OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Riche armée http://owni.fr/2012/02/17/riche-armee-smp-rapport-parlement/ http://owni.fr/2012/02/17/riche-armee-smp-rapport-parlement/#comments Fri, 17 Feb 2012 20:13:37 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=98739

La France passe à côté d’un marché de 100 à 200 milliards de dollars par an. L’assertion est fréquente dans la bouche des entrepreneurs de sécurité à la tête des “sociétés militaires privées” françaises. Une appellation impropre au cas français, selon deux députés membres de la commission de la Défense, Christian Ménard (UMP) et Jean-Claude Viollet (PS), auteurs d’un rapport d’information sur le sujet.

Dans ce document, déposé le 14 février, les rapporteurs préfèrent l’expression “entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD)” qui “regroupe[nt] un ensemble de prestations nombreuses mais cohérentes [ayant] en commun de se situer à la périphérie de ce qui fait l’essence du régalien”.

En France, l’état actuel de la législation ne permet pas de créer des sociétés militaires privées, tombant sous le coup de la loi de 2003 réprimant le mercenariat. Exit Bob Denard et ses sulfureuses barbouzeries africaines :

Il n’y a rien de commun entre les prestations d’ingénierie proposées par les grandes ESSD françaises et l’action menée jadis par Bob Denard et ses associés.

Oubliées aussi les curieuses missions à l’étranger, comme Secopex ou le fleuron des entreprises françaises, Géos en ont réalisées en Libye, au grand étonnement de ces mêmes députés.

Des députés étonnés des missions en Libye

Des députés étonnés des missions en Libye

Émotion à la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale. La société de sécurité privée Geos a formé des ...

Un marché de 200 milliards

Aujourd’hui, l’intérêt est d’abord économique. “Le marché mondial a probablement atteint les 200 à 400 milliards par an ces dernières années, artificiellement gonflés par les théâtres d’opération en Irak et en Afghanistan” explique Christian Ménard à OWNI. L’une des principales sociétés militaires privées américaines, la Military Professional Ressources Inc. (MPRI), a remporté un contrat de 1,2 milliard d’euros pour assurer la formation de l’armée afghane. Gallice est l’une des rares sociétés françaises à être implantée en Irak, où le trajet entre l’aéroport et la zone verte se monnaye 1000 dollars. Inconcevable, pour les députés, que les Français passent aujourd’hui à côté des principaux foyers de demandes, sans pouvoir définir précisément quelles missions pourraient être confiées à des privés.

Ce qui ne constitue pas le “cœur de métier” de l’armée a vocation à être externalisé. Pour l’heure, aucun consensus n’a pu être tiré sur ce fameux cœur de métier, comme l’écrivent les députés. Parmi les militaires interrogés, certains conservent une conception étendue du régalien, donc du cœur de métier.  Sous l’effet combiné de la révision générale des politiques publiques lancée en 2007 et la rédaction du livre blanc sur la défense en 2008, la réflexion stratégique s’est concentrée sur la définition du cœur de métier, sans parvenir à la définir précisément.

A défaut de concepts solidement posés, le privé s’impose par la lorgnette du pragmatisme selon les deux députés, qui pointent les théâtres somaliens et libyens comme premiers marchés à conquérir. Christian Ménard et Jean-Claude Viollet se sont déplacés en Libye. Ils en sont revenus avec la conviction qu’il existait “une attente forte vis-à-vis de la France” dans ce domaine.

Il est donc très souhaitable que, dans le cadre du droit libyen, nos sociétés parviennent à nouer des partenariats afin de s’implanter durablement dans ce pays.

Une société française, Galea, est déjà installée en Libye, en partie grâce à sa présence en Égypte et à de bons réseaux dans le pays. Argus, une société de droit hongrois, dirigée par des Français, est sous contrat avec l’Union européenne pour “la protection de ses locaux et l’escorte de ses employés”. Curieusement, les gardes de la société sont armés, “par le truchement d’un statut diplomatique” écrivent les rapporteurs.

Soldats privés contre la piraterie

Mais c’est surtout du côté du détroit de Bab el Mandeb, au large de la Corne de l’Afrique, que se tournent les regards des “ESSD” françaises. Sous la menace de la piraterie, l’Union européenne a lancé l’opération Atalante. La France met à disposition des équipes de protection embarquées, notamment sur les navires du Programme agricole mondial et les thoniers senneurs. Une utilisation de l’armée qui ne va pas sans faire grincer des dents. Les députés notent que ces missions “relèvent davantage de la sécurité internationale que du domaine militaire proprement dit”. Elles reviennent à utiliser la force publique pour protéger des intérêts privés.

Les équipes de fusiliers marins coûtent 2000 euros par jour en moyenne, contre 3000 euros en moyens pour une équipe privée, écrivent-ils. La différence est prise en charge par l’armée elle-même, sur son budget annuel. Dans ce contexte, les deux rapporteurs estiment que la France “est désormais prête à autoriser l’embarquement de personnels privés armés à bord des navires commerciaux traversant des zones dangereuses”. Là encore, un marché colossal. Pour les entreprises françaises, il serait d’environ une centaine de millions d’euros.

Le Secrétariat général de la mer s’était penché sur la lutte contre la piraterie en 2011. Sa production n’a pas été rendue publique, mais il semble avoir retenu un processus de labellisation des navires, en fonction de plusieurs critères, dont l’intérêt stratégique du chargement pour la France. Selon nos informations, les convois jugés stratégiques seraient pris en charge par les forces publiques, les convois importants pourraient être confiés à la Marine ou à des gardes privés qui hériteraient systématiquement des navires n’entrant pas dans ces deux catégories.

Christian Ménard souhaite quant à lui une mise en place rapide des équipes embarquées privées, sans même attendre la prochaine législature. “A titre d’expérimentation, ces embarquements peuvent être tentés en se basant sur une modification des règlements” précise-t-il. Le rapport mentionne d’ailleurs une expérimentation en cours en Algérie, pour la protection d’enceintes diplomatiques. Le parc Peltzer, à Alger, est ainsi “géré par une [société de sécurité privée] algérienne supervisée par des gendarmes français”, de même que le lycée français.

Instrument d’influence

De ces expériences, les députés retiennent que “les SMP peuvent être un instrument d’influence considérable pour les États” écrivent les deux députés, citant l’exemple de la société Blackwater. Devenue Xe pour faire oublier le carnage de septembre 2007 à Bagdad et aujourd’hui dénommée Academi, la société militaire privée américaine assure la sécurité de l’oléoduc Bakou-Tbillissi-Ceyhan et la formation de la marine azérie, des contrats qui “permettent très concrètement aux États-Unis de s’implanter discrètement dans une région sensible et stratégique, entre l’Iran et la Russie”.

Même constat à propos du contrat de la société avec les Émirats arabes unis. D’un montant d’environ 500 millions de dollars, le contrat prévoit la formation “d’une force militaire supplétive”. Révélée par le New York Times en mai dernier, l’affaire avait attisé les craintes de voir cette deuxième armée être utilisée comme force de police, particulièrement dans le contexte des révoltes arabes.

Sécurité privée d’État

Sécurité privée d’État

Un nouveau conseil des sages des sociétés de sécurité privée, le Cnaps, est installé ce 9 janvier pour tenter de ...

Les rapporteurs préfèrent y voir “un formidable levier d’intervention pour [les] Etat[s] d’origine”. C’est aussi par promotion, et protection, de l’intérêt national que les deux députés souhaitent que les sociétés françaises puissent faire appel aux ESSD du même pays, ce qui “laisse supposer un meilleur respect des informations les plus sensibles”. L’équipe France ainsi constituée est perçue comme “un facteur de consolidation de l’influence française” à l’étranger.

Le rapport avance plusieurs possibilités pour assouplir la législation en vigueur, notamment en intégrant les sociétés militaires privées à la loi de 1983 sur les activités privées de sécurité. Le tout jeune Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) pourrait se voir confier la tâche de labelliser les sociétés qui veulent avoir de telles activités à l’étranger.


Photos de Lego sous licences Creative Commons par Poncho Penguin et Dunechaser

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Des députés étonnés des missions en Libye http://owni.fr/2011/10/11/deputes-libye-geos-dst/ http://owni.fr/2011/10/11/deputes-libye-geos-dst/#comments Tue, 11 Oct 2011 06:27:54 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=81792 À en croire les déclarations récentes d’un responsable de la société de sécurité Geos, en 2005, celle-ci aurait formé des forces spéciales libyennes à la demande de la Direction de la surveillance du territoire (DST), devenue depuis la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Une curiosité, puisque ce service est supposé s’intéresser aux seules affaires intérieures et ne dispose pas de la faculté de déléguer ses activités à des sociétés privées.

Interrogés par OWNI, des députés de la Commission de la défense nationale se sont dit surpris par cette découverte, passée largement inaperçue. Christian Ménard, député UMP du Finistère, affirme être “étonné d’une telle démarche” de la part du contre-espionnage français et par les déclarations des dirigeants de Geos. “Ce n’est pas dans leur intérêt” commente-t-il. Le député socialiste de Charente, Jean-Claude Viollet, également membre de la commission, réagit vivement :

Cela me conforte dans l’idée qu’il faut travailler sur la réalité des sociétés de sécurité privés. Il ne faut pas rester en l’état et cet épisode en est la preuve. Il faut mieux contrôler, encadrer et légiférer en la matière pour encadrer les activités.

Les deux députés sont en charge d’un rapport d’information visant à mieux adapter la législation sur les sociétés de sécurité privée. Il devrait être déposé d’ici la fin de l’année.

Audition à l’Assemblée

Le 25 mai dernier, les parlementaires avaient justement auditionné le général Jean Heinrich, ancien responsable opérationnel de la Direction générale de la sécurité extérieur (DGSE), et actuel dirigeant de Geos, à l’origine de ces étonnantes déclarations. Dans Le Monde du 8 septembre, le général confirmait avoir effectué cette mission :

Après quelques mois, la DGSE [son ancien service d'appartenance, autorisé, lui, à intervenir à l'étranger, NDLR] nous a dit qu’elle remplirait elle-même ce contrat et enverrait ses propres agents réaliser la mission, avait-il concédé.

Le contrat avec la Libye conduit donc à s’interroger sur les liens entre la société et la DST. Le numéro deux de Geos, Louis Caprioli, était jusqu’en mars 2004 sous-directeur de la DST en charge de la lutte antiterroriste. Trois mois après sa retraite, il a été recruté par Geos comme conseiller spécial et membre du comité de direction de la société. Geos, qu’on a connu plus loquace, a refusé de répondre à nos questions sur ce point. Et Caprioli n’a pas non plus donné suite à nos demandes d’entretien adressées directement.

Human Rights Watch, l’ONG qui a récupéré une grande partie des archives des services secrets libyens, affirme n’avoir aucune information concernant la société Geos. De son côté, le Ministère de l’intérieur dont dépendait la DST et dépend aujourd’hui la DCRI, ne souhaite pas apporter de commentaire trop précis :

Il s’agit d’un sujet sensible, la DCRI ne souhait pas répondre et oppose une fin de non-recevoir. Elle ne fera aucune communication sur le sujet.

Les forces spéciales évoquées par Le Monde sont en fait les gardes du corps du colonel Kadhafi, corrige un fin connaisseur du milieu. C’est d’ailleurs ce qu’avait rapporté la lettre d’information Maghreb Confidentiel, en février 2003, expliquant que Geos allait assurer “non seulement la restructuration de sa garde rapprochée mais également la sécurité de ses déplacements à l’étranger.”

Dans l’entourage de l’entreprise, des familiers du dossier affirment que le contrat était piloté par le général Heinrich et Louis Caprioli. Selon ces sources, sa réalisation en a été confiée à une société sous-traitante, une pratique courante lorsqu’il s’agit d’activités sensibles dont toute trace pourrait être embarrassante… D’autant que ce n’était pas dans la politique de Geos de servir des États étrangers, préférant les contrats avec le secteur privé, notamment l’accompagnement des entreprises en zone à risques.

Relance des activités libyennes

Certains suggèrent que les réseaux de Louis Caprioli ont bénéficié à Geos, évoquant le rôle clé que l’ex chef du service de renseignement libyen, Moussa Koussa. Il était l’interlocuteur privilégié des services occidentaux. Au moment de sa défection, en mars 2011, Moussa Koussa était présenté comme chef de la diplomatie libyenne et “membre du premier cercle” de Kadhafi. Ce qui n’empêche pas Geos de relancer ses activités aujourd’hui dans la Libye post-Kadhafi.

Ainsi, le 6 septembre, le général Heinrich participait à une réunion organisée par la Chambre de commerce franco-libyenne et le Medef International. En témoignent les photographies diffusées sur la page de l’événement du site de la Chambre de commerce avant d’être supprimée. Elle est toujours accessible dans le cache de Google : on peut voir le général Heinrich en bas au centre de la photo présentée en haut à droite de la page. Un bureau de Geos vient d’ailleurs d’être ouvert en Libye par un ancien de la DGSE.

Confier la formation d’une unité d’élite à une société privée est monnaie courante en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, culturellement plus enclins à externaliser les missions de défense. En France en revanche, seules quelques activités sont externalisées, non sans provoquer de débats, y compris donc au sein de la Commission de la défense nationale de l’Assemblée.


Illustrations via Flickr: Sky Eckstrom [cc-by-sa] ; Yngvardo [cc-by]

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Soldats privés mais pas désarmés http://owni.fr/2011/06/27/soldats-prives-mais-pas-desarmes-geos-alstom-loreal/ http://owni.fr/2011/06/27/soldats-prives-mais-pas-desarmes-geos-alstom-loreal/#comments Mon, 27 Jun 2011 16:04:30 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=71962 Quand on les interroge, les responsables des sociétés militaires privées françaises aiment à affirmer que leurs employés ne portent jamais les armes. Loin des discours officiels, la réalité offre un spectacle plus nuancé. En témoignent des courriers que nous avons obtenus et qui ont été échangés entre différents représentants de Géos, la plus importante entreprise française du secteur. Ils retracent les discussions entre la filiale brésilienne de Géos et le siège parisien au sujet des escortes armées pour accompagner des responsables d’Alstom et le président de L’Oréal, Jean-Paul Agon (ici orthographié Hagon).

Dans la troisième page de ce document, l’un des directeurs des opérations, Thierry Clair, avertit Michel Campioni, alors secrétaire général de Géos, et le général Jean Heinrich, président du directoire du groupe Géos, des risques encourus pour la filiale si elle accepte ces deux contrats. Il pointe aussi l’absence d’assurance des salariés, confirmant ce que nous avions déjà rapporté quant aux conditions de travail et d’embauche.

Selon plusieurs témoignages, la filiale brésilienne s’est placée à différentes reprises dans une situation délicate au regard de la législation sur le port d’arme et sur l’encadrement de personnels armés. Dans un courrier adressé au Consul Général de France à Sao Paulo, un ancien salarié du bureau brésilien évoque lui aussi “les activités illégales de cette entreprise” citant la “supervision accompagnement armé” sans donner plus de détails.

Des familiers de la filiale ont expliqué à OWNI que les entreprises de sécurité étrangères pouvaient obtenir l’autorisation du port d’arme auprès de la police fédérale à deux conditions. La filiale doit être créée avec des fonds brésiliens, et le directeur doit être lui-même de nationalité brésilienne. Jean-Pierre Ferro, chargé de développement du groupe Géos en Amérique latine et fondateur du bureau brésilien, nous a expliqué que ces conditions étaient respectées, le directeur étant Fausto Camilo. Celui-ci affirme quant à lui avoir occupé la position de responsable juridique et se refuse à faire tout commentaire sur les activités de Géos au Brésil, qu’il a quitté à l’automne 2010. D’autres sources nous ont affirmé que la plupart des sociétés présentes sur place n’avaient pas les habilitations nécessaires.

Sous-traitance

Pour assurer la sûreté des personnes ou des installations dans les pays à risque, les sociétés de protection ont deux options. Elles peuvent faire appel à des prestataires locaux armés en accord avec la législation en vigueur. En Irak, où de nombreuses sociétés militaires privées, y compris françaises, sont implantées, le ministère de l’intérieur est chargé de délivrer les autorisations de port d’armes. Elles peuvent aussi faire appel aux autorités du pays, aux forces de police ou militaires, pour assurer l’encadrement armé. “Les managers employés par les sociétés françaises ou leurs filiales locales sont chargés de l’organisation, de la coordination entre les différents acteurs” nous explique un ancien security manager, fin connaisseur des schémas d’encadrement.

La question de l’utilisation de moyens armés est centrale pour qualifier l’activité de ces sociétés. “Les sociétés militaires privées, sur le modèle anglosaxon, possèdent des chars et des avions de combats” assure le général Jean Heinrich (ancien chef du Service action de la DGSE) invoquant son expérience en Bosnie lors d’un entretien qu’il nous a accordé. Les sociétés françaises revendiquent quant à elles la qualité de “sociétés de sûreté”. Pas d’armée privée donc, ni d’armes pour les employés. Centrale, la question de l’armement n’en demeure pas moins une question épineuse. Surtout quand les demandes viennent des clients comme dans cette affaire entre L’Oréal, Alstom et Géos Brésil. Mercredi, le général Heinrich nous avait expliqué, formel :

Géos n’est pas une société militaire privée. Nos personnels de sûreté ne sont jamais armés.


Photo Flickr CC BY-NC-SA 2.0 par Dunechaser

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Les mercenaires filent à l’anglaise http://owni.fr/2011/06/13/les-mercenaires-filent-a-langlaise/ http://owni.fr/2011/06/13/les-mercenaires-filent-a-langlaise/#comments Mon, 13 Jun 2011 14:58:55 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=67655 Depuis quelques semaines, la filiale anglaise du groupe Géos, fleuron des sociétés militaires privées françaises, est au centre de plusieurs procédures ouvertes bien souvent après des plaintes de ses anciens employés. À Londres, OWNI a obtenu les procès-verbaux et les registres de cette curieuse structure, Geos International Consulting Limited (voir ci-dessous), montrant qu’elle relève directement du siège du groupe Géos, en région parisienne. De grands noms apparaissent dans ces registres britanniques. Ceux du général Jean Heinrich (ex patron du Service Action de la DGSE) ou de Guillaume Verspieren (l’héritier du groupe d’assurance et actionnaire majoritaire du groupe Géos en France). Installée au 81 Rivington Street à Londres, la société apparaît dans au moins quatre affaires sensibles.

  • Enquête préliminaire du parquet de Nanterre pour des bizarreries comptables,
  • Dossiers aux prud’hommes de Versailles et de Boulogne-Billancourt ouverts par des anciens des forces spéciales expédiés en Algérie ou au Brésil qui reprochent au groupe de ne pas avoir payé leurs cotisations sociales,
  • Ou encore investigations policières après les missions d’un cadre de Géos pour le compte des services de sécurité de Renault à l’origine du plus gros scandale social connu par le groupe automobile.


Créée en 2001, cette société anglaise serait chargée de “la gestion des opérationnels, du support et de l’accompagnement des projets“, nous explique-t-on au siège parisien de l’entreprise. Cependant, les procès-verbaux de la filiale montrent qu’elle intervient dans le domaine de “l’investigation et de la sécurité“. Toujours selon ces papiers, Géos déclarait en Grande-Bretagne 114 personnels d’opération et 22 personnels administratifs et deux personnes chargées de la gestion, entre septembre 2008 et décembre 2009, pour un chiffre d’affaire de 20 984 000 euros. Mais des témoins, familiers des lieux, nous décrivent un bureau de 40 m2 où travaillent une secrétaire et un comptable.

Des anciens des forces spéciales relevant de la structure anglaise ont récemment porté plainte. Tel Roland Renaux, responsable de la sécurité en Algérie, officiellement employé via un contrat anglais, mais percevant un salaire net en euros, versé sur un compte en France. Cet ex-commando marine pilotait la sécurité sur un site d’Alstom Power, où sont déployées d’importantes équipes de gardes armés. Avant d’être licencié en août 2009, moment où il découvre que la société n’aurait jamais versé de cotisations sociales, ni en Grande-Bretagne ni en France. Roland Renaux a assigné le groupe Géos et Alstom devant le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt, lequel pour l’heure s’est déclaré incompétent territorialement. Roland Renaux a fait appel de cette décision mais une conciliation serait en cours.


Les activités de Géos en Algérie intéressent la justice à plus d’un titre. Michel Luc, l’employé de Géos accusé d’avoir participé aux enquêtes à l’origine du scandale Renault a été débarqué début février par la direction du groupe, précisant qu’il aurait agi en dehors des consignes hiérarchiques. Une accusation étonnante au regard de ses responsabilités. Jusqu’à une période récente Michel Luc coordonnait l’ensemble des opérations de Géos en Algérie, en relation avec la filiale anglaise.

Une autre procédure aux prud’hommes visait Géos au début du mois. Celle introduite par Luis Barbosa, la quarantaine, ancien du 1er Régiment Parachutiste d’Infanterie Marine (RPIMA) de Bayonne et ancien chasseur alpin. Chef d’opération au Brésil jusqu’en décembre 2010, il y aurait passé six mois sans autorisation de travailler sur place, tandis qu’il coordonnait plusieurs opérations du groupe en Amérique latine, en relation avec la surveillance des réseaux de narcotrafiquants, et au terme d’un contrat avec la même filiale britannique.

Luis Barbosa réclamait ”le paiement de la totalité de ses indemnités de licenciement, ainsi que celui de diverses prestations sociales” selon la lettre Intelligence Online (sur abonnement). Il a assigné aux prud’hommes de Boulogne-Billancourt la filiale londonienne, mais aussi Géos SAS et Géos Brasil. Le conseil devait statuer le 6 juin dernier, mais en l’absence de Luis Barbosa une ordonnance de caducité a été prononcée. Selon ses proches, une transaction aurait eu lieu peu avant l’audience.

À terme, ces diverses affaires pourraient mettre en évidence les relais de Géos avec l’appareil sécuritaire français, et quelques-une de ses missions très particulières. Ainsi, selon des témoignages concordants recueillis auprès d’anciens contractuels de Géos, une centaine de soldats privés évoluaient en Afghanistan en 2010. Dont certains spécialisés dans des missions de renseignement.


Crédits Photo FlickR cc by Simon Goldenberg

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