OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Grand Paris, énergie, économie… PYRAMIDES DE PONZI ! http://owni.fr/2011/07/04/grand-paris-energie-economie-pyramides-de-ponzi/ http://owni.fr/2011/07/04/grand-paris-energie-economie-pyramides-de-ponzi/#comments Mon, 04 Jul 2011 16:11:34 +0000 Bruno Marzloff (Groupe Chronos) http://owni.fr/?p=72643 Gonflé de promesses de transports innovants et d’infrastructures mirobolantes, le Grand Paris s’appuie, comme tout le schéma d’étalement périurbain américain, sur une fiction économique dangereuse : un développement financé par une expansion urbaine infinie.

Vous avez aimé Madoff ? Vous allez apprécier les variantes de la Pyramide de Ponzi. Celle-ci figurait déjà dans la littérature sur le développement durable depuis les travaux du Club de Rome. Elle est reprise en trois volets, ici, et enfin par un groupe de travail américain « Strong Town » militant de la ville dense qui applique son modèle à la croissance urbaine. Ce bref feuilleton assoit ce raisonnement insensé au plan économique et en démonte les mécanismes.

La « corne d’abondance » de l’étalement urbain

Financièrement, le mode de vie américain, basé sur l’étalement urbain comme principe de modernité, s’analyse comme une fuite en avant qui se finance sur le pari de l’accroissement perpétuel. Dès lors, l’échec est programmé, au moins dans une économie américaine où les infrastructures de réseaux sont largement financées au niveau fédéral mais dont l’entretien revient au local. Deux faillites corroborent l’actualité de cette thèse : les « subprimes » nées dans les extrémités de l’étalement urbain et la baisse voire l’abandon de plus en plus fréquents de la maintenance d’infrastructures urbaines et périurbaines de transports (routes, ponts…). D’autres illustrations du fameux schéma se proposent avec les gaz de schiste aux Etats-Unis ou chez nous, avec la fuite en avant du Grand Paris ou les investissements du THD (très haut débit). Ce qui pose question est moins l’analyse que chacun pressent désormais que la manière de sortir du piège.

Le principe de prospérité – faire la ville en dehors de la ville – qui fonde le développement périurbain américain n’a jamais été éprouvé dans ses limites tant que la croissance prévalait. L’effondrement des marchés immobiliers domestique et commercial ont fait surgir les premières critiques. La difficulté pour les territoires à assumer les coûts de maintenance confirme l’intuition.

L’intuition ? Le développement inflationniste des infrastructures liées à l’étalement urbain développe une logique d’économie décroissante, voire à un moment négative. Ce modèle de développement est intimement lié au rêve américain et sa remise en cause n’est pas à l’ordre du jour. Quelques analystes tirent la sonnette d’alarme tandis que la grande majorité persiste à croire en la croissance des villes dès les premiers signes de reprise économique. Mais jusqu’à quand cela pourra-t-il durer ? Madoff devait aussi se poser la même question. La différence ? Certes, il pariait sur une croissance infinie, mais peu dupe il savait qu’il fabriquait une spirale. Nous, nous refusons de voir la bulle.

Les investissements – en majorité financés par le gouvernement fédéral ou par des prêts à taux d’intérêt préférentiels – représentent un coût d’entrée (ou coût fixe) faible pour les autorités locales. Le piège de cet effet d’aubaine se referme quand ces mêmes collectivités supportent l’engagement financier de long terme de ces infrastructures qui s’usent, ont des coûts de maintenance élevés et doivent finalement être remplacées. Cette vue court-termiste des collectivités se justifierait ainsi :

  • La ville mise sur le surcroît de revenu issu de la croissance urbaine pour financer la maintenance des infrastructures.
  • La ville accélère constamment sa croissance afin de générer suffisamment de trésorerie pour financer la maintenance de l’existant.

Un classique de la Pyramide dès lors que les villes ne croissent pas indéfiniment. La deuxième assertion s’écroule tandis que la première est systématiquement invalidée par l’expérience. Voila pourquoi l’étalement urbain fonctionne souvent comme une « bulle » ; la valeur constante des coûts n’est plus compensée par leur valeur d’utilité de plus en plus marginale quand les financements baissent avec la réduction de la densité urbaine. Une croissance irraisonnée de l’endettement les mène fatalement à une fin douloureuse. Y échappent les villes qui veillent à ce que le revenu de la croissance couvre les dépenses de maintenance et de remplacement des infrastructures.

Le bitume : machine à bulles pour les communes

Reprenons ici deux des démonstrations de l’article.

# Ainsi d’une route de campagne financée à 50% par la commune. Le montant estimé des taxes récoltées donne un horizon de 37 ans pour que la ville récupère les fonds investis alors que la durée de vie de la route s’élève à 20 ou 25 ans.

# Ou d’une commune dont le coût du remplacement (nécessaire) du système de traitement des eaux usées représente 27.000$ par habitant, soit l’équivalent du revenu annuel médian de la population. Le remplacement est inenvisageable sans financements extérieurs.

Dans chacun des cas étudiés, l’horizon de couverture des investissements consentis par la ville par le biais de fonds publics fédéraux, d’endettement ou de partenariats-publics privés dépasse de plusieurs décennies la durée de vie estimée des infrastructures. Chaque fois qu’une infrastructure arrive en fin de vie, le cycle d’investissement doit repartir, au passif de la collectivité. Il en va de même que l’endettement et du développement des infrastructures afin d’éviter le goulet d’étranglement de leur non-remplacement. En cas de stagnation prolongée de la croissance, l’endettement décolle.

En voici l’illustration graphique :
Source : The Growth Ponzi Scheme, Part 3, Charles Marohn.
La courbe représente les flux de trésorerie disponibles pour la ville ou la collectivité considérée. On raisonne au niveau de la ville (donc pour plusieurs projets d’infrastructures successifs) et pour plusieurs cycles de vies des infrastructures. La première partie de la courbe représente la croissance de la trésorerie disponible lorsque les nouvelles infrastructures sont sources de rentes fiscales croissantes pour la ville. La décroissance commence lorsque les infrastructures doivent être remplacées car elles représentent un coût équivalent à leur première construction, mais n’apportent plus de surcroît de revenu fiscale.

Ce système détruit donc de la valeur au lien d’en créer. Les bénéfices modestes à court terme sont submergés par des coûts massifs à long terme. Le modèle est durable sur un cycle de vie de l’infrastructure car son remplacement peut être financé par le surcroît de taxes résultant de la croissance de la ville dans son ensemble, mais il suffit que deux infrastructures majeures doivent être remplacées à des périodes proches pour que le modèle explose. La croissance des revenus peut supporter les coûts de maintenance mais les montants de leur remplacement assèchent les ressources. Le système alors s’effondre.

Le Grand Paris : une Grosse Arnaque ?

Le gaz de schiste nous embarque-t-il dans un autre schéma de Ponzi ? Le New York Times l’affirme à l’aune de « fuites » en provenance des exploitants. Pourquoi ce thème de la bulle resurgit-il de manière aussi lancinante ? Cette lecture n’est pas réservée aux États-Unis. Elle résonne avec des observations faites de ce côté de l’Atlantique. Les notions de progrès et de service public conduisaient jusqu’il y a peu l’État à prendre ces travaux à sa charge. Son désengagement important de ces dépenses d’infrastructures est un signe ambivalent. Exercice de lucidité – ce n’est plus supportable et l’État n’investit plus qu’à la marge – ou signe de renoncement au service public ?

D’un côté, de plus en plus de territoires présentent des signes annonciateurs de faillite et de l’autre, l’Etat maintient une fiction d’investissements considérables, mais se paie de mots. Il en va ainsi des infrastructures de transport pour lesquels la puissance publique aligne des annonces de milliards d’euros. Ainsi le schéma national des infrastructures de transport annoncé par le gouvernement français en 2010 représente 170 milliards d’euros d’investissement, mais se conclut pour l’heure par quelques malheureuses aumônes en termes de millions (cf. le Transilien). Il en est de même des réseaux informatiques de très haut débit (THD) qui ne peuvent être amortis que dans des zones très denses. Mais un contre exemple amène à s’interroger. Les infrastructures de transport du Grand Paris relèvent en effet typiquement de la même analyse que celle de Strong Town.

L’urbaniste Frédéric Leonhardt (Les comptes fantastiques du Grand Paris) dresse dans le passionnant blog Métropolitique un tableau extrêmement critique de l’équilibre financier du projet. Pour lui, « tous les ingrédients d’un crash industriel public sont réunis ». Il qualifie le Grand Paris Express de « Grand Canyon financier ». À des choix techniques budgétivores (le réseau souterrain) s’ajoutent les dérives prévisibles (la Cour des compte évoque une moyenne de dérive des coûts de 92% sur ce type de projet), sans compter les coûts de fonctionnement, rejoignant par là précisément l’analyse de « Strong Town »

Il faut ajouter à cela l’exploitation du nouveau réseau ; elle a fait l’objet d’une seule véritable estimation dans le cadre du rapport du député Carrez (septembre 2009). Pour un investissement de 24 milliards d’euros (Réseau Grand Paris version Christian Blanc combiné au plan de mobilisation de la région), les besoins complémentaires de fonctionnement sur la période 2010-2025 sont de 19 milliards d’euros, qui viennent s’ajouter à la dérive continue du déficit de fonctionnement du réseau évaluée, elle, à 24 milliard d’euros.

… Et sans compter d’autres dérives, absentes des comptes actuels.

La charge actuelle du STIF, près de 8 milliards d’euros par an, sera durablement alourdie par les réseaux supplémentaires. La couverture de zones largement moins denses générant des trafics moins élevés, le prix de revient par voyageur sera moins favorable que ceux observés sur les réseaux RER et Métro existants. Combinés au coût initial augmenté des dépassements, ce constat rend le financement et la réalisation du réseau dans sa globalité largement virtuelle.

… et sans compter d’autres incidences.

Au delà de la seule question financière, les désavantages de cette stratégie du tout neuf-tout beau se cumulent : les délais de réalisation, 10 ans en moyenne, sont plus longs que ceux autorisés par un recyclage d’emprises existantes ou un passage en viaduc. De plus, une infrastructure souterraine produit une quantité de carbone élevée, un kilomètre de tunnel engendre 40.000 tonnes de CO2, soit pour la totalité du réseau une addition minimale de 6 millions de tonnes. Ces arguments sont connus, cela n’a pourtant pas effrayé les décideurs.

Le choix assumé par toutes les parties prenantes du financement s’enferme bien dans une spirale dont on ne voit pas l’issue, sauf à ce que le projet ne survive pas à un changement de majorité lors de la présidentielle de 2012 et que leurs successeurs aient plus de lucidité. Frédéric Leonhardt rappelle que d’autres dossiers se tissent des mêmes illusions.

Pourquoi cette fuite en avant ? Elle rappelle furieusement des dossiers nationaux, comme les dossiers Lignes Grandes Vitesse Normandie et Sud Ouest par exemple, qui ont la formidable double faculté de faire monter le coût des travaux à des valeurs astronomiques tout en faisant rêver les élus locaux. Ils voient arriver l’Etat avec des projets mirifiques, garantis sans nuisances, leur promettant une dynamique économique inespérée.

La charge est sévère mais terriblement lucide. Le constat reprend exactement les éléments d’analyse des Américains : effet d’aubaine (auquel Frédéric Leonhardt ajoute « l’effet d’annonce »), logique d’extension périurbaine, investissements non pertinents, valeur décroissante de l’utilité, coûts de fonctionnement insupportables, dérives inconsidérées… et dettes abyssales. Face à ces inconséquences économiques, il reste en outre à mesurer les effets induits pour les citoyens dans leur quotidien dès lors qu’on encourage, ce faisant, le processus d’étalement et qu’on étend la règle de l’écartèlement croissant entre résidence, travail et autres ressources. Le piège se referme alors sur un cercle pervers.

L’issue présumée de ces paris aveugles sur l’avenir a bien sûr beaucoup à voir avec la crise économique et le poids des dépenses sociales. Il a aussi beaucoup à voir avec les défis environnementaux et sociaux emportés, sans qu’on le dise, dans la même bourrasque. Pourtant, il existe d’autres paris sur le futur qui permettraient de s’extraire de la vrille (voir notamment notre série sur le « peak-car » automobile). Il font d’autres paris sur les « intelligences » de tous ordres au lieu et place du béton, du macadam et des rails.


Article publié initialement sur le site de Groupe Chronos sous le titre De Madoff au Grand Paris.

Photo FlickR Paternité futureatlas.com ; Copyright ricksomething ; PaternitéPas d'utilisation commerciale afterthetone ; PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Kat ; Paternité dalbera.

Image de une Loguy pour OWNI /-)

Retrouvez les autres articles du dossier sur les bulles économiques :

Gaz de schiste, les nouveaux subprimes ?

Bitcoin : de la révolution monétaire au Ponzi 2.0

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Un faussaire sur Twitter menacé http://owni.fr/2010/04/01/un-faussaire-sur-twitter-menace-christian-blanc/ http://owni.fr/2010/04/01/un-faussaire-sur-twitter-menace-christian-blanc/#comments Thu, 01 Apr 2010 11:11:51 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=11299 233790845_07e896fd52

Hier, j’arrive au boulot et je salue tout le monde parce que je suis poli. J’ouvre mon ordinateur, j’allume gmail parce que c’est toujours la première chose que j’ouvre. Et ce matin, entre le mail de promotion sur les super t-shirts geeks et un mail de ma grand-tante me demandant un énième conseil en informatique, une adresse peu habituelle, en .gouv.fr. C’est un peu la classe, me dis-je.

Aussitôt, je file me faire un café, tout guilleret, presque comme si ma page Facebook affichait un petit 1 à côté de la bulle. D’ailleurs, avant de lire ce mail officiel, j’ouvre Facebook. Pas de nouvelles notifications hélas. Mon café n’en est que moins doux. Je retourne donc à l’onglet gmail. Toujours ce mail. Toujours là, sous mes yeux. J’ouvre le spam vestimentaire, j’esquive ma grand-tante.

Enfin, le fameux mail. Peut-être une invitation à un dîner de blogueur avec NKM, Koztoujours et Epelboin. Et là, je tombe de haut.

Monsieur,

Je vous écris sous l’autorité de Christian Blanc, Secrétaire d’État chargé du Développement de la région capitale, auprès du Premier ministre. Suite à l’apparition d’un compte sur le service Internet Twitter.com au nom de Christian Blanc, nous avons contacté la société Twitter, à San Francisco. Celle-ci a accepté de nous communiquer l’adresse e-mail utilisée pour créer le compte ainsi que des “logs” nous permettant de vous identifier.

Il va de soi qu’usurper l’identité d’un Ministre contrevient à la loi. Nous vous demandons donc de supprimer ce compte.

Ce message est un premier avertissement. Nous serons obligé de porter cette affaire devant la loi si vous ne cessez pas votre activité sur ce compte. De plus, votre action nous a convaincu de l’utilité pour un Ministre de posséder un compte sur le service Internet Twitter. Nous vous saurions gré donc de nous communiquer un moyen de récupérer ce compte.

Cordialement,

Alain Croustier*
directeur du cabinet de Christian Blanc

J’ai donc décidé de tout vous raconter ici pour éviter les soucis futurs. En vous le racontant, je me place dans la lignée des Yes Men ! et autres promoteurs de la désobéissance civile et du prank.

Créer un faux-compte pour Christian Blanc, qui est le Secrétaire d’État au Grand Paris, vu que peu de gens savent qui il est, je vous le précise, c’était le moyen de mettre en lumière la question du Grand Paris dans les régionales.

Parce que le fait qu’un ministre, dans une République qui se dit décentralisé dans sa Constitution, puisse être en charge du développement d’une région, malgré des élections qui le désavouent, n’avait l’air de choquer que moi.

J’avais donc créé un faux-compte, qui n’avait rien de vrai, puisque le premier message était “Le Grand 8, c’est fantastique !”.

J’ai tenté quelques échanges avec des militants et élus UMP pour obtenir une authentification par mes pairs puisque jamais je n’aurai pu obtenir le fameux badge bleu. Hélas, peu furent dupes, ou alors, pas bien longtemps.

Quelques jours plus tard, les Indiscrets évoquent la colère de Christian Blanc suite à l’apparition de ce compte, rappelant les précédents désagréments de celui-ci avec la technologie. L’apogée a eu lieu hier, lorsque le compte Twitter de Jean-Paul Huchon, président de la Région élu récemment et donc seul maître avec son Conseil de l’avenir de notre région, bien conscient du caractère parodique de mon compte, a répondu à mes saillies.

Alors, que faire maintenant ? C’est un peu la question que je me pose. Arrêter le compte, ainsi démasqué, c’est un peu comme tweeter dans le vide pendant 5 mois. Le continuer semble ridicule maintenant que tout le monde sait que c’est un faux.

Surtout que cela pourrait me coûter quelques désagréments. En tout cas, avec la loi Loppsi, je risque d’en avoir des problèmes. À moins qu’il n’y ait prescription. Donc je vais le laisser tel que. Pour l’histoire. Et peut-être un jour dira-t-on “Il a démissionné à cause d’un faux compte Twitter” et là, je serai aussi heureux que lorsque le message Facebook me propose un rendez-vous galant.

* Les noms ont été modifiés

Illustration par Nicole Marti ; image de une CC Flickr Stian Eikeland

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