012 16:27:53 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=120321 Owni vous emmène aux côtés des petits poissons, des gros donateurs des élections US, des contributeurs et "trices" de Wikipédia, au fond des finances des croyants et au coeur des molécules d'air. Embarquez pour ce 48ème épisode !]]> Nous sommes encore loin de Noël mais nous, chez Paulette, on aime les cadeaux. Attaquons donc ce 48ème épisode des Data en forme par un petit bijou.

Cette animation signée par le designer allemand Uli Henrik Streckenbach est une leçon de mise en scène des données. Sur 4 minutes et 20 secondes, c’est une véritable histoire de la surpêche qui se raconte où tous les chiffres sont à la fois les personnages et le décor.

Point besoin d’en dire plus, installez-vous, la projection débute…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Confirmation une fois de plus que l’un des secrets de tout bon travail autour des données tient dans cette question essentielle : que nous racontent les data ? Avant de plonger dans les outils de visualisation, il est toujours bon de s’attarder, parfois longtemps, sur la narration que l’on souhaite développer.

En donner #oupas

Après ce récit visuel aussi fluide qu’implacable, passons à la séquence “Élections US” qui risque d’être assez récurrente jusqu’au mois de novembre prochain. Cette semaine dans notre escarcelle : deux traitements data liés à la campagne.

The forest of advocacy” est une plateforme qui proposera un jeu de visualisations par semaine jusqu’au scrutin. Pour commencer, cette équipe aux compétences multiples – science politique, science des réseaux, psychologie, sociologie, analyse des médias, datavisualisation… – s’est arrêtée sur les grandes organisations finançant la campagne des deux partis.

L’équipe du LazerLAB a choisi huit grandes organisations qu’elle considère comme représentatives des différentes postures de ces structures : celles finançant le même parti avec constance au fil du temps, celles plus “mouvantes” ou encore celles, comme la banque Goldman Sachs, qui financent à part quasi-égale les deux camps assurant ainsi leurs intérêts quelque soit le résultat sorti des urnes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pour chaque organisation, les donateurs sont représentés par des carrés évoluant sur deux axes. Celui des abscisses qui partage horizontalement la visualisation en deux est un repère temporel, celui des ordonnées est le montant des donations : soit à destination des Républicains pour la partie haute ou des Démocrates pour la partie basse.

Ces visualisations sont proposées dans des modules vidéos commentés, ce qui a un vrai effet pédagogique, mais qui ne nous permet pas de jouer directement avec, ni d’explorer les données en détail, seule ombre à ce travail.

Le second traitement data de la campagne américaine est signé du Washington Post. Plusieurs visualisations interactives sont proposées sur le site du journal américain, toujours via le prisme de la cartographie.

La dernière en date est axée sur les déplacements des candidats à la fonction suprême. Où l’on apprend que le candidat républicain arpente plus le territoire que son adversaire occupant actuellement la Maison Blanche, Mitt Romney quadrillant notamment plus l’intérieur des terres américaines.

Les données du Washington Post ne s’arrêtent pas là puisque sont également comptabilisés les déplacements des épouses des candidats – ici la tendance s’inverse, Michèle Obama est bien plus sur les routes qu’Ann Romney – ainsi que celle des vice-présidents et de leurs conjointes.

Pour compléter cette visualisation géographique, une timeline affiche la répartition de ces visites dans le temps et de courtes notes de contexte sont proposées pour chaque événement.

En avoir #oupas

Pour qui veut s’exercer à rendre lisible des jeux de données complexes, Wikipedia et ses millions d’articles et de contributeurs peuvent être une destination tentante, notamment via son API. Santiago Ortiz, développeur indépendant rompu à la mise en scène interactive de données, s’est amusé à faire joujou dans ce luxuriant jardin plein de chiffres.

Partant d’un article du New York Times pointant la prédominance des contributeurs masculins, il est allé à la source et a développé une web-application permettant de parcourir ces données.

Si elle n’est pas évidente à appréhender au premier coup d’œil, elle mérite que l’on y passe quelques minutes. Identifiez bien les différentes diagonales marquant les paliers de la répartition femmes/hommes dans les contributions et amusez-vous à jouer avec les filtres proposés qui permettent de n’afficher que certaines catégories d’articles de l’encyclopédie (émissions TV, films, livres, émotions…).

Y croire #oupas

Travailler les données, c’est aussi (souvent) jouer la confrontation, la comparaison et aboutir à une vision macroscopique des forces en présence. C’est ce à quoi ce sont amusés les designers de l’agence Column Five en partant d’un jeu de données fourni par le Pew Forum : comment sont répartis les revenus dans les différentes communautés religieuses des États-Unis ?

Cette visualisation statique, “The Allmighty Dollar“, claire et efficace, nous permet d’explorer en un coup d’œil les portefeuilles de la foi.

Dataïfier le monde

Pour clore ces data en forme, échappons-nous du côté des représentations un peu folles du monde par les données. Explorons les data avec nos tympans autant que nos rétines.

L’ouïe tout d’abord avec ce projet bien allumé monté par Aaron Reuben, journaliste indépendant, et Gabriel Isaacman étudiant en science de l’environnement à l’université de Berkeley. Leur but commun : écouter l’air.

Comment ? Rien de plus simple : dans différents endroits, ils ont recueilli sur des filtres des particules atmosphériques. Ils ont ensuite séparé les milliers de composants qui forment la mixture que nous respirons puis leur ont assigné un son à chacun. Il ne restait plus qu’à appuyer sur “play” et laisser l’évolution des données nous rendre audible l’air qui nous entoure.

Comparaison oblige, jetez une oreille à l’air d’un tunnel encombré de semi-remorques puis à celui nettement plus apaisé des hauteurs de la Sierra Nevada.

Finissons comme promis avec une expérience visuelle, une vision où les data viendraient encombrer votre cornée, un génial exercice de style codé par le développeur canadien Peter Nitsch : Ascii StreetView. Certains nous ferons remarquer que le lien n’est pas neuf, certes, mais comme l’on dit par ici “old but gold”.

C’est “juste” le service Street View proposé par Google entièrement repeint à la sauce Ascii. Si ce service avait existé dans le kiosque de feu le Minitel, il aurait sans doute ressemblé à ça.

Bonne balade et à la semaine prochaine.

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La finance islamique fait salon http://owni.fr/2011/12/20/la-finance-islamique-fait-salon/ http://owni.fr/2011/12/20/la-finance-islamique-fait-salon/#comments Tue, 20 Dec 2011 17:17:39 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=91290

Ne pas faire de politique. Rester dans les thématiques religieuses, et économiques. Lynda Ayadi, vice-présidente de l’Union des musulmans de France, avait des projets précis pour le Salon international du monde musulman qui s’est tenu du 17 au 19 décembre au parc des expositions du Bourget.

La directrice du salon avait aussi de l’ambition : réunir l’ensemble des acteurs qui animent la vie des musulmans en France, notamment sur les questions bancaires. Dix stands étaient réservés à des représentants de la finance islamique. Parmi eux, l’Association d’innovation pour le développement économique et immobilier (l’Aidimm).

Finance éthique

Créée en 2005, l’Aidimm, recherchait des alternatives à l’accession à la propriété explique le président, Saer Saïd :

En creusant les alternatives, nous avons d’abord découvert la finance éthique puis la finance islamique. Elle correspond à une structuration différente et elle est calquée sur l’économie réelle.

Le motif est religieux : la notion de riba issue du Coran interdit de rémunérer l’argent. Proscrits, donc, les taux d’intérêt et l’emprunt. La rémunération d’un placement doit correspondre aux dividendes qu’il a effectivement créés, d’où l’inscription revendiquée dans l’économie réelle et son ancrage dans la finance alternative. Pour Robin Martel qui a mené des recherches sur la finance islamique en France à la School of Oriental and African Studies de Londres :

La Grande-Bretagne est bien plus avancée que la France dans le domaine sous l’influence des pays du Golfe et surtout du Pakistan, Les considérations religieuses n’expliquent qu’en partie le développement de la finance islamique ces dernières années. L’objectif est tout autant d’offrir un service aux musulmans vivant en France que d’attirer les capitaux du Golfe.

Une ambition que confirment ses promoteurs en France, notamment Hervé de Charrette, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien président de la Chambre de commerce franco-arabe, qui a pris la tête de l’Institut français de finance islamique, créé en 2009. Dans un article publié sur le site de l’association, il écrit :

Du fait de son récent développement international, la finance islamique est généralement victime d’obstacles législatifs et de surcoûts fiscaux. C’est pourquoi de nombreux pays, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne par exemple, ont adapté leur législation pour éliminer ces obstacles et ces surcoûts. L’enjeu pour la France est donc de participer à ce mouvement afin d’être capable d’attirer elle aussi ces investissements pour le développement de notre pays. La France doit donc prendre en marche le train de la finance islamique.

Une sorte de lobby

Longtemps embryonnaire, la finance islamique s’est structurée à partir de 2008 en France, année de la publication d’un rapport d’information du Sénat, suivi d’une réforme de la fiscalité en 2009. Robin Martel distingue deux tendances parmi les acteurs français :

Aidimm correspond à un développement endogène, issu de la société civile, à destination des entrepreneurs et fait par eux. C’est devenu une sorte de lobby. Une autre tendance, autour de l’IFFI notamment, est plus institutionnelle.

Saer Saïd, président de l’Aidimm, confirme ces activités de sensibilisation et de formation. L’Aidimm produit aussi des certifications de compatibilité avec la Charia. En 2009, sept entreprises du CAC 40 étaient Charia compatibles, affirme Saer Saïd sans en révéler les noms : “C’est à leur service de communication qu’il faut demander !” Il ajoute :

Avec la crise, un nombre croissant de gens sont soucieux de savoir où va leur argent. Les musulmans sont des consommateurs. Ils sont inquiets par la crise.

Un succès qui n’était pas démenti pendant les trois jours du salon. Les files d’attentes ne diminuaient pas devant les stands du quartier finance islamique.


Photos par Pete Bakke [ccbyncsa] et Rogiro [ccbyncnd]

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Catho 2.0: le Pape sur ton iPad http://owni.fr/2011/06/30/catho-2-0-le-pape-sur-ton-ipad/ http://owni.fr/2011/06/30/catho-2-0-le-pape-sur-ton-ipad/#comments Thu, 30 Jun 2011 06:31:11 +0000 Marie Telling http://owni.fr/?p=72213 Branle-bas de combat hier sur le compte Twitter Vatican-news. Le Pape Benoit XVI live-twitte les premiers pas de News.va [en], le nouveau portail d’informations du Vatican :

Chers Amis, je viens de lancer News.va. Loué soit notre Seigneur Jésus Christ ! Avec mes prières et bénédictions, Benoit XVI

Le site rassemble tous les médias du Vatican, dont la Radio Vatican et le journal l’Osservatore Romano [en]. Il est disponible en italien et en anglais, en attendant d’être traduit dans d’autres langues. Le Vatican n’est pas novice sur le Web puisque Jean-Paul II avait inauguré, dès 1995, www.vatican.va, le site officiel du Saint-Siège. La nouveauté avec News.va c’est son utilisation des réseaux sociaux : des comptes Facebook et Twitter et une page Youtube où l’on peut voir le Pape consultant le site depuis son iPad.

Pour le New York Times [en], la stratégie du Saint-Siège est claire :

Le Vatican a récemment réalisé qu’il pouvait atteindre un public plus large en communicant directement avec l’extérieur, plutôt qu’en prêchant de loin.

Intéressé par les ordres ? Le clergé recrute sur Facebook

Une prise de conscience s’est faite à tous les niveaux du clergé catholique qui, de plus en plus, fait campagne sur les réseaux sociaux. Pour lutter contre le manque de recrues, les moines Bénédictins de Portsmouth, dans le Rhode Island, ont investi Facebook où ils partagent leur expérience de la vie monastique et parlent de leur vocation. Sur le site de l’Abbaye, ils détaillent les démarches à suivre pour rentrer dans les ordres et répondent aux questions des potentiels candidats.

En France, le site MaVocation.org guide aussi les jeunes intéressés par les ordres. Pour les autres, il y a les comptes Facebook des divers diocèses et ceux dédiés aux JMJ. Ceux qui préfèrent les podcasts peuvent profiter gratuitement de la WebTv du diocèse de La Rochelle et Saintes et de Radio Notre-Dame, qui s’interroge :

A quoi sert l’Eglise ?

Évangéliques : réseaux sociaux et créationnisme

L’Église catholique n’est pas la seule à avoir pris conscience du potentiel d’Internet. Les mouvements évangéliques exploitent les possibilités du Web depuis plusieurs années. Outre leurs sites traditionnels – créationnistes (AnswerInGenesis.org) ou plus généraux (Christianity) –, les Églises évangéliques n’hésitent pas à investir les réseaux sociaux pour diffuser leur message.

La page Facebook “I’m proud to be Christian” (« Fier d’être Chrétien »), qui publie des extraits de la Bible plusieurs fois par jour, rassemble près de 3 millions de fans. Celle de “Jesus Daily” – qui s’est donné pour mission de diffuser l’Évangile – en a séduit 6 millions. Le compte Twitter de l’auteure évangélique Joyce Meyer fédère, quant à lui, plus de 280.000 followers. Meyer s’y attache à “transmettre l’amour de Jésus Christ dans un monde meurtri” grâce à des conseils tels que :

Dieu travaille selon la loi du progrès graduel, donc ne soyez pas découragés si vous avancez lentement.

Refroidis par le contenu de certains réseaux sociaux, les évangéliques les détournent et créent des sites plus adaptés à la parole divine. Sur la toile “born again”, MySpace devient MyPraize, un site où les groupes de rock chrétiens se disputent les faveurs des internautes.

YouTube est remplacé par GodTube, site “family-friendly” qui fait la part belle à l’humour avec des stand-up sur la vie maritale. En 2008, un pasteur y faisait le buzz grâce à une parodie du morceau “Baby Got Back” du rappeur Sir Mix-a-Lot, transformé en un “Baby Got Book” plus biblique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Interrogé à l’époque par le New York Times, Dan Smith, l’auteur de la vidéo, affichait la portée prosélyte de sa parodie. Il affirmait alors son désir de voir sa vidéo sur d’autres médias plus consultés par les non-croyants : “Je sais qu’il n’y a pas beaucoup de non-pratiquants sur GodTube.”

Mars Hill ou l’église du futur

Conscients du potentiel de Youtube, certains pasteurs l’utilisent pour rassembler toujours plus de fidèles.

Sur la chaîne YouTube de Mars Hill Church, Mark Driscoll, la quarantaine, vêtu d’un éternel sweat à capuche, partage ses sermons du dimanche. Ce pasteur qui officie à Seattle rassemble des milliers de fidèles grâce à des méthodes de communication très modernes.

Dans ses vidéos, il répond aux questions que l’audience lui envoie par SMS pendant l’office. “L’homosexualité est-elle un pêché ?” “La masturbation est-elle une méthode valide de contraception ?” … (voir la vidéo en anglais)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Avec son allure décontractée, son ton insolent et son amour pour le rock indé, Mark Driscoll séduit les habitants de Seattle, souvent anti-religieux. Son succès auprès de la sous-culture Grunge est tel qu’il compte quatre des tatoueurs les plus célèbres de la ville parmi ses fidèles.

Cette communication maîtrisée masque un message profondément réactionnaire où la place de la femme est auprès de son mari et où l’homosexualité, la littérature fantastique et les blagues graveleuses sont considérés comme des pêchés.

Les possibilités de convaincre les foules évoluent. Mais derrière, le message reste le même.

Illustration : capture d’écran du site du Vatican le 29 juin.

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La religion investit Internet http://owni.fr/2011/04/27/la-religion-investit-internet/ http://owni.fr/2011/04/27/la-religion-investit-internet/#comments Wed, 27 Apr 2011 07:47:55 +0000 Laurence Estival http://owni.fr/?p=59082

Ce dimanche de Pâques a marqué l’aboutissement du cheminement conduit depuis le mercredi des Cendres, le 9 mars dernier, par quelque 53 500 fidèles. Ils ont choisi de participer à la “Retraite dans la Ville”, une retraite spirituelle de quarante jours sur Internet proposée par les frères dominicains du couvent de Lille. Cette opération, créée il y a neuf ans, attire de plus en plus de personnes chaque année. 40.000 fidèles s’y étaient inscrits en 2010.

Le principe est donc bien rodé : après s’être enregistrés gratuitement en ligne, les croyants reçoivent dans leur boîte mail une méditation et la prière du jour, directement téléchargeable sur le site des Dominicains de Lille. Les participants bénéficient aussi d’un accompagnement: ils peuvent à tout moment poser une question à un frère ou une sœur qui s’engagent à y répondre dans les plus brefs délais.

Les fidèles peuvent rejoindre une Fraternet, petite communauté virtuelle animée par deux laïcs, où une douzaine de retraitants partagent leur expérience. Autre initiative originale, un blog tenu par le frère Xavier Pollart, prieur du couvent des dominicains de Lille, et le frère Franck Dubois, responsable des étudiants. Il maintient le lien entre les internautes grâce à des billets qu’il est possible de commenter, de recommander sur Facebook ou de suivre sur Twitter.

Followers en pèlerinage

Les Dominicains de Lille ne sont pas les seuls à avoir découvert les potentialités offertes par la toile : Benoît XVI lui-même est sur Facebook. Le Saint-Père célèbre aussi quotidiennement la messe en direct sur la web TV du Vatican. Sur la Web TV du Jour du Seigneur, les pratiquants peuvent suivre les homélies chaque dimanche en simultané, revoir celle de la semaine précédente ou encore télécharger la liturgie de la parole des prochaines célébrations.

L’Église catholique française propose, quant à elle, une application pour iPhone. Elle permet de connaître les horaires des messes et des célébrations des grandes fêtes religieuses à proximité de l’endroit où le croyant se trouve.

Le phénomène dépasse largement les seules communautés catholiques. En témoigne notamment un article publié le 19 avril par le quotidien suisse Le Temps. Il relate les expériences menées par l’Église évangéliste, à l’image des prêches du pasteur Matthias Bölsterli, à Genève, dont l’Église virtuelle compterait 4 000 fidèles : des applications iPhone préparent à la confession.

Grâce à un compte sur le réseau social Facebook, des enseignements religieux sont également diffusés par vidéos. Le Temps explique :

L’abbé d’Einsiedeln, Martin Werlen, convie chaque année ses followers Twitter pour un pèlerinage dans l’abbaye schwyzoise. Quant à Simon Weber, porte-parole de la Fédération des Églises protestantes suisses, il gère le service d’édition en ligne Issuu.com [en], qui lui permet de publier instantanément les prises de position théologiques de l’Église. Il dialogue avec les fidèles sur plusieurs canaux, dont Twitter et Facebook.

En Grande-Bretagne, c’est la Saint-Pixel Méthodiste [en] qui a sur ce sujet une longueur d’avance, proposant elle aussi une église virtuelle où les fidèles peuvent se choisir un personnage, écouter des sermons et participer à des forums de discussion et à des ateliers sur la Bible. Leur objectif ultime est de fonder une église virtuelle semblable au site Second Life.

La religion musulmane a elle aussi élu domicile sur le Web. Le site islamcity.com [en] propose ainsi de nombreux services : on peut trouver l’heure des prières à proximité de son domicile mais aussi les télécharger. On peut enfin faire des dons en ligne.

Aujourd’hui les Églises ont en effet décidé d’aller chercher les fidèles là où ils se trouvent. Dans ce contexte, la toile joue un rôle de plus en plus important. Les défis à relever sont identiques à ceux de tous les webmasters de la planète : positionnement sur les moteurs de recherche, fidélisation des lecteurs, recrutement, gestion de la concurrence, investissement sur les plates-formes virtuelles adéquates et réputation. “De là à changer la pratique de la foi ?”, s’interroge Le Temps

Article initialement publié sur myeurop.info sous le titre “La religion à l’heure du Web 2.0″

Illustrations Flickr AttributionNoncommercialShare Alike Some rights reserved OWNI remix et capture d’écran Twitter

À lire ailleurs : Les conseils de Benoît XVI pour un bon usage du web

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Where is my God ? http://owni.fr/2011/04/11/where-is-my-god-cerveau-theologie-neurotheologie/ http://owni.fr/2011/04/11/where-is-my-god-cerveau-theologie-neurotheologie/#comments Mon, 11 Apr 2011 15:03:06 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=34523 “Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quelle étagère ?” Pour certains spécialistes des neurosciences, il semblerait que cette quête de sens, ainsi que toutes nos angoisses existentielles, traîneraient du côté du rayon “cerveau”. Et il en serait de même pour LA question: et Dieu, dans tout ça ?

Voilà une dizaine d’années qu’un petit nombre de chercheurs, principalement américains et canadiens, recherchent activement les manifestations du Grand Horloger, et plus généralement la source de la spiritualité, dans les méandres cérébraux. La pratique, baptisée “neurothéologie”, restée aujourd’hui à la marge, est souvent présentée comme un domaine d’études un peu curieux, à la légitimité faiblarde. Pourtant, ils ne sont pas tous à chercher la preuve de l’existence (ou pas, d’ailleurs) de Dieu dans le fatras synaptique. Il est vrai que certains n’hésitent pas à clamer haut et fort avoir localisé une zone extatique cérébrale, sorte de bouton-pressoir activateur de foi.

D’autres en revanche, plus modérés, rétorquent que là n’est pas la question. Ni démonstrateurs en odeur de sainteté, ni abatteurs de divinités, ces chercheurs tentent d’observer une réalité vécue et exprimée: celle des états de conscience modifiés, des expériences dites “mystiques”, de la méditation, ou bien encore de la sensation d’unicité avec le monde. Expliquer la spiritualité en scrutant la cervelle humaine: difficile d’envisager entreprise plus périlleuse, tant les réticences en provenance des deux bords, science et religion, viennent impacter et questionner les conditions expérimentales des “neurothéologues”.

Neuro-localisation de Dieu

Le "casque de Dieu" du chercheur Michaël Persinger (extrait de la série "Through the Wormhole" de Science Channel)

Avec son “Helmet God” (“casque de Dieu”), Michael Persinger [ENG] fait figure de précurseur dans le domaine de la neurothéologie.

L’objectif de ce chercheur américain est de reproduire l’expérience mystique en stimulant certaines zones du cerveau, comme le lobe temporal -qui joue un rôle déterminant dans la production des émotions-, grâce à des ondes magnétiques émises par son fameux casque jaune.

Si l’electro-encéphalogramme s’affole au cours de chaque expérience, les retours des différents cobayes, eux, sont loin d’être univoques: quand certains affirment avoir l’impression qu’une “entité” était auprès d’eux, d’autres, en revanche, disent tout simplement ne rien avoir ressenti.

Avant Persinger, un chercheur de l’université de San Diego, Vilayanur Ramachandran, cherchait déjà une base neurologique aux manifestations spirituelles. Ses travaux portaient sur certaines formes d’épilepsie affectant ce même lobe temporal et pouvant entrainer des délires mystiques intenses chez les individus en crise. Une observation qui a valu le titre de “module de Dieu” à cette région du cerveau, dans laquelle on retrouve l’hippocampe, ou l’amygdale.

Pour Carol Albright, auteur de nombreux ouvrages sur la neurotheologie et rédactrice au magazine Zygon: Journal of Religion and Science, l’approche matérialiste de ces deux chercheurs, qui tentent de prouver “que toute expérience ou foi religieuses sont une aberration ou artefact”, est une conception “limitée de ce que comprend la religion”. Elle explique à OWNI:

Personnellement, je pense que l’expérience religieuse est bien plus multiple que ce que prétendent ou rapportent de tels scientifiques. Elle peut inclure des expériences mystiques de la présence de Dieu, mais elle comporte aussi une doctrine intellectuelle, une participation au rituel, et une orientation générale de la personnalité, entre autres paramètres.

Autrement dit, elle ne se limite pas à l’extase mystique, produit de l’expérience spirituelle; elle inclue aussi des éléments de contexte qui viennent bien en amont de cette manifestation, et qui dépassent le seul cadre du cerveau. Bien entendu, tempère Carol Albright, chaque affect humain a une résonance cérébrale, mais réduire la spiritualité à cette seule réalité, et plus encore, la percevoir comme seule raison à Dieu, est un raccourci simpliste.

Au-delà du matérialisme réductionniste

De là à associer l’intégralité de la neuroscience à une approche matérialiste du religieux, il n’y a qu’un pas. Pourtant, souligne encore l’analyste américaine, certains travaux se démarquent par une approche moins reductionniste.

Les américains Andrew Newberg et Eugene d’Aquili, auteurs du succès de librairie Why God Won’t Go Away: Brain Science and the Biology of Belief et initiateurs du terme “neurothéologie”, le canadien Mario Beauregard de l’université d’Ontario, cherchent moins à neuro-localiser Dieu qu’à observer la traduction cérébrale d’états de consciences modifiés. “A chaque fois, on n’a aucune idée de ce qu’on va trouver”, confie un assistant de Mario Beauregard à la caméra venue filmer les expériences de cette équipe de neurobiologistes, pour le documentaire Le Cerveau mystique, réalisé en 2006 (l’intégralité à voir ci-dessous).

En étudiant les états méditatifs de nonnes carmélites, ils tentent de comprendre le “cerveau spirituel”. Mais là encore, de bout en bout de l’expérimentation, la tache est difficile: convaincre les religieuses, repérer le moment extatique sans pouvoir interrompre la méditation, et surtout, interpréter les données sans savoir précisément qu’y chercher. La neurothéologie avance donc à tâtons. Mais dans une visée moins philosophique que pratique: pour ces chercheurs, l’objectif est d’augmenter le bien-être des individus, bien plus que de jouer à la devinette ontologique.

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En ce sens, de nombreux neurothéologiens ont concentré leurs efforts sur l’étude de la méditation, afin de comprendre sa mécanique mais aussi ses effets sur le cerveau et le corps.

L’un des premiers à avoir aborder la thématique est le professeur Richard Davidson, qui s’est penché sur des moines bouddhistes ayant consacré plusieurs dizaines de milliers d’heures à la méditation. “Étudier leur cerveau, explique-t-il dans Le Cerveau Mystique, est un peu comme observer des maîtres d’échecs.”

Et il semblerait que l’activité cérébrale d’une personne entrée en méditation varie assez considérablement de celle d’un individu lambda: “il y a un changement spectaculaire entre les novices et les pratiquants”, explique Antoine Lutz, qui travaille en étroite collaboration avec les moines, parmi lesquels figure l’interprète français du Dalaï-Lama, Matthieu Ricard, très porté sur les avancées de la neuroscience.

Et il n’est pas le seul: le guide spirituel du mouvement est lui-même très investi dans le domaine. Le Dalaï-Lama est en effet co-fondateur et président honoraire du Mind and Life Institute, qui vise à “construire une compréhension scientifique de l’esprit pour réduire la souffrance et promouvoir le bien-être”.

Un engagement qui n’a rien d’anodin, car, comme le souligne un moine cistercien invité d’un congrès du Mind and Life:

Depuis mille ans, la religion et la science se sautent à la gorge dès qu’elles en ont l’occasion

Une façon de rétablir la trêve, même si des irréductibles refusent d’abandonner le front. “Il y a des “fondamentalistes” de chaque côté du débat -ceux qui ne jurent que par la science ou à l’inverse, seulement par la religion-, qui cherchent à saper l’autre clan”, explique Carol Albright. Résidente de Chicago, elle explique comment cinq écoles de théologie cohabitent avec l’approche scientifique:

Je vis dans le quartier de Hyde Park, à Chicago, où se trouvent l’Université de Chicago, ainsi que cinq écoles de théologie – Catholique Romaine, Luthérienne, Unitarienne, et deux autres se rapprochant du Calvinisme… Ajouté à cela, l’Université de Chicago a une Divinity School qui défend une approche très universitaire. J’ai des amis de chacune de ces confessions, qui travaillent à comprendre l’interaction de la science et de la religion. Ils ne cherchent pas à nier les conclusions scientifiques, mais bien plus à les intégrer à leur pensée, afin de mieux évaluer l’état de la connaissance de nos jours.

Qu’en est-il pour la France ?

Il semblerait qu’une telle approche soit moins entravée par une réserve pieuse que par l’ostracisme de la communauté scientifique. Doctorant en neurosciences cognitives et à l’origine d’Arthemoc, première association scientifique se concentrant sur l’étude des états modifiés de conscience en France, Guillaume Dumas raconte:

En France, on est vraiment à la traîne sur tous ces sujets; il est difficile de sortir des sentiers battus. Dès qu’on évoque la religion dans des thèmes de recherche, on n’est pas loin d’être insultés. Cela m’est même arrivé dans une présentation pour Arthemoc alors que j’évoquais juste les effets de la méditation. Il suffit de prendre le cas de Francisco Varela pour comprendre la situation française. C’était un chercheur brillant, fondateur du Mind and Life Institute, mais dont un article sur la méditation lui a presque coûté une accréditation lui permettant d’accéder au poste de directeur de recherche.

Difficilement surmontable par les neuro-scientifiques, ce déni de légitimité alimente, ironie suprême, la fuite des cerveaux outre-Atlantique. Comme le constate, amer, Guillaume Dumas:

La seule solution est de partir aux États-Unis. C’est ce qu’a fait Antoine Lutz, un ancien doctorant de Varela qui souhaitait justement étudier la méditation en neuro-imagerie.

Retrouvez tous les articles de notre dossier :

- Le cerveau est-il rationnel? par Rémi Sussan

- La science montre que vous êtes stupide, par Tristant Mendès France


Image de Une customisée Elsa Secco @Owni /-)
Source iStock
Illustrations CC FlickR: dierk schaefer, neil conway

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L’UMP dégrade la laïcité http://owni.fr/2011/04/05/ump-degrade-la-laicite/ http://owni.fr/2011/04/05/ump-degrade-la-laicite/#comments Tue, 05 Apr 2011 15:46:43 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=55263 Les sorciers de l’UMP électrisent la laïcité. La convention organisée ce mardi par le secrétaire général du parti Jean-François Copé propose 26 nouvelles règles pour redéfinir la notion. Officiellement, l’initiative ne consiste pas à planifier la dissolution de l’islam dans la République. La vieille France d’inspiration catholique n’éprouverait aucune méfiance de principe à l’égard d’une France plus jeune, originaire du Maghreb et influencée par la culture musulmane. Mais en coulisses, les communicants de l’UMP que nous avons interrogés ne cachent pas le véritable enjeu du débat.

Bien sûr en France les prières de rues sont très rares. Mais regardez sur Dailymotion le nombre de clics pour regarder ces mêmes images de prières de rues. La laïcité est incontestablement un problème en France. Et d’ailleurs, chaque jour l’actualité nous le rappelle, à travers les problèmes posés par les horaires de piscine ou les menus halals. C’est ce qui rend cette convention très légitime.

Cette puissante analyse est signée Guillaume Peltier ; un conseiller en communication venu de l’extrême droite et qui gravite dans l’entourage de Jean-François Copé. Autrefois au Front National puis au MPF, Guillaume Peltier assurait les fonctions de porte-parole de Philippe de Villiers lors de la présidentielle de 2007. Avant de se rapprocher de l’UMP. Lors d’un entretien avec OWNI, il a évoqué ses relations de travail et d’amitiés avec Bastien Millot. Ce dernier, ancien proche collaborateur de Jean-François Copé (ex-directeur de cabinet et ex-assistant parlementaire), ne participe plus officiellement, depuis 2009, aux travaux de l’UMP. Il développe une agence de communication basée dans l’Aisne et anime une chronique sur Europe 1. Guillaume Peltier quant à lui gère une agence en communication installée à Tours, Com1 Plus, vendant aux décideurs politiques et aux médias des analyses sur les sentiments des Français (par le biais notamment de son site La lettre de l’opinion).

Aux yeux des dirigeants de l’UMP, des impératifs de communication politique imposent d’inscrire la laïcité dans l’agenda. Avec des arrière-pensées. Le chroniqueur Guy Birenbaum, par ailleurs chercheur en science politique dans une autre vie, et auteur des premiers travaux universitaires sur le Front National, nous confie:

La question de la laïcité telle qu’elle est traitée par l’UMP c’est un faux nez. C’est une manière de dire du mal des Arabes en restant poli. Pour plaire aux électeurs de Marine Le Pen.

Olivier Roy, l’un des meilleurs spécialistes français du monde arabe, offre un fondement théorique à cette appréciation, lors d’un entretien avec la revue Thema, éditée par le CNRS.

S’interroger sur la possibilité de cohabitation entre l’islam et la laïcité en France est une fausse question. C’est la pratique politique et l’histoire qui ont toujours rendu les religions compatibles avec l’organisation politique et sociale des sociétés occidentales (…) En Europe, la question de l’islam est perçue comme culturelle, à travers une langue et une culture d’origine. Alors qu’il s’agit d’une reformulation du religieux en dehors du champ traditionnel, sur des bases modernes.

Dans une interview récemment accordée au Figaro, Jean-François Copé a tenté de désamorcer la polémique sur le bien-fondé de sa convention sur la laïcité. Pour lui, après cette réunion:

Nous en aurons fini avec l’hystérie du débat sur le débat pour aboutir enfin aux vraies réponses.

Or, parmi les 26 propositions formulées par l’UMP, certaines concernent la place de la religion dans la vie professionnelle, en particulier dans le fonctionnement des entreprises privées. Elles suggèrent notamment de rédiger un guide des bonnes pratiques de la liberté religieuse sur le lieu de travail. Tranchant avec des principes républicains fondateurs, comme le fait remarquer Philippe Portier, historien et sociologue de la laïcité en France :

Le débat vise à modifier assez substantiellement la laïcité traditionnelle, celle de 1905, qui était fondée sur un régime de liberté de conscience, permettant à l’opinion religieuse de s’exprimer partout sauf pour les agents du service public. Hier c’était l’État qui était laïque, et non la société. On est en train de transformer ce modèle, en voulant bannir le signe religieux de la voie publique elle-même, ou transformer le statut de l’usager du service public, qu’on entend priver du droit d’exposer pacifiquement ses convictions dans l’enceinte des lieux d’État. Je pense là aux propos du ministre de l’Intérieur, en opposition absolue avec les contenus du régime français de laïcité.

Dans un entretien accordé à OWNI, Philippe Portier se penche sur les tensions et les contradictions qui parcourent la société française sur le sujet. En marge des stratégies politiques du moment.


Retrouvez tous les articles de notre dossier laïcité sur OWNI (Image de Une CC Elsa Secco)

- Le financement dévoilé des mosquées
- “Hier l’État était laïque et non la société”
- Le faux débat

Illustrations CC FlickR: fabbio

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Le faux débat http://owni.fr/2011/04/05/le-faux-debat/ http://owni.fr/2011/04/05/le-faux-debat/#comments Tue, 05 Apr 2011 14:41:11 +0000 Jean-Francois Bayart http://owni.fr/?p=55262 L’islam n’existe pas. Politiquement ou socialement, s’entend. Il n’existe que comme foi et relève alors de la transcendance, qui concerne le rapport du croyant à son Créateur, et non les autorités de l’État. Politiquement, l’on peut faire dire à l’islam, comme à chaque religion, tout et le contraire de tout. Même une notion aussi connotée que celle de djihad revêt des significations différentes, voire antagoniques : elle désigne le combat que le croyant mène en lui-même pour mieux vivre sa foi, aussi bien que la guerre d’Al-Qaida contre l’impérialisme occidental.

Néanmoins, l’extrême droite et la droite françaises banalisent jour après jour cette idée fausse selon laquelle l’islam serait incompatible avec la République, ou lui poserait problème. Contre toute évidence : de par le monde, l’immense majorité des musulmans vivent en République, et l’islam n’a rien à faire avec ce fait puisque ces Républiques sont toutes différentes les unes des autres, comme je l’ai montré dans mon Islam Républicain (Albin Michel, 2010) en comparant la Turquie, l’Iran et le Sénégal.

Aucune prédisposition démocratique ou républicaine

République ne signifie pas forcément démocratie. Mais il n’est point besoin d’être musulman pour le savoir. Les pays chrétiens n’ont-ils pas connu, eux aussi, des régimes républicains autoritaires, par exemple en Europe du Sud ou en Amérique latine ? La République française a-t-elle été toujours démocratique, et pour tout le monde, elle qui a réprimé dans le sang le mouvement ouvrier, n’a reconnu le droit de vote aux femmes qu’après la Turquie, et a colonisé à tour de bras ? Rien ne prédispose l’islam à la démocratie ou à la République. Rien, non plus, n’y préparait le catholicisme, dont l’Église n’est au demeurant pas une institution démocratique.

Dans leur rapport à Dieu, les religions composent avec le monde, et leurs fidèles avec leur temps. Coran ou pas Coran, les musulmans peuvent être sécularisés dans leur comportement personnel et adhérer à la laïcité sur le plan politique, tout comme les jeunes catholiques qui adulaient Jean-Paul II pratiquaient allègrement la contraception. Ils peuvent évidemment aspirer à la démocratie, ainsi que le prouve l’actualité. En leur âme et conscience, les croyants bricolent avec leur dogme, et ne sont pas moins sincères.

À force de compter les burqa, les Français ont laissé passer une statistique intéressante : pendant que leur consommation moyenne d’alcool a diminué de 2005 à 2010, celle du Moyen-Orient a augmenté de 25%, et la région est devenue un marché porteur pour les fabricants.

Un débat inepte et pervers

Sous la conduite de son Président au petit pied, toute à sa trivial pursuit avec le Front national – trivial pursuit dont le nom originel québécois était « Quelques arpents de piège » ! – l’UMP s’entête donc à enfermer la France dans un débat inepte et pervers sur la place de l’islam dans la République, quitte à le rechaper précipitamment en réflexion sur la laïcité, ce qui ne trompe personne. Et cela à un moment où l’islam a été le grand absent des bouleversements que traverse le monde arabe, et Al-Qaida leur grand perdant ! On ne peut être plus anachronique.

Ceux qui veulent parler d’islam n’en savent rien : à tout seigneur tout honneur, le président de la République vient d’en apporter une illustration grotesque en parlant d’écritures en « langue soufique » sur la basilique du Puy-en-Velay (le soufisme n’est pas une langue, mais la voie mystique de l’islam). Et les musulmans ne veulent pas en débattre car ils savent qu’il s’agit de les rendre moins français aux yeux de leurs compatriotes. Déjà Paris avait renoncé à étendre aux trois départements d’Algérie la loi de séparation des Églises et de l’État… dont l’association des ulémas demandait l’application ! Aujourd’hui comme hier, la très universaliste République française assigne des identités particularistes – maintenant musulmane, jadis juive – à ceux de ses citoyens qu’elle veut subordonner ou exclure du corps national.

Piètres fondamentalistes de la laïcité

Comble de la crapulerie politique, les initiateurs de ce psychodrame se réclament de la laïcité. C’est méconnaître l’extraordinaire pragmatisme des auteurs de la loi de 1905, loi évolutive qui a subi de multiples révisions pour rendre possible l’accommodement entre l’Église et l’État, tout en promouvant les principes constitutifs de la République, laquelle, constitutionnellement, n’est devenue « laïque » qu’en 1946. Il ne suffit pas de citer Jaurès pour être aussi intelligent visionnaire que lui. Et les salafistes de la laïcité, qui ont transformé sa « maïeutique » en religion, sont de piètres fondamentalistes.

S’ils daignaient (re)lire le texte dont ils se revendiquent, ils constateraient que son article 27 confère aux autorités municipales, ou préfectorales en cas de désaccord entre ces dernières et les autorités religieuses, le règlement des « cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte ».

La France connaît chaque vendredi, pendant deux heures, une dizaine de « prières de rue », compte quelques centaines voire quelques petits milliers de femmes voilées, enregistre un nombre d’incidents dans les services publics très inférieurs à ce que le gouvernement, le FN et certains médias assènent, mais préfère consacrer son débat public à ces questions picrocholines relevant de réglementations municipales ou préfectorales, plutôt qu’à la montée du chômage et de la précarité, à l’aggravation de la pauvreté, à la dislocation des services publics, à la déshérence des banlieues et des campagnes. Cherchez l’erreur. Et cherchez à qui elle profite.

Article initialement publié sur le blog de Médiapart de Jean-François Bayart sous le titre : La chimère de l’islam

Crédits Photo FlickR CC : khowaga1 / sierragoddess

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La religion laïque http://owni.fr/2011/04/05/%c2%ab-hier-c%e2%80%99etait-l%e2%80%99etat-qui-etait-laique-et-non-la-societe-%c2%bb/ http://owni.fr/2011/04/05/%c2%ab-hier-c%e2%80%99etait-l%e2%80%99etat-qui-etait-laique-et-non-la-societe-%c2%bb/#comments Tue, 05 Apr 2011 12:10:15 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=55232

En 2011, les décideurs politiques tripotent la laïcité. Mais depuis longtemps le sujet intéresse aussi des universitaires de haut niveau, sommés de comprendre plutôt que de convaincre des électeurs. En matière de sciences sociales, la star vedette du genre s’appelle Philippe Portier. Professeur à Science-Po Paris, il dirige en outre le Groupe sociétés, religions, laïcités (oui laïcités avec un s), un laboratoire de recherche dépendant du CNRS. Et au sein de l’École pratique des hautes études, rattachée à la Sorbonne, il occupe la chaire Histoire et sociologie des laïcités. Ces derniers jours, alors que les caciques de l’UMP redéfinissaient leur laïcité à eux, nous avons demandé à Philippe Portier de se prononcer.

Le débat sur la laïcité parle-t-il vraiment de la laïcité ?

La laïcité peut se définir comme un mode d’agencement des relations entre l’État et les forces religieuses. Elle articule trois éléments constitutifs : la liberté de conscience (droit de croire et de ne pas croire), l’égalité des confessions et des opinions, l’autonomie réciproque des Églises et de l’État.

En ce sens, le débat actuel porte bien sur les questions relevant de la laïcité. Les problèmes évoqués par le pouvoir, et le parti majoritaire, renvoient bien à cette question de l’aménagement de la relation Églises/État. On évoque par exemple l’occupation de la voie publique par les manifestations religieuses, la place du religieux dans les services publics, l’organisation des cimetières avec la question des carrés musulmans, le respect des obligations alimentaires religieuses dans les restaurants publics.

Deux problèmes étroitement corrélés cependant, qui altèrent considérablement le débat :

D’une part, le débat vise à modifier assez substantiellement la laïcité traditionnelle, celle de 1905, qui était fondée sur un régime de liberté de conscience, permettant à l’opinion religieuse de s’exprimer partout sauf pour les agents du service public. Hier l’État était laïc, et non la société. On est en train de transformer ce modèle, en voulant bannir le signe religieux de la voie publique elle-même, ou transformer le statut de l’usager du service public, qu’on entend priver du droit d’exposer pacifiquement ses convictions dans l’enceinte des lieux d’État. Je pense là aux propos du ministre de l’Intérieur, en opposition absolue avec les contenus du régime français de laïcité.

D’autre part, le débat se trouve sous l’attraction du Front national. Votre question suppose qu’il est des arrière-pensées dans le débat actuel. C’est incontestablement le cas. Il s’agit, c’est une banalité que de le rappeler, de faire pièce au parti de Marine Le Pen en agitant le spectre d’un islam non maîtrisable. Il reste que la question de l’intégration, même agitée par les divers populismes, est une question européenne.

À en croire certains, il y aurait pourtant un problème sur la laïcité en France. Donc : simple artefact ou dysfonctionnement plus profond ?

La question de la laïcité est très disputée. On peut repérer trois tendances. L’une ne voit pas de problème dans la pérennité du modèle mis en place en 1905. Son analyse repose sur l’idée qu’il faut faire une distinction entre la sphère de la puissance publique et la sphère de la société civile. Une seconde estime que l’on ne va pas assez loin dans la laïcité de reconnaissance et milite pour des accommodements raisonnables. Une troisième considère que face à la montée de comportements « incontrôlables », où l’on voit le spectre d’un islam radical, il faut étendre les interdits jusque dans la société civile. Pour les deux derniers courants, il y a un dysfonctionnement qui appelle en effet des rectifications au moins réglementaires.

La population française est-elle homogène quand elle pense la notion de laïcité ?

La réponse doit être nuancée. Les enquêtes sur la laïcité manifestent globalement une conception de la laïcité « ouverte » : la laïcité ne doit pas s’analyser pour la majorité des Français comme un régime de relégation du religieux. La tendance du petit père Combes n’a plus le vent en poupe. La laïcité s’identifie à un régime de respect du pluralisme.

Pour autant, la population manifeste des inquiétudes devant un religieux « incontrôlé », venant remettre en cause l’identité politique (droits de l’homme) et l’identité culturelle (habitudes traditionnelles) du pays. Ce qui explique son adhésion à la loi sur la burqa ou sa réticence devant la construction de minarets. Le sondage de janvier dernier dans Le Monde où plus de 40 % de la population interrogée rappelait que la population musulmane était mal intégrée relevait de ce tropisme.

Quel phénomène, ou quel fait social, constituerait à vos yeux une vraie menace pour la laïcité ?

Votre question suppose une définition préalable de la laïcité. Si on la définit comme un régime articulant la liberté (égalitaire) de conscience et la neutralité de l’État, deux types de comportement me semblent lui porter atteinte.
D’une part, le républicanisme ultra-laïciste qui confond neutralité de l’État et neutralité de la société. Les récents propos du ministre de l’Intérieur vont dans ce sens.

D’autre part, le communautarisme fermé qui entend faire prévaloir la loi religieuse sur la loi de l’État en remettant en cause le principe constitutionnel selon lequel tout être doit être considéré comme une « personne libre et égale ».

Image Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale Abby Cadaver

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Dieu: c’est dans ta tête! http://owni.fr/2011/03/31/dieu-cest-dans-ta-tete/ http://owni.fr/2011/03/31/dieu-cest-dans-ta-tete/#comments Thu, 31 Mar 2011 15:04:03 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=54309 “Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quelle étagère ?” Pour certains spécialistes des neurosciences, il semblerait que cette quête de sens, ainsi que toutes nos angoisses existentielles, traîneraient du côté du rayon “cerveau”. Et il en serait de même pour LA question: et Dieu, dans tout ça ?

Voilà une dizaine d’années qu’un petit nombre de chercheurs, principalement américains et canadiens, recherchent activement les manifestations du Grand Horloger, et plus généralement la source de la spiritualité, dans les méandres cérébraux. La pratique, baptisée “neurothéologie”, restée aujourd’hui à la marge, est souvent présentée comme un domaine d’études un peu curieux, à la légitimité faiblarde. Pourtant, ils ne sont pas tous à chercher la preuve de l’existence (ou pas, d’ailleurs) de Dieu dans le fatras synaptique. Il est vrai que certains n’hésitent pas à clamer haut et fort avoir localisé une zone extatique cérébrale, sorte de bouton-pressoir activateur de foi.

D’autres en revanche, plus modérés, rétorquent que là n’est pas la question. Ni démonstrateurs en odeur de sainteté, ni abatteurs de divinités, ces chercheurs tentent d’observer une réalité vécue et exprimée: celle des états de conscience modifiés, des expériences dites “mystiques”, de la méditation, ou bien encore de la sensation d’unicité avec le monde. Expliquer la spiritualité en scrutant la cervelle humaine: difficile d’envisager entreprise plus périlleuse, tant les réticences en provenance des deux bords, science et religion, viennent impacter et questionner les conditions expérimentales des “neurothéologues”.

Neuro-localisation de Dieu

Le "casque de Dieu" du chercheur Michaël Persinger (extrait de la série "Through the Wormhole" de Science Channel)

Avec son “Helmet God” (“casque de Dieu”), Michael Persinger [ENG] fait figure de précurseur dans le domaine de la neurothéologie.

L’objectif de ce chercheur américain est de reproduire l’expérience mystique en stimulant certaines zones du cerveau, comme le lobe temporal -qui joue un rôle déterminant dans la production des émotions-, grâce à des ondes magnétiques émises par son fameux casque jaune.

Si l’electro-encéphalogramme s’affole au cours de chaque expérience, les retours des différents cobayes, eux, sont loin d’être univoques: quand certains affirment avoir l’impression qu’une “entité” était auprès d’eux, d’autres, en revanche, disent tout simplement ne rien avoir ressenti.

Avant Persinger, un chercheur de l’université de San Diego, Vilayanur Ramachandran, cherchait déjà une base neurologique aux manifestations spirituelles. Ses travaux portaient sur certaines formes d’épilepsie affectant ce même lobe temporal et pouvant entrainer des délires mystiques intenses chez les individus en crise. Une observation qui a valu le titre de “module de Dieu” à cette région du cerveau, dans laquelle on retrouve l’hippocampe, ou l’amygdale.

Pour Carol Albright, auteur de nombreux ouvrages sur la neurotheologie et rédactrice au magazine Zygon: Journal of Religion and Science, l’approche matérialiste de ces deux chercheurs, qui tentent de prouver “que toute expérience ou foi religieuses sont une aberration ou artefact”, est une conception “limitée de ce que comprend la religion”. Elle explique à OWNI:

Personnellement, je pense que l’expérience religieuse est bien plus multiple que ce que prétendent ou rapportent de tels scientifiques. Elle peut inclure des expériences mystiques de la présence de Dieu, mais elle comporte aussi une doctrine intellectuelle, une participation au rituel, et une orientation générale de la personnalité, entre autres paramètres.

Autrement dit, elle ne se limite pas à l’extase mystique, produit de l’expérience spirituelle; elle inclue aussi des éléments de contexte qui viennent bien en amont de cette manifestation, et qui dépassent le seul cadre du cerveau. Bien entendu, tempère Carol Albright, chaque affect humain a une résonance cérébrale, mais réduire la spiritualité à cette seule réalité, et plus encore, la percevoir comme seule raison à Dieu, est un raccourci simpliste.

Au-delà du matérialisme réductionniste

De là à associer l’intégralité de la neuroscience à une approche matérialiste du religieux, il n’y a qu’un pas. Pourtant, souligne encore l’analyste américaine, certains travaux se démarquent par une approche moins reductionniste.

Les américains Andrew Newberg et Eugene d’Aquili, auteurs du succès de librairie Why God Won’t Go Away: Brain Science and the Biology of Belief et initiateurs du terme “neurothéologie”, le canadien Mario Beauregard de l’université d’Ontario, cherchent moins à neuro-localiser Dieu qu’à observer la traduction cérébrale d’états de consciences modifiés. “A chaque fois, on n’a aucune idée de ce qu’on va trouver”, confie un assistant de Mario Beauregard à la caméra venue filmer les expériences de cette équipe de neurobiologistes, pour le documentaire Le Cerveau mystique, réalisé en 2006 (l’intégralité à voir ci-dessous).

En étudiant les états méditatifs de nonnes carmélites, ils tentent de comprendre le “cerveau spirituel”. Mais là encore, de bout en bout de l’expérimentation, la tache est difficile: convaincre les religieuses, repérer le moment extatique sans pouvoir interrompre la méditation, et surtout, interpréter les données sans savoir précisément qu’y chercher. La neurothéologie avance donc à tâtons. Mais dans une visée moins philosophique que pratique: pour ces chercheurs, l’objectif est d’augmenter le bien-être des individus, bien plus que de jouer à la devinette ontologique.

///

En ce sens, de nombreux neurothéologiens ont concentré leurs efforts sur l’étude de la méditation, afin de comprendre sa mécanique mais aussi ses effets sur le cerveau et le corps.

L’un des premiers à avoir aborder la thématique est le professeur Richard Davidson, qui s’est penché sur des moines bouddhistes ayant consacré plusieurs dizaines de milliers d’heures à la méditation. “Étudier leur cerveau, explique-t-il dans Le Cerveau Mystique, est un peu comme observer des maîtres d’échecs.”

Et il semblerait que l’activité cérébrale d’une personne entrée en méditation varie assez considérablement de celle d’un individu lambda: “il y a un changement spectaculaire entre les novices et les pratiquants”, explique Antoine Lutz, qui travaille en étroite collaboration avec les moines, parmi lesquels figure l’interprète français du Dalaï-Lama, Matthieu Ricard, très porté sur les avancées de la neuroscience.

Et il n’est pas le seul: le guide spirituel du mouvement est lui-même très investi dans le domaine. Le Dalaï-Lama est en effet co-fondateur et président honoraire du Mind and Life Institute, qui vise à “construire une compréhension scientifique de l’esprit pour réduire la souffrance et promouvoir le bien-être”.

Un engagement qui n’a rien d’anodin, car, comme le souligne un moine cistercien invité d’un congrès du Mind and Life:

Depuis mille ans, la religion et la science se sautent à la gorge dès qu’elles en ont l’occasion

Une façon de rétablir la trêve, même si des irréductibles refusent d’abandonner le front. “Il y a des “fondamentalistes” de chaque côté du débat -ceux qui ne jurent que par la science ou à l’inverse, seulement par la religion-, qui cherchent à saper l’autre clan”, explique Carol Albright. Résidente de Chicago, elle explique comment cinq écoles de théologie cohabitent avec l’approche scientifique:

Je vis dans le quartier de Hyde Park, à Chicago, où se trouvent l’Université de Chicago, ainsi que cinq écoles de théologie – Catholique Romaine, Luthérienne, Unitarienne, et deux autres se rapprochant du Calvinisme… Ajouté à cela, l’Université de Chicago a une Divinity School qui défend une approche très universitaire. J’ai des amis de chacune de ces confessions, qui travaillent à comprendre l’interaction de la science et de la religion. Ils ne cherchent pas à nier les conclusions scientifiques, mais bien plus à les intégrer à leur pensée, afin de mieux évaluer l’état de la connaissance de nos jours.

Qu’en est-il pour la France ?

Il semblerait qu’une telle approche soit moins entravée par une réserve pieuse que par l’ostracisme de la communauté scientifique. Doctorant en neurosciences cognitives et à l’origine d’Arthemoc, première association scientifique se concentrant sur l’étude des états modifiés de conscience en France, Guillaume Dumas raconte:

En France, on est vraiment à la traîne sur tous ces sujets; il est difficile de sortir des sentiers battus. Dès qu’on évoque la religion dans des thèmes de recherche, on n’est pas loin d’être insultés. Cela m’est même arrivé dans une présentation pour Arthemoc alors que j’évoquais juste les effets de la méditation. Il suffit de prendre le cas de Francisco Varela pour comprendre la situation française. C’était un chercheur brillant, fondateur du Mind and Life Institute, mais dont un article sur la méditation lui a presque coûté une accréditation lui permettant d’accéder au poste de directeur de recherche.

Difficilement surmontable par les neuro-scientifiques, ce déni de légitimité alimente, ironie suprême, la fuite des cerveaux outre-Atlantique. Comme le constate, amer, Guillaume Dumas:

La seule solution est de partir aux États-Unis. C’est ce qu’a fait Antoine Lutz, un ancien doctorant de Varela qui souhaitait justement étudier la méditation en neuro-imagerie.

Retrouvez tous les articles de notre dossier :

- Rationnel le cerveau ? par Rémi Sussan

- La science montre que vous êtes stupide, par Tristant Mendès France


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#5: À Jajce en Bosnie, on reconstruit les âmes et on élimine les ruines http://owni.fr/2011/03/30/jajce-bosnie-on-reconstruit-les-ames-elimine-les-ruines/ http://owni.fr/2011/03/30/jajce-bosnie-on-reconstruit-les-ames-elimine-les-ruines/#comments Wed, 30 Mar 2011 18:09:21 +0000 Loic H. Rechi http://owni.fr/?p=54258 Une histoire rocambolesque de magazine qui a fini par ne jamais voir le jour m’a entrainé jusqu’au fin fond de la Bosnie à l’automne dernier. Fait assez rare pour être souligné – à l’heure où certains médias numériques français sont assez dépourvus de dignité pour oser quémander du pognon au public afin d’envoyer des reporters à l’étranger – le magazine en question avait payé les billets d’avion. Tel qu’on me l’avait vendu, Jajce était censée être une petite ville de 30 000 habitants en ruine peinant à se reconstruire quinze ans après la guerre. Nombre d’habitants, propriétaires à l’époque, auraient fui et ne seraient jamais revenus, préférant rester en terre d’exil plutôt que devoir supporter le poids de la reconstruction. La réalité allait révéler un postulat de départ en partie erroné.

Sur la route menant de Sarajevo à Jajce, les magasins et autres bâtisses en ruines jalonnent méthodiquement le bas-côté. Le pays n’est plus en guerre – en témoignent les enseignes flambantes de quelques bazars chinois – mais c’est une ambiance poisseuse, grise comme cette brume tenace qui domine l’asphalte. Les deux villes ne sont distantes que de cent-soixante kilomètres. Le panorama qui défile est encore plutôt vert à l’heure où la moiteur de l’été cède sa place à la tiédeur de l’automne, le long d’une route modeste, sinueuse et vallonnée. Les minarets et autres convois militaires dépassés au fur et à mesure que le taxi avale les kilomètres sont néanmoins autant de repères qui rappellent à chaque instant que l’on n’est pas dans quelques recoins des Alpes ou du Jura. Passé un gros complexe industriel tombé en désuétude – et un large panneau laminé par la rouille, témoin de la candidature de la ville pour entrer au patrimoine de l’Unesco il y a quelques années – le petit centre-ville de Jajce offre sa virginité souillée au regard du visiteur de passage.

A première vue, tout a l’air sagement en ordre dans ce mélange architectural à la croisée des empires ottomans et austro-hongrois. L’ensemble est bien tenu, aucun stigmate de la guerre, aucune ruine à l’horizon. En s’enfonçant un peu dans la ville, en sortant des quartiers proprets et trop centraux, on découvre bien quelques maisons écorchées et d’autres immeubles criblés de balles ou éventrés par des obus de mortier, mais la réalité est ainsi faite qu’il arrive parfois de partir en reportage sur des bases foireuses. On trouve alors rarement ce qu’on était venu chercher.

Guerre et exode

Si Jajce n’avait rien du tas de décombres qu’on m’avait décrit, la ville n’en avait pas pour autant fini de panser toutes ses blessures de la guerre. Entre 1992 et 1995, ce bout de territoire du centre de la Bosnie a été occupé successivement par les trois armées participant au conflit, Serbes, Croates et Bosniaques donc. Au moment où les combats éclatent, les Serbes qui y vivent se volatilisent en à peine une semaine. Durant les six mois suivants, Bosniaques et Croates restent logiquement sur place, dans l’attente, faute de mieux. Puis au profit de bombardements soutenus et d’une offensive terrestre à la fin de l’été 1992, les Serbes s’emparent de la ville et forcent à leur tour les populations bosniaques et croates à se réfugier dans les environs ou fuir à l’étranger. Trois années durant, alors que les atrocités se multiplient, que le pays sue du sang et que Sarajevo dépérit, la situation reste assez stable. Puis à la fin de l’été 1995, quelques semaines après que Srebrenica ait sombré dans la folie des massacres, la contre-offensive de l’armée croate finit par porter ses fruits et les Croates reviennent s’installer. Les Bosniaques, eux, attendront plusieurs années avant de regagner Jajce, craignant ces dirigeants croates qui bénéficient alors des pleins pouvoirs politiques.

A la fin des combats, comme partout ailleurs dans le pays, la situation dans la ville est déplorable. Les habitants ne comptent plus le nombre de maisons et d’écoles réduites à l’état de gravas et ne peuvent regarder qu’avec dépit les routes défoncées, impraticables. Les bombardements serbes ont été d’une violence telle que la nature même a souffert de la guerre des humains. Les majestueuses chutes d’eau du centre-ville, grande fierté de Jajce, se sont affaissées et ont laissé quatre mètres de hauteur à la bataille, passant de 23 mètres hier à 19 mètres aujourd’hui. Et puis il y a le bilan démographique surtout. Les combats ont entrainé la mort d’environ 500 personnes – un chiffre statistiquement assez faible dans l’absolu – mais c’est surtout l’exode massif qui demeure le plus dur à encaisser. Lors de notre rencontre dans son confortable bureau aux boiseries omniprésentes, Nisvet Hrnjic, le maire de la ville, soulignait ainsi que sur les quarante-cinq mille personnes vivant ici en 1991, quinze mille ne sont jamais revenues, désormais installées dans quelques bourgades prospères de Suède, de Norvège, d’Italie, du Danemark ou encore d’Allemagne. J’étais venu chercher une cicatrice physique à Jajce, je ne trouvai qu’une blessure psychologique infiniment plus douloureuse à l’épreuve du temps.

La guerre terminée, Jajce, est intégrée à la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, selon découpage consécutif aux accords de Dayton. A l’heure où commence la reconstruction, à partir de 1996, les relations humaines avec les très rares Serbes ayant daigné rester, et entre catholiques croates et musulmans bosniaques sont plutôt tendues. La municipalité et ses habitants réparent ce qui peut l’être – dans le meilleur des cas – ou reconstruisent tout bonnement ce qui a été brisé, à commencer par les lieux de cultes, mosquées et églises catholiques. Aujourd’hui, seule l’église orthodoxe est toujours en ruine, car les Serbes ne sont jamais revenus. Aux côté des quinze mille Croates et quinze mille Bosniaques, ils sont aujourd’hui mille à tout casser. Le temps allant, les relations entre Croates et Bosniaques se sont améliorées. En matière de politique, la mixité a également fini par reprendre le dessus, et si le maire Nisvet Hrnjic est Bosniaque, le président du conseil municipal est pour sa part Croate, signe d’une stabilité retrouvée, formant désormais la communauté bosnienne.

La diaspora bosnienne

Plus que la retape sporadique de quelques bâtisses en ruine, Jajce n’en finit pas de payer cet exode forcé et soigne comme elle peut ses plaies démographiques toujours à vif. Le tour de la discussion avec le maire et sa traductrice en était tristement comique au début. J’étais venu chercher des ruines, et voilà qu’on me parlait d’hommes:

- Quel beau pays que le vôtre. La France! Paris! Je suis venu pour présenter le projet visant à intégrer Jajce au patrimoine de l’Unesco. On est allé au Barrio Latino, on a mangé dans le restaurant de Gérard Depardieu. Gerard Depardieu, vous connaissez?

- Evidemment, c’est l’alcoolique le plus connu de France. Il est incontrôlable, les gens l’aiment beaucoup.

- Ah quel beau voyage. Et Nicolas Karabatic, le joueur de handball, il est né en Bosnie vous savez. C’est un très grand joueur.

- Je ne peux qu’aller dans votre sens en effet… Bon pour en revenir à ce qui m’amène ici, après un petit tour en ville, tout à l’air bien en ordre, ce n’est pas du tout comme ça qu’on m’avait présenté les choses. Où sont-elles ces maisons en ruine alors?

- Je ne sais pas ce qu’on vous a raconté, mais vous savez, il ne reste aujourd’hui qu’assez peu de maisons non-reconstruites. Non, le vrai problème n’est pas là. Le problème c’est que les quinze mille personnes qui ont fui pendant la guerre ne sont jamais revenues. Quinze mille personnes à l’échelle de Paris? C’est rien pour vous évidemment. Mais quinze mille personnes à Jajce, c’est un tiers de la population.

Un tiers de la population envolée. Pfiou. Vous imaginez un peu le nombre de bras en moins que ça fait quand il faut reconstruire? Il est là notre drame, rien à voir avec les maisons détruites.

Parmi ces quinze mille individus à n’être jamais revenus, une petite moitié a gardé des liens forts avec Jajce. Disséminés en Norvège et en Suède, les membres de cette diaspora ont trouvé des emplois, bâti des familles et n’envisagent logiquement pas de revenir au pays. Si les conditions de vie sont évidemment plus douces au nord, leurs enfants nés là-bas et parfaitement assimilés constituent le principal frein au retour. Conscient de cette réalité inaliénable – “une situation normale après la guerre” de ses propres mots – Nisvet Hrnjic ne peut pour autant s’empêcher de penser que de tous les pays de l’ex-Yougoslavie, c’est la Bosnie qui a payé le plus lourd tribut à ce conflit.

Alors pour se rappeler qu’un jour tout ce petit monde vivait ici, une rencontre est organisée chaque année entre ceux qui sont partis et ceux qui restent. Certains d’entre eux reviennent d’ailleurs régulièrement à Jajce pour prendre du bon temps et maintenir le lien avec leur famille. En raison de la manne économique avérée qu’ils représentent avec leurs salaires d’expatriés, la municipalité fait tout pour garder ces liens forts avec eux. Petite victoire pour la ville – car on ne peut pas reconstruire une maison en ruine sans l’accord de son propriétaire – certains ont même accepté de rebâtir leur demeure et l’utilisent aujourd’hui comme résidence secondaire. Dans son effort de normalisation de la situation, la municipalité aimerait d’ailleurs les amener gentiment vers l’idée de payer des taxes. Mais telle une ex-femme qui reviendrait progressivement en odeur de sainteté auprès d’un mari parti dans les bras d’une autre, elle avance tout de même de manière très prudente, de peur que ceux-ci soient indisposés par cette idée et songent à vendre.

« Ne pas répandre la haine »

Du côté de ceux qui restent, on ne verse pas dans le fatalisme. Ce n’est évidemment pas en restant deux jours que je risquais de comprendre l’essence et les ressorts humains d’une ville en phase éternelle de reconstruction quinze ans, après la fin du conflit. Mais au contact d’Alisa Ajkunic, une bosnienne de vingt et un ans, j’ai légèrement entrevu la lumière. Employée par l’office de tourisme de la ville, cette jeune fille parfaitement bilingue en anglais s’est vu confier la tâche particulière de se coltiner un journaliste sorti de nulle part, venu s’intéresser, l’espace de quelques heures, à une ville ayant une trajectoire similaire à des dizaines d’autres en Bosnie. Porte-parole improvisée de toute la jeunesse de ce bled du fin fond de la Bosnie, je revois bien la jeune fille, un sourire honnête au coin des lèvres, l’œil dur et brillant en même temps, se féliciter que la volonté de reconstruire soit restée intacte avec les années.

Selon elle, la situation s’améliore chaque jour à l’image du nombre de maisons en ruine, chaque fois plus petit et souvent lié à des histoires de propriétaires disparus ou n’ayant pas les moyens pour payer les réparations. Depuis son retour à Jajce avec sa famille, il y a une dizaine d’années, elle a grandi au rythme d’une cité qui réapprend à vivre en intégrant des préceptes humanistes, aussi lointains que possible des spectres du passé.

“Quand on est revenu après la guerre – on était parti car notre maison avait été détruite – il y a dix ou onze ans, on pouvait sentir la tension entre les gens. Puis petit à petit, les choses se sont arrangées. Les jeunes essaient de laisser l’histoire derrière eux et de faire les choses de leur façon. On essaie de bâtir un futur paisible pour nos enfants et non pas répandre la haine.”

À des années lumières de notre génération bien en mal de s’émerveiller de quoi que soit ou d’esquisser un début d’empathie quant à la logique viscérale de la guerre, Alisa, elle, est infiniment fière de sa ville, ravie à la simple idée qu’il y ait de plus de plus de touristes venant de toujours plus loin. C’est dans la tolérance sortie des ténèbres de la guerre que cette petite brune puise l’énergie de se réjouir. Quand on l’interroge sur la reconstruction de la ville, sa réponse dévie rapidement des considérations d’ordre urbanistique pour s’ancrer dans le facteur humain. Elle, la petite musulmane est fière de dire que ses meilleurs amis sont catholiques, qu’ils partagent des cafés et des pizzas sans jamais mêler la religion à leurs échanges, préférant laisser à leurs parents le poids de l’histoire et la méfiance à l’égard des voisins. Après la croisade et la reconstruction, c’est le temps de la paix des âmes qui est venu à Jajce.

Photos flickr CC Jason Rogers ; Brenda Annerl ; Darij & Ana ; sinor favela

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