OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le datajournalisme appliqué à la police http://owni.fr/2012/10/12/le-datajournalisme-appliquee-a-la-police/ http://owni.fr/2012/10/12/le-datajournalisme-appliquee-a-la-police/#comments Fri, 12 Oct 2012 12:04:05 +0000 Julien Kirch http://owni.fr/?p=122373

Lire l’article : Courir après les policiers municipaux

1. D’abord partir des données de bases laborieusement saisies dans un spreadsheet Google doc.

2. Avoir sous le coude les données de référence généreusement fournies par Emmanuel Salomon sur son site dev.ggouv.fr donnant pour chaque ville sa position géographique et son nombre d’habitants.

3. Avec un script utilisant les API Google de spreadsheet

- vérifier qu’on trouve pour chaque ville du premier tableau un enregistrement dans le second tableau.
- si besoin corriger les noms des villes et relancer le script jusqu’à ce que toutes les villes soient correctement identifiées.
- insérer le résultat du produit des deux tableaux dans un troisième qui servira de base à la carte.

4. Enfin, créer une table de fusion à partir de ce dernier, ce qui permet de rendre public les données propres et d’afficher la carte en quelques clics :

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification MizGingerSnaps

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Objectif électeurs #3 http://owni.fr/2012/04/19/objectif-electeurs-elections-presidentielle-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/04/19/objectif-electeurs-elections-presidentielle-photojournalisme/#comments Thu, 19 Apr 2012 12:48:06 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=106865
Objectif électeurs

Objectif électeurs

OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour ...

Une série de portraits pour témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles.  Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique.

Hier soir se tenait à La Cantine une soirée de débat et de projections avec l’équipe du projet 21 voix pour 2012 et la présentation de leur webdocumentaire 60 secondes pour un quinquennat.

Le débat était animé par Ziad Maalouf de l’Atelier des médias, et était intitulé “Les politiques dans l’oeil du viseur” :

Du terrain aux rédactions comment les métiers de l’image fixe travaillent-ils ? Entre fausses coulisses, fausses confidences, mises en scène du pouvoir et volonté d’informer, comment photojournalistes, iconographes et illustrateurs contournent-ils ces obstacles ? Qu’est ce que le web, sa viralité et ses nouveaux usages changent aux dispositifs d’information et de communication politique ?

Nous vous présentons le troisième épisode de la série 21 voix pour 2012, avec le portrait de Jérémie par Morgane Fache et celui de Vincent par Jacob Khrist.

Jacob Khrist : la décroissance

Vincent Liegey et Daniel Mermet à Budapest pendant l'émission Café Repaire Là-bas si j'y suis (France Inter) - Janvier 2012 - © Jacob Khrist/21voix2012

Jacob Khrist est à la recherche de son sujet pour le projet 21 voix pour 2012 quand il rencontre Vincent Liegey dans un café au mois de décembre 2011.  Dès le lendemain, il réalise une interview et programme son départ pour Budapest. “Vincent est doctorant, marié à une député hongroise du parti alternatif LMP. Ce qui m’intéressait aussi c’était la vision globale de la politique à notre époque, d’une personne de notre âge qui vit dans un pays où des idées extrémistes reviennent en force”.

Jacob se rend à Budapest en janvier et se retrouve, par un heureux hasard du calendrier, présent au moment où Daniel Mermet et Antoine Chao venaient enregistrer une série d’émissions pour Là-bas si j’y suis : La Hongrie en marche arrière.

Daniel Mermet, Antoine Chao et Judit Morva, rédactrice en chef du monde diplomatique édition hongroise, à Budapest en janvier 2012 pour Là-bas si j'y suis - © Jacob Khrist/21voix pour 2012

Quand j’entends : ‘une croissance illimitée dans un monde limité est une absurdité’ , je me sens en harmonie avec cette idée, le fait que la société actuelle a atteint ses limites. La décroissance est une idée qui me touche.

Vincent Liegey était le contact de Daniel Mermet à Budapest et Jacob Khrist se retrouve presque tous les soirs avec l’équipe du café repaire. “C’était un long et “gros” week-end de janvier. Avec des manifestations pour et contre le régime de Viktor Orban et le congrès annuel du parti alternatif LMP.  Et d’autres symboles tombaient, comme le lieu culturel Gödör, repris par une personne proche des idées d’Orban.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.


L’éclosion

Vincent me parlait de la dépersonnalisation de la politique notamment dans le mouvement de la décroissance. Tout le monde peut être porte parole, électeur, ou devenir candidat. Ils disent : “Notre candidate est la décroissance”. Ce qui me touchait, c’était d’abord le côté universel de sa vision de la société. J’ai cherché à faire ressortir cela dans ma sélection audio et graphique. J’ai donc choisi de travailler sur la déclinaison d’un seul portrait avec un mouvement d’éclosion. Je représente d’abord Vincent au travers un flou avec l’idée qu’il pourrait être chacun d’entre nous. Même si on l’entend se présenter, au tout début de la P.O.M,  je voulais qu’on rencontre son regard, qui est assez fort, seulement à la fin.

Vincent Liegey - © Jacob Khrist/21voix2012

Dans ce regard, je me vois en train de prendre la photo. Mais l’idée est, à nouveau, que cet autre pourrait être chacun d’entre nous. Dans ces yeux, il y a l’autre. C’est toujours la recherche du regard qui m’importe, quelque chose qui tient de la pureté, mais aussi, la notion de flou. Je cherchais ce mouvement entre l’éclosion et l’universalité, pour représenter cette idée : la relation entre la décroissance en politique et l’épanouissement de la personne dans la société.

Budapest - © Jacob Khrist/21voix2012

Morgan Fache : les néo-ruraux

Morgan Fache suit des néo-ruraux depuis trois ans. Un sujet au long cours qu’il garde de côté pour le moment.  “Je suis plusieurs personnes qui font ce qu’on appelle ‘un retour à la terre’. Beaucoup lâchent car c’est fastidieux. Mais mon but est de suivre leur évolution dans le temps, montrer les côtés positifs et négatifs.” Ces néo-ruraux sans terres suivent une formation, apprennent les rudiments du métier et terminent leur parcours par un stage et une passation de terre quand cela est possible. Morgan ajoute :

Le problème des jeunes agriculteurs c’est le foncier. Si on ne leur lègue pas une terre, il faut l’acheter, et les terres a louer sont rares.

Jérémie © Morgan Fache /21 voix pour 2012

Point de départ, le Tarn, son département d’origine.  Morgan cherche pour le projet 21 voix un profil de paysan plutôt militant et cultivant du bio. Après une déconvenue, il se tourne vers un ami, Jérémie, en reconversion lui aussi.  “Il sort de cette même formation. Je me rappelle d’une époque où il était un peu perdu. Pas tant sur ce qu’il voulait faire, mais plutôt sur comment il allait le faire.  Après cette formation il a eu la chance de trouver une terre à louer et de ne pas avoir de soucis par rapport à son habitat.”

Sur les routes du Tarn © Morgan Fache /21 voix pour 2012

Morgan Fache passe deux jours avec Jérémie et son entourage. “Jérémie développe une agriculture hors des sentiers battus, hors labels. Il fait partie de Nature et progrès une fédération de consommateurs et d’agriculteurs avec un côté plus social qu’un simple label bio. Les échanges entre les gens sont prépondérants. C’est ce que Jérémie a toujours recherché. “

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La terre à l’avenir

Il est 17h ou 18h. Nous sommes au mois de décembre. Il fait déjà nuit. Jérémie livre ses produits frais sur une aire d’autoroute juste avant d’entrer sur Albi. Il a une dizaine de clients fidèles, des particuliers. Ils se retrouvent deux fois par semaine avec un autre maraîcher. À deux, ils peuvent proposer plusieurs variétés de légumes et ils peuvent aussi se relayer. À partir de là tout va très vite.  Ils discutent pour voir si la santé est bonne, ils se connaissent depuis longtemps. L’ambiance est sympa, ces personnes viennent même le voir de temps en temps le week-end sur ses terres.

Portrait de Jérémie par © Morgan Fache / 21 voix pour 2012

Nous sommes repartis dans sa voiture, Bob Marley en fond sonore. C’est sur ce chemin du retour que j’ai pris la photo. Il a l’air en paix et dans son monde. La lumière était belle, avec celle des phares conjuguée à celle des petits villages que nous traversions. Cet aller vers la terre lui correspond, cela fait dix ans qu’il en parle. Même si ce n est pas toujours simple au niveau financier, Jérémie réalise ce qu’il avait envie d’être.

Sur les terres de Jérémie © Morgan Fache /21 voix pour 2012


Photographies par ©Jacob Khrist et @Morgan Fache pour le projet transmédia 21 voix pour 2012

Les photographes

Morgan Fache vient d’avoir 31 ans. Travailleur social pendant cinq années dont la moitié à l’étranger, c’est en Nouvelle-Calédonie en 2008 qu’il décide de faire de la photographie son métier. Après un CAP photo, il enchaîne les postes d’assistant auprès de différents photographes et répond à ses premières commandes en freelance. Intéressé par des thèmes sociaux et particulièrement le travail de mémoire sur les communautés dites marginales, il intègre la filière photojournalisme de l’EMI-CFD en 2011.

Jacob Khrist a (bientôt) 33 ans. L’appareil photo constamment en bandoulière, il documente la scène artistique parisienne pendant plusieurs années. C’est à travers les portraits qu’il retranscrit sa vision du monde, et de l’humain. Son intérêt pour les nouvelles formes de narration et les possibilités offertes par le “transmédia”, l’amènent à l’EMI-CFD en 2011.

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Objectif électeurs #2 http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/#comments Sun, 15 Apr 2012 12:37:47 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=106053 21 voix pour 2012, ce sont 21 photojournalistes partis à la rencontre de 21 électeurs aux quatre coins de la France. Une série de portraits qui vise à témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles.
Objectif électeurs

Objectif électeurs

OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour ...

Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique. Certains se prononcent pour un candidat, d’autres hésitent ou choisissent de voter blanc.

Les personnes ont été choisies en fonction des thématiques qui traversent les débats de la présidentielle, 21 en tout, – chômage, réforme de la retraite, immigration, agriculture, décroissance, éducation, etc. – Chaque photojournaliste a choisi un électeur en fonction de la thématique qui les intéressait ou en fonction des contraintes du projet (respect de la parité, diversité et thèmes et des catégories socio-professionnelles). Puis le réseau de leurs contacts a fait le reste.

Le deuxième volet de ces 21 P.O.M (Petites Œuvres Multimédia) part à la rencontre de Fabienne, enseignante à ESMOD et déçue du sarkozysme, par le photographe Benjamin Leterrier. Et de Delphine, jeune diplômée à la recherche d’un emploi, par la photographe Karin Crona. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.

Karin Crona : le chômage

Delphine au Secours catholique. Elle y est bénévole sur son temps libre. ©Karin Crona/21voixpour2012

Karin Crona, a rencontré Delphine à un moment de ras le bol dans sa recherche d’emploi. Elle enchaînait les stages sans jamais trouver de CDD ou de CDI depuis plus d’un an. “Ce qui m’a frappé c’est sa volonté de ne pas rester inactive, de ne pas baisser les bras. Elle attendait une réponse pour un CDD quand je l’ai rencontrée mais elle était prête à reprendre un stage si cela ne marchait pas” raconte Karin.

Delphine donne du temps au Secours catholique, franchit de portes et enchaîne les entretiens. Karin ajoute,“au début de sa vie professionnelle, on a envie de s’investir et on ne s’attend pas à la commencer avec du chômage ou des stages à n’en plus finir. J’espérais pouvoir montrer ce cheminement, dans la recherche d’un emploi”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un si long chemin…

Delphine habite un immeuble élégant dans le 17eme arrondissement de Paris. Je l’ai vu deux fois chez elle. Pour accéder à sa chambre de bonne, il faut franchir beaucoup de portes, traverser la cour de l’immeuble jusqu’au fond, prendre les escaliers de service jusqu’au 7ème étage à pied et longer des couloirs. Ces escaliers sont étroits et vides. On se sent seul dans l’ascension, sans présence de voisins, avec sonnettes et paillassons. Pour moi, tout ce trajet était devenu symbolique du chemin qu’elle a du parcourir pour trouver du travail.

Delphine, jeune diplômée à la recherche d'un emploi par ©Karin Crona/21 voix pour 2012

Au départ, je voulais faire une séquence de stop motion où elle marche dans ce long couloir. Je lui ai demandé de se placer, et j’ai fait les photos. J’aimais bien cette lumière qui sortait derrière elle, au bout de ce long tunnel. Ce n’est qu’au moment du montage, que cette photo ma frappée, avec toute la symbolique qui s’en dégageait. Je trouvais qu’elle sortait du lot, qu’elle cristallisait son histoire et je l’ai gardée telle quelle.

Benjamin Leterrier : éducation et emploi

“Notre démarche sur le projet 21 voix pour 2012 était de respecter entre autres choses, la parité. À un moment donné, nous avions 5 femmes représentée pour 16 hommes. C’est cette contrainte qui m’a fait découvrir l’univers de la mode et m’intéresser de plus près aux enjeux de l’éducation et de l’emploi des jeunes,” raconte Benjamin Leterrier. Il rencontre Fabienne, professeur de stylisme à l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD).

Les élèves de l'école ESMOD au travail © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Déçue des promesses faites par le gouvernement Sarkozy, c’est son rapport avec ses élèves, son inquiétude et son sens de la responsabilité face à leur avenir qui a frappé Benjamin Leterrier. “On voit qu’elle est proche d’eux, qu’elle se sent responsable, et en opposition, elle ressent très fortement l’éloignement des hommes politiques des citoyens.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Transmission

C’était en fin d’après-midi. Les élèves ont tous un projet personnel de collection de vêtements à réaliser sur plusieurs mois. Ce jour là, ils passaient voir Fabienne avec leurs ébauches. ESMOD accueille beaucoup d’élèves des pays asiatiques et Fabienne donne aussi ses cours en anglais. Son parcours personnel est intéressant car elle a étudié dans cette même école, puis a travaillé dix ans en Chine dans une usine de textile avant de revenir travailler ici.

Fabienne et son élève © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Toutes les deux étaient très concentrées comme dans une bulle. Autour d’elles il y avait plusieurs élèves dans une grande salle. Je me suis placé comme une petite souris derrières elles. C’est ce moment de proximité, de transmission et d’attention que je voulais capter.


Photographies par Karin Crona © etBenjamin Leterrier © tous droits réservés

OWNI s’associe à au projet 21 voix pour 2012 avec La CantineSilicon Maniacs, Youphil, L’Atelier des médias, l’EMI-CFD et le Studio Hans Lucas. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias. Inscrivez-vous !

Les photojournalistes :

Karin Crona a 43 ans et vit en France depuis 12 ans. Graphiste de métier, dans l’édition et dans la presse, elle décide de faire de la photographie son métier principal depuis 5 ans. C’est le partage de ses clichés sur internet qui la pousse à se lancer. Elle traite des thèmes sociaux, liés à l’éducation, la précarité et l’exclusion.

Benjamin Leterrier a 38 ans. Biologiste et journaliste de formation, il découvre la photographie en 2001 lorsqu’il part s’installer à la Réunion. Il commencera à collaborer avec la revue du CNRS en avril 2012.

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Objectif électeurs http://owni.fr/2012/03/27/objectif-electeurs-21-voix-pour-2012-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/03/27/objectif-electeurs-21-voix-pour-2012-photojournalisme/#comments Tue, 27 Mar 2012 15:11:35 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=102596 OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour des thèmes de la campagne. Rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections, de débats et d'ateliers autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.]]> 21 voix pour 2012, ce sont 21 photojournalistes partis à la rencontre de 21 électeurs aux quatre coins de la France. Une série de portraits qui vise à témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles. 
Objectif électeurs #2

Objectif électeurs #2

21 voix pour 2012, ce sont 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour des thèmes de la campagne. Rencontre ...

Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique. Certains se prononcent pour un candidat, d’autres hésitent ou choisissent de voter blanc.

Les personnes ont été choisies en fonction des thématiques qui traversent les débats de la présidentielle, 21 en tout, – chômage, réforme de la retraite, immigration, agriculture, décroissance, éducation, etc. Chaque photojournaliste a choisi un électeur en fonction de la thématique qui les intéressait. Puis le réseau de leurs contacts a fait le reste.

Nous diffuserons ces prochaines semaines quelques-unes de ces 21 P.O.M (Petites Œuvres Multimédia) en demandant à chaque photojournaliste de nous parler d’une photo de leur choix. OWNI s’associe à ce projet avec La CantineSilicon Maniacs, Youphil, L’Atelier des médias, l’EMI-CFD et le Studio Hans Lucas.

Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections, de débats et d’ateliers autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.

Milan Szypura : l’artisanat


Jara par ©Milan Szypura/21voixpour2012

Le premier épisode de la série 21 Voix pour 2012 nous emmène dans un petit village du Loir-et-Cher à Saint-Agile. Le photojournaliste Milan Szypura est parti à la rencontre de Jara, artisan du cuir et sellier.  La question qui l’intéressait était de savoir comment une petite entreprise pouvait fonctionner sans que la croissance soit une fin en soi. “Il ne s’agit pas ici de décroissance” nous raconte Milan Szypura. Ce qui m’interpelle, c’est d’arriver à travailler,  en étant en accord avec ce que l’on produit, en misant sur la qualité et le local, sans chercher à gagner énormément d’argent.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La Ferrari rouge

Cette photo me parait intéressante pour sa valeur de contraste. Nous nous retrouvons dans son atelier de cuir, avec beaucoup de bordel, et au moment où la photo apparait dans le diaporama sonore, Jara dit qu’il n’a pas beaucoup senti la crise à son niveau. Je trouvais ça beau de mettre cette photo en contraste avec ces paroles. Évidemment cette Ferrari n’est pas à lui et, même si cela peut prêter à confusion à la première lecture, j’avais confiance dans le déroulement de l’histoire.

Jara Buschhoff dans son atelier - ©Milan Szypura/21voixpour2012

Parmi les clients de Jara, beaucoup de gens possèdent des voitures de luxe. En dehors des selles de cheval et de la maroquinerie, ils refont tout l’intérieur cuir de ces bolides. Dans l’atelier, on trouve toujours une de ces énormes voitures, mais j’ai eu de la chance cette fois-là d’avoir une Ferrari rouge. La semaine d’avant c’était une Rolls Royce blanche, et encore avant une Bentley bleue. Je trouvais que ce décalage était intéressant et emblématique du contraste entre ces voitures de luxe et la simplicité de leur mode de vie et de production artisanale, dans ce petit village perdu du Loir et Cher.

Jara Buschhoff, travailleur de cuir en région centre, chez lui le 26 Novembre 2011, au lieu-dit « Les Noyers» près de Souday ©Milan Szypura/21voixpour2012

Toufik Oulmi : l’islam

L’idée pour Toufik Oulmi, était d’aller au-delà du cliché véhiculé par les médias, celle d’un islam radical prôné par des barbus en djellaba. Lui qui n’est pas musulman, ne reconnait pas les gens de son entourage dans ces portraits médiatiques. Il rencontre Abdou, 38 ans, responsable ressources humaines par l’intermédiaire d’amis communs. “Je voulais montrer à travers Abdou, l’image que je connais de ces Français musulmans pratiquants.”

Deuxième cour de la mosquée de Paris près de la salle des prières. ©Toufik Oulmi/21Voixpour2012

Toufik Oulmi avait déjà une idée précise de la scénarisation de son reportage : “Je savais que je ne voulais pas montrer Abdou de face dès le départ.” Parler de cette religion en France, telle qu’elle est pratiquée par la majorité. Et parmi ces musulmans, des cadres, comme Abdou. “Je montre ses mains, sa silhouette de dos, je voulais laisser le spectateur imaginer son visage jusqu’au bout pendant qu’il nous parle. Je recherchais une ambiance de polar et  le noir et blanc allait de pair avec cette narration.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Derrière la vitre

On venait juste d’arriver chez lui. C’était la troisième et dernière fois que je voyais Abdou. Il commençait à me parler des jeunes diplômés qui partaient au Qatar mais je ne l’enregistrais pas à ce moment là. Il se mettait à l’aise, me disait de faire de même. J’avais toujours mon appareil photo à la main.

Portrait d'Abdou par ©Toufik Oulmi/21Voixpour2012

En fait j’étais placé devant la fenêtre. Juste avant, Abdou m’avait montré la vue sur la mosquée. J’essayais de la voir pendant qu’il me parlait. Ce n’était pas évident, de nuit avec tous les reflets des lumières et la buée. Abdou se tenait derrière moi, en train de se déplacer, je pense vers la cuisine. C’est à ce moment là que j’ai vu son ombre-reflet sur la vitre. Et j’ai déclenché.

À cette période, j’avais déjà commencé à monter une partie de la P.O.M, et je me sentais déjà dans l’ambiance polar. Je suis très cinéphile. La grosse lumière derrière son visage, venait de sa lampe halogène cassée qui penchait sur le côté. Je trouve que cette image reflète bien cette ambiance polar que je recherchais,  le côté mystérieux, le fait aussi de s’interroger sur les questions d’identité. Mais sur le coup, tu déclenches, tu ne penses pas à tout ça.

Les mains d'Abdou, face à la mosquée de Paris ©Toufik Oulmi/21voix pour2012


Vous pouvez soutenir le projet 21 VOIX POUR 2012 en faisant un don sur la plateforme de crowfunding KISS KISS BANK BANK

Photographies par Milan Szypura © etToufik Oulmi © tous droits réservés

Les photojournalistes :

Milan Szypura, 35 ans, ancien danseur contemporain, a commencé à documenter son environnement artistique avec un appareil photo argentique. Il se lance en tant que photographe professionnel en 2007 et après un passage par les Gobelins, il se forme aujourd’hui au photojournalisme à l’EMI-CFD. Son objectif, la couverture des conflits armés.

Toufik Oulmi a 39 ans. Après avoir été informaticien pendant de longues années, il prend l’avion pour la Tunisie en mars 2011. Dans le camp de Choucha, à la frontière tuniso-libyenne, il capture ces moments d’élégance et de dignité des réfugiés, dans la détresse de l’attente interminable pour passer la frontière. Ce reportage lui vaudra d’être lauréat du prix Polka Magazine/SFR jeunes talents 2011.

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Ils ont hacké la presse http://owni.fr/2012/01/16/ils-ont-hacke-la-presse/ http://owni.fr/2012/01/16/ils-ont-hacke-la-presse/#comments Mon, 16 Jan 2012 17:52:19 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=94133 Mercredi dernier, OWNI co-organisait Hack The Press 2, l’événement de la rentrée en matière de data journalisme, avec Silicon Maniacs, La Cantine, Regard Citoyens, Epitech, et le soutien de La Netscouade. Cette joute amicale a opposé sept équipes pluridisciplinaires (développeurs-designers-journalistes) : elles avaient une journée pour concevoir une application à partir des données de Regards citoyens concernant les députés et les sénateurs.

Au terme du marathon, les équipes ont soumis leur projet au vote du public. Celui-ci a désigné à main levée le vainqueur : l’équipe “Cinq à sept”, pour son projet “Amitiés internationales”, a finalement levé au ciel leur trophée, le Minitel d’Or. Nous vous proposons ci-dessous un résumé des travaux présentés par l’ensemble des équipes.

Métarédaction

Les esprits chagrins regretteront que les projets n’aient pas été finalisés en temps et en heure : la plupart n’étaient accessibles qu’en local, à un stade plus ou moins avancé. On préfère retenir l’effervescence de cette journée, la richesse des travaux proposés, qui ont de quoi faire saliver plus d’un journaliste politique, et les envies qui sont nées de cette journée. Preuve aussi que la métarédaction n’est pas (toujours) une élucubration éthérée, certains ont exprimé la volonté de poursuivre les projets après.

Autre temps fort de cet événement, un appel à ouverture des données a été lancé, à l’issue de la conférence “Quelles data pour 2012 ?”. Il est visible sur le site Candidata.fr.

Hack The Press a en effet été l’occasion de constater à quel point il est encore difficile d’accéder à certaines données, pourtant nécessaires pour effectuer un travail de data journalisme correct dans le cadre de la présidentielle, et des législatives qui suivront. Vous pouvez compléter la liste des “courses” sur ce pad.

Équipe 1 : Poleetic

Mi-LOL, mi-sérieuse, l’application Poleetic reprenait le principe de Meetic appliqué au Parlement : saurez-vous trouver l”élu de votre cœur ? Une façon ludique d’aborder la question de l’uniformité sociale de nos représentants.

Équipe 2 : Watchdog

L’équipe 2 propose d’interroger les amendements similaires déposés par le Parlement : quel domaine concernent-t-ils, qui les dépose, etc. Son travail est rassemblé sur un site, Qui copie qui. On y trouve une visualisation de synthèse (cf. ci-dessous), un outil pour naviguer parmi les amendements similaires, présentés via un blog wordpress qui dispose d’un moteur de recherche.

Équipe 3 : CumuloNimbus

Une application pour mesurer l’impact du cumul des mandats sur l’activité des parlementaires, présentée dans ce document.

Équipe 4 : Awerty

Un outil pour évaluer l’activité de son député sur le sujet de son choix.

“Chaque point représente un député, avec au centre la moyenne de l’apparition du mot demandé :

- plus ils sont en haut à droite, plus ils ont écrit ou prononcé le mot en question ;

- plus c’est en bas à droite, moins ils en ont parlé ;

- en haut à gauche, ils essentiellement parlé du sujet cliqué en premier ;

- en bas à droite, essentiellement le second.”

Le développeur s’est heurté à des difficultés concernant le traitement des données, ce qui explique que l’outil n’ait pas été plus abouti mercredi soir.

Hack The Press

"Alors notre projet, il est super cool, votez pour lui, merci." Guillaume Guichard, de l'équipe n°2.

Équipe 5 : Cinq à sept

Les vainqueurs de Hack The Press 2 ont travaillé sur l’activité diplomatique des parlementaires : à quel groupe d’amitié internationale appartiennent-ils et dans quelle mesure la taille des groupes reflètent les liens économiques ou culturels ?

Équipe 6 : Datafluence

Une application pour comprendre comment nait l’actualité : influence-t-elle l’agenda parlementaire, ou vice-versa ?

“Les journalistes parlent-ils vraiment de ce qui intéresse le public ? Les élus sont-ils esclaves des rebondissements de l’actualité ? La rupture entre intelligentsia et le grand public est-elle réelle ? Y a t-il un gouffre entre le temps médiatique, le temps politique et le temps de l’opinion public et, si il existe, comment peut-on l’expliquer ?

Nous avons voulu interroger les influences, les relations et les imbrications entre l’agenda politique, l’agenda médiatique et l’intérêt du grand public. Pour cela, nous avons imaginé ce que l’on pourrait définir comme le “Storify” des datas”.

Hack the press

Ils ont de l'humour les Toulousains, malgré la fatigue : ils ont hacké la connection Skype pour apparaître en mode dégradé Minitel.

Équipe 7 : Tetalab/Carredinfo (Toulouse)

L’équipe des toulousains s’est penché sur le travail des parlementaires cumulards : est-ce que ceux qui cumulent en dehors de l’Assemblée cumulent aussi dans l’Assemblée (groupes d’études, groupes d’amitié… ) ? Leur travail a été documenté au fil de la journée sur un pad, jusqu’à leur synthèse finale.

“Nous sommes partis sur l’idée de comparer le cumul des mandats et l’activité parlementaire. Notre idée était d’étendre notre notion de cumul non seulement à l’accumulation de mandats locaux, mais également à la participation à de multiples groupes d’études et de travail. Nous nous sommes concentrés sur les député, le postulat étant ‘plus le nombre de mandat et de participations à des groupes était important, moins l’activité parlementaire réelle était significative’”.


Photos et illustrations :
CC Ophelia Noor pour OWNI.fr ; © Jacob Khrist, photojournaliste ; Instagrams par Gayané Adourian et Nicolas Loubet pour Knowtex ; Dessins par Benoit Crouzet pour Knowtex.
Le site de Hack The Press

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10 bonnes résolutions journalistiques http://owni.fr/2011/12/27/10-bonnes-resolutions-journalistiques/ http://owni.fr/2011/12/27/10-bonnes-resolutions-journalistiques/#comments Tue, 27 Dec 2011 07:31:27 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=91758

La recommandation par les pairs est l’un des phénomènes les plus puissants révélé par la “démocratisation de la diffusion”. En 2012, pour les journalistes, et ceux qui aspirent à le devenir, justifier sa place de médiateur de l’information passe donc immanquablement par une plongée en apnée dans le grand bain des réseaux sociaux. Twitter, Facebook, Instagram, Soundcloud, Storify… sont donc AUSSI le terrain.

Je n’ai pas de baguette magique mais voici 10 pistes qui me semblent intéressantes à creuser.

1) Trouvez-vous un binôme, un partenaire, un homme/femme de confiance avec qui le courant passe bien. Et faites comme Starsky et Hutch. Couvrez-vous l’un l’autre. À la vie à la mort. Pendant que l’un se rend physiquement sur un évènement, prend des photos “décalées” (càd pas celles über conventionnelles que tous les autres auront), chope de la vidéo (idem), tweete (idem) et prend la température de ce qui se trame, l’autre, au poste devant son desk, se charge de mettre en musique le tout et de re-raconter l’histoire en y ajoutant les réactions/commentaires publiés par les internautes. Inversez de temps en temps les rôles et ajustez le curseur de votre collaboration. C’est à mon sens l’un des meilleures façons de lutter contre le darwinisme à l’œuvre dans les rédactions.

2) Partagez et donnez à voir de vous tout ce qui permettra aux internautes de sentir de quel bois vous vous chauffez. Tout ce que vous ne partagerez pas, vous le perdrez. Et assumez une bonne fois pour toutes que si vous faites ce métier, c’est aussi pour soigner votre égo, légèrement surdimensionné par rapport aux individus lambda. Vous verrez, ça fait un bien fou et votre psy vous félicitera. Vous apprendrez d’autant plus facilement de vos échecs et vos succès auront bien meilleur goût.

3) Gardez en tête que chaque tweet peut être le dernier pour le compte de votre employeur actuel. Si vous le critiquez en ligne, il sera obligé de vous virer. Idem si vous sortez des clous de la légalité. Soyez conscient que même après votre service, vous êtes toujours identifié comme employé de votre média. Si vous souhaitez garder une partie de votre vie privée, ne la mettez pas ligne. Et arrangez-vous avec vos potes pour qu’ils respectent l’intimité de vos beuveries.

4) Testez, expérimentez, bidouillez. Et recommencez. C’est à ça que servent votre liste Twitter “Technologies” et votre blog. Apprenez à coder. Mettez les mains dans le cambouis. Le web est un outil. Ce que vous en ferez ne dépend que de vous et de votre curiosité.

5) Ne faites pas comme si vous aviez la science infuse. Plus personne ne vous croit quand vous traitez le même jour 10 infos sur des secteurs complètement différents en prétendant avoir “fait le tour de la question”. Rendez à César ce qui lui appartient. Faites des liens, embeddez des tweets, sourcez le blogeur qui a inspiré votre papier. Dites quand votre définition vient de Wikipédia. Gagner la confiance des individus connectés ne se fait pas en un jour… Avouez vos limites, ouvrez la porte aux experts en ligne qui pourraient enrichir et augmenter votre travail. Faites-le de préférence en amont de sa diffusion.

Google Analytics n’est pas sale !

6) Intéressez-vous à ce qui se passe près de chez vous, là où vous habitez. Votre boulangère, votre facteur ou votre plombier sont d’excellentes sources d’informations. Allez boire des coups au bistro du coin. C’est aussi ça le terrain. Et une opportunité stratégique parmi les plus intéressantes.

7) Ouvrez vos contenus et faites en sorte qu’aucune barrière ne subsiste à leur propagation. Tracez-en l’usage et faites en sorte d’apprendre tous les jours un petit peu plus à qui vous vous adressez. Intéressez-vous à leurs centres d’intérêts. Ils ne sont pas arrivés sur votre article par hasard. Plongez-vous dans Google Analytics, ce n’est pas sale.

8) Harcelez vos institutions publiques pour qu’elles mettent à votre disposition et à celle des internautes les données relatives à son fonctionnement. En tant que citoyen, vous avez le devoir de vous insurger contre leur utilisation exclusivement commerciale par des entreprises privées. En tant que journaliste, c’est une mine d’or pour traquer les dysfonctionnements et mettre en lumière les paradoxes de notre société.

9) Soyez béton sur les faits, recoupez vos sources et respectez celles qui demandent à rester anonymes. C’est ce qui vous différenciera. Car pour tout le reste, le commentaire, l’analyse, la mise en contexte, la polémique, la critique… il ne faut pas être journaliste.

10) Vous n’avez pas choisi le métier le plus facile ni le plus bankable, alors faites au moins en sorte de prendre votre pied. Soyez vous-mêmes et dites-vous bien qu’on n’a pas attendu le numérique pour voir les cons voler.

Bonne année à tous !

À lire aussi:

Ten things every journalist should know in 2012 (Journalism.co.uk)

Quelles tendances pour 2012 ? (Work In Progress)

Article publié initialement sur le blog de maître Damien Van Achter sous le titre Journaliste : en 2012, trouvez votre Starsky.

Photo : FlickR CC-BY Euthmann.

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http://owni.fr/2011/12/27/10-bonnes-resolutions-journalistiques/feed/ 26
Le New York Times sauvé par internet http://owni.fr/2011/11/24/le-new-york-times-sauve-par-son-site-internet/ http://owni.fr/2011/11/24/le-new-york-times-sauve-par-son-site-internet/#comments Thu, 24 Nov 2011 16:49:49 +0000 Gaétan Mathieu http://owni.fr/?p=88182

Tous les matins, la Une du New York Times est plus prompte que n’importe quelle autre source d’information à déterminer quelles vont être les informations majeures dans les prochaines vingt-quatre heures.

Seth Mnookin n’a pas toujours été un défenseur du Times mais il connaît l’importance du journal.

Je ne dis pas que c’est forcément le meilleur, mais c’est en tout cas le plus important.

Et s’il ne croit pas à la mort très prochaine du journal, cet ancien collaborateur du Times se garde bien de s’avancer sur le long  terme.

Les choses ont changé, quand on regarde la dernière décennie, on se dit que l’avenir est quand même très incertain.

Souvent évoquée depuis 2009, la mort du Times aurait de nombreuses conséquences pour le monde de la presse. Et pourrait donner raison à ceux qui prédisent la fin de la presse papier pour 2020-2030. Mais tous les matins de la semaine, ce sont encore près de 900 000 Américains qui l’achètent . Un chiffre en baisse croissante depuis 2005. La dernière fois que le titre avait vendu moins d’un million de copies, c’était au début des années 1980.

Journal référence

La disparition du Times entraînerait d’abord le chômage de 1 300 journalistes. Un staff impressionnant, mais là aussi, en baisse constante depuis mars 2008. Après avoir dans un premier temps baissé de 5% le salaire de certains de ses employés, le journal avait fini par se séparer d’une centaine de journalistes au printemps 2008 et n’avait pas remplacé plusieurs départs en retraite. Un plan similaire, diminuant d’une centaine le nombre de journalistes, fut à nouveau mis en place en 2009. Le documentaire Page One, A Year Inside the New York Times, tourné à cette période, s’attarde d’ailleurs sur plusieurs journalistes, en poste parfois depuis plus de 15 ans et remerciés au nom de mesures d’austérité. Les premiers signes de cette politique ont été perceptibles dès 2006 avec de nombreuses coupes budgétaires. En cinq ans, les dépenses annuelles du journal ont baissé de 860 millions de dollars. Une politique de rigueur efficace qui a amené le journal à être enfin bénéficiaire en 2011. De l’argent certes, mais en contrepartie d’un appauvrissement du contenu se sont plaints plusieurs journalistes du quotidien. Certains n’ont pas apprécié que le budget pour les piges des journalistes non salariés ait été baissées de 15 % sur les trois dernières années.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et si le New York Times est encore reconnu comme un journal de référence, c’est justement pour son contenu exhaustif, comme cela est écrit fièrement à la Une du journal “All the news that fit to print”. Au 620 West, 8e avenue, le gratte-ciel du New York Times, de l’architecte Renzo Piano en impose. La suprématie du Times, c’est aussi celle de son building, quatrième plus haut de Manhattan. À l’intérieur du bâtiment, la “newsroom” ressemble un peu à n’importe quelle autre bureau d’un journal, la vue en plus. Mais c’est le bruit, la vie qui se dégage du lieu, qui rappellent immanquablement Citizen Kane. Comme si l’information trouvait racine ici.

La rédaction du Times en 1942.

Sur le tempo du Times

Car si le New York Times est aussi respecté, et a autant d’employés, c’est aussi  parce que le journal “fait l’info”, comme l’annonce le sous-titre sur Twitter, “Where the conversation begins” ou encore la campagne de publicité dans le métro new-yorkais. Le titre se veut un modèle. Le journaliste doit quitter son bureau, parler à quelqu’un, et si possible pas seulement par téléphone. Faire son travail de journaliste en quelque sorte. C’est cette éthique, qui n’a que rarement était entachée, qui a permis de maintenir la réputation du titre et d’en faire aujourd’hui une référence. Il suffit de regarder les morning shows sur leschaînes américaines pour se rendre compte que la Une du New York Times sera au centre de l’actualité durant la journée. « C’était encore plus flagrant il y a quelques années. Quand ce n’était pas dans le New York Times, ce n’était même pas une information », affirme Seth Mnookin. Un avis partagé par Bill Keller, directeur de la publication du Times de 2003 à septembre 2011.

Aucun média n’a jamais autant fait l’agenda que le Times. Même si  aujourd’hui il y a beaucoup de médias, le Times continue à avoir une influence considérable sur les conversations et les sujets d’actualité. Les blogs, les autres journaux nous poursuivent mais débattent encore autour des événements que nous couvrons.

Deux raisons à cela selon Bill Keller : le journalisme exemplaire et une couverture complète nationale et internationale.

L’information a un prix mais malgré la crise, nous continuons à couvrir une actualité très large, là où nos concurrents ont dû faire des sacrifices. Nous sommes une des seules publications a toujours avoir un bureau en Irak.

Ce sont ces coûteux grands reportages d’investigation notamment qui dictent l’actualité. Exemple le 26 février 2011 lorsque le Times publie une grande enquête très critique sur le gaz de schiste en Pennsylvanie. Le reportage relate notamment plusieurs échanges d’emails d’industriels prouvant que les avantages du gaz de schiste sont en-deçà des attentes. L’information, très largement reprise dans la presse écrite et à la télévision, remet en lumière les techniques très controversées de fracturation hydraulique. Suite à cet article, un élu démocrate a demandé à l’administration américaine de l’énergie de réévaluer le “potentiel” du gaz de schiste. Peu après la publication de l’enquête, plusieurs maires de West Virginia rejetteront les programmes d’extraction de gaz de schiste sur leurs communes sous la pression des opposants qui ne s’étaient que peu fait entendre jusque là.

Le Times reste dans la famille

Les États-Unis semblent très inquiets de la santé du Times.

C’est marrant, il y a quelques années encore, les gens étaient en colère contre le Times pour certains articles et ils nous disaient ‘j’espère que le Times va mourir’. Mais aujourd’hui on nous souhaite surtout de survivre. Tout simplement parce que la disparition du Times réduirait de manière drastique l’accès du public à une information fiable et qui a nécessité une investigation malgré la pression d’organisations.

Bill Keller l’affirme, la Maison-Blanche, même si elle était républicaine, serait préoccupée de voir le Times disparaître. «L’effet se ferait surtout ressentir sur la politique locale. Sans une presse puissante, la corruption et l’incompétence peuvent être terribles. On le voit hélas déjà » s’inquiète Bill Keller.
La presse, et même le concurrent Wall Street Journal, est aussi anxieuse quant au futur du titre. Détenu, à l’instar du New York Times, par une famille depuis plusieurs générations, le Wall Street Journal doit en partie sa survie au rachat du titre par Rupert Murdoch en 2007. Le New York Times a, lui, toujours à sa tête un descendant de la famille Ochs-Sulzberger, et ce depuis 1896. Succédant à son père aux commandes du journal en 1997, Arthur Sulzberger Jr. a dû faire avec les nombreuses rumeurs prédisant la mort de son titre. Le New York Post, une des rares publications qui ne pleurerait peut-être pas la fin du Times, n’avait d’ailleurs pas hésité à dire tout le mal qu’il pensait d’Arthur Sulzberger Jr., peu après sa nomination. Quatorze ans plus tard, on ne peut que reconnaître sa réussite. Depuis sa prise de pouvoir, le journal a pourtant connu plusieurs grosses crises. D’abord de confiance lorsque le journal publie sans vérifier que l’Irak est en possession d’armes de destruction massives, comme l’avait annoncé la Maison-Blanche.

« Cette affaire a prouvé que les gens sont en colère quand nos informations sont erronées. Ils comptent sur nous pour dire la vérité. Alors imaginez si on disparaît », certifie Bill Keller. Crise de confiance donc, et également financière. Mais Arthur Sulzberger Jr. a su, parfois contre l’avis de ses journalistes, faire évoluer très rapidement le titre.  Première mesure, doubler le prix de l’édition papier, de 1 à 2$. Les lecteurs du Times connaissent le coût d’une information de qualité, et ils ne sont que très peu nombreux à avoir déserté le titre suite à cette augmentation.

Le payant a été payant

La vraie révolution du journal a eu lieu en mars 2011 avec la mise en place d’un abonnement payant donnant accès à un contenu illimité sur le site internet. Par deux fois déjà, le Times avait tenté de faire payer certains de ses articles. La méthode avait toujours échoué. Cette fois, la réussite est au-delà des attentes. Fin juin, soit un peu plus d’un mois après la mise en place du système, 224 000 personnes ont déjà souscrit au New York Times sur internet, et 57 000 sur Kindle. Même les plus sceptiques, « dont Felix Salmon de Reuters » tient à rappeler Bill Keller, reconnaissent le succès. Mais cette stratégie ne s’est pas faite en un jour et a parfois divisé la rédaction. Il y a eu un an de discussions avant de choisir ce modèle. Évidemment, il y avait des critiques articulés de certains journalistes qui étaient réticents. Des dissensions au sein de la rédaction parfaitement résumées dans le documentaire Page One par le journaliste média du Times David Carr quand il évoque son confrère Brian Stelter :

I still can’t get over the feeling that Brian Stelter was a robot assembled to destroy me.

Brian Stelter, recruté par le Times grâce à son blog et à son interaction permanente avec les réseaux sociaux s’étonne lui que certaines informations de l’édition papier ne soient ni sur le site du journal, ni sur Twitter. Cette compétition entre le site internet et la version papier a d’abord forcé le journal à ne plus dissocier deux rédactions dédiées chacune à un seul support. Mais face à la perte de vitesse du journal, ce sont finalement les journalistes qui ont pressé la direction de trouver un plan permettant de faire payer les lecteurs sur internet.

Mon cœur me disait qu’il fallait que notre site soit payant, mais ma tête me disait qu’on ne peut pas prendre le risque de construire un mur devant notre site.

D’où la méthode finalement choisie. Vingt articles gratuits par mois. Entre 15 et 30$ pour l’accès illimité selon le nombre de supports choisis (ordinateur, tablette ou téléphone). Le plan prévoit également que l’accès aux articles du Times par les blogs, par Facebook ou par d’autres sites internet est quant à lui gratuit. Le succès de cette formule pourrait inspirer les autres médias, désireux de faire payer leur contenu aux lecteurs assidus sans se couper des lecteurs occasionnels. «Nous avons enfin dépassé l’idée que ‘l’information est gratuite, assure Bill Keller. Mais on doit être sûr que le contenu est d’une qualité que l’on ne trouve nul part ailleurs gratuitement. »

Lui, qui a cédé son poste à Jill Abramson, très familière avec le journalisme numérique, assure que le Times a trouvé un fonctionnement pérenne. « D’abord, on met l’information sur le site dès qu’elle est vérifiée. Ensuite, on l’ajuste selon les derniers développements. Enfin, on ajoute les éléments d’analyse pour être complet sur la version papier. Mais ça nous arrive de retenir une information exclusive pour l’édition du matin pour que les gens qui achètent généreusement notre journal l’aient en premier ! ». Et pour l’avenir du Times, il se veut confiant. Le succès du site internet lui a apporté la preuve que la presse de qualité n’est pas morte. Bill Keller peut quitter son poste soulagé. L’empire Murdoch a été touché et le New York Times n’a pas été coulé.

Images Nightscream (Own work) [CC-BY-SA-3.0 (www.creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons, Marjory Collins [Public domain], via Wikimedia Commons et CC Flickr Paternité whiskeyandtears

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http://owni.fr/2011/11/24/le-new-york-times-sauve-par-son-site-internet/feed/ 11
OWNI récompensé aux États-Unis http://owni.fr/2011/09/25/owni-recompense-aux-etats-unis/ http://owni.fr/2011/09/25/owni-recompense-aux-etats-unis/#comments Sun, 25 Sep 2011 00:57:57 +0000 la redaction http://owni.fr/?p=80693

For the second time, in two years, OWNI.fr won the Online News Association awards for its “general excellence in online journalism, non english, small site“. It might be because we’ve been working on bringing developers, designers and journalists to work together.

You’ll find our english website on OWNI.eu, and all of our datajournalism projects on data.owni.fr.

OWNI is short for “objet web non identifié”: it’s a wordplay with “OVNI”, the French way to say UFO. You know the French…: OWNI is not a Ufo, it’s much more /-)

OWNI is a social media which brings you the very best news and prospective ideas on the ever-changing digital age – today in France, tomorrow all around Europe & in USA.

We’re going to put the genius in the bottle. We want to announce you, tonight, that at the Stanford accelerator, we’re working on the first publishing platform for tablets. It’s gonna be called Tactilize. Tactilize is like Wordpress for tablets. Apps are the new blogs!

Get ready to the age of tablets. We are datajournalists, developers, designers, we are part of the way you will publish news tomorrow ;-) If you like our project and want to give a hand, e-mail us at contact@owni.fr.

Pour la deuxième année consécutive, OWNI.fr vient de remporter le prix récompensant le “non-english small site” décerné par l’Online News Association (ONA), qui décerne les prix les plus reconnus en matière d’innovation et d’excellence journalistique, sur le Net (voir le palmarès).

Nous sommes journalistes, développeurs, designers et graphistes, et nous tentons de (ré)inventer ce que les médias peuvent devenir, et réinventer, à l’ère d’Internet ;-)

Pour OWNI, la conférence de l’ONA a également été l’occasion de présenter Tactilize, une plateforme de publication d’un nouveau genre, pour tablette exclusivement, sorte de WordPress dédié à nos écrans tactiles. Parce que nous pensons que tous les contenus peuvent bénéficier de solutions simples et légères pour exister sur tablettes.

Et entre les deux ONA, il s’est passé beaucoup de choses sur OWNI. Voici un petit aperçu de ce que vous avez pu lire… ou pas.

Les liens amènent la plupart du temps sur la “Une” qui correspond au dossier auquel l’article était associé : nous voulons “augmenter” l’information, avec des scoops, mais aussi et surtout du “journalisme de données“, des visualisations et graphiques, applications et cartes interactives, en mode “beau média“…


En 2010, les apps’ ont été à l’honneur. Avec entre autres la dissection des subventions à la presse et les étapes du forage des gaz de schiste.

Popular Geeks :) Image Loguy pour OWNI.

Innovation de l’année : FreePress ou les eBook de Noël. Vous pouviez disposer des meilleurs articles du site, gracieusement mis sous un format eBook, à offrir sans compter.

Un des évènements les plus marquants ? Les Warlogs et Wikileaks.

Nous traitions aussi de Bioéthique et de privatisations de La Poste et de la SNCF

2011 sur les chapôs de roue.

En février, la première application-bande-dessinée sur les monnaies libres et la crise. Les photos de Khadafi trônaient encore dans les galeries du site de l’Élysée et trente ans d’éducation aux médias en Europe étaient décortiqués dans une app’. Autre application marquante de ce début d’année : les morts aux frontières.

Et puis en mars, nous avons décidé de libérer les données en organisant un crowdsourcing autour du prix de l’eau. Jean-Marc Manach pendant ce temps travaillait sur l’image des petites filles à travers l’existence de sous-vêtements ampliformes pour des gamines de 8 ans. D’autres encore préparaient la première nuit sujet en partenariat avec Nova.

Les métamorphoses de Gainsbourg par tOad. Cliquez sur l'image pour accéder au poster intégral.

Autres app’ avec Gainsbourg et la possibilité de taguer le mur de la rue de Verneuil. Aussi les manifestes de l’Internet. Le même mois sur la home, nous vous concoctions deux dossiers : Ben Ali et ses compromissions tunisiennes et Blogueuses ne rendez pas le web sexiste sur le féminisme.

Les biens mal acquis en carto ? C’est par là. C’était en avril. Un mois plus tard, au tour de la fachosphère d’être cartographiée.

En mai nous nous sommes lancés dans la liste des 44 fichiers sécuritaires et l’application 42 v’là les flics sous le règne de Nicolas Sarkozy. Autre app’ : la régulation du net en Europe.

Juin ? Le premier eBook d’OWNI. Le sujet ? Wikileaks. Toujours disponible ? Oui sur l’OWNI Shop. En même temps, nous publiions 91 pages de documents de la DGSE sur l’attentat de Karachi et préparions la journée printemps arabes en partenariat avec France Culture.

Julian Assange et la "machine" WikiLeaks. Image Loguy pour OWNI. Cliquez sur l'image pour accéder au poster intégral.

Et puis les vacances d’été avec l’opendata à l’honneur en juillet et la fin de l’internet illimité en août.

Septembre et sa rentrée. Avant que les feuilles ne tombent, nous vous avons fait découvrir et approfondir le WiFi libre en résistance, la Syrie et les hackers, Suez et ses fuites suspectes, le nucléaire en question, iTunes au Luxembourg, Berlin et le parti pirate et imprimer le réel à portée de main.

Illustration Flickr PaternitéPartage selon les Conditions Initiales tsuihin – TimoStudios

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http://owni.fr/2011/09/25/owni-recompense-aux-etats-unis/feed/ 11
“Les pure players doivent prendre plus de risques” http://owni.fr/2011/09/07/les-pure-players-doivent-prendre-plus-de-risques/ http://owni.fr/2011/09/07/les-pure-players-doivent-prendre-plus-de-risques/#comments Wed, 07 Sep 2011 18:01:52 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=78273 Retour sur la rentrée des médias en ligne avec Arnaud Mercier, chercheur et professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paul Verlaine de Metz. Il anime également le projet Obsweb, un observatoire du webjournalisme.

Qu’est ce qu’il manque selon vous aux médias en ligne pour être réellement innovants?

Il existe peu de titres qui, soit pour des raisons financières, soit pour des motifs de paresse intellectuelle ou de priorités stratégiques, ont décidé de prendre à bras le corps la question de l’Internet pour en faire quelque chose de réellement innovant. Même vous à OWNI, vous êtes d’un manque total d’innovation dans la forme multimédia et dans les usages de tout ce qu’on peut faire. Vous êtes très en pointe sur un certain nombre de sujets, sur un ton, mais formellement, vous êtes d’un classicisme incroyable.

Comment percevez-vous cette rentrée 2011 pour les pure players?

Je ne comprends pas bien cette idée de rentrée. Autant la grille des programmes de la radio et de la télévision est annualisée, avec cette idée de programme de rentrée, de nouvelle grille et de transferts ou de mercato, autant dans la presse c’est moins vrai. Il me paraît difficile d’évaluer les pure players à cette aune alors que ce n’est pas conçu comme tel. Chacun va à son rythme, et comme on sait que les développements informatiques prennent du temps et buggent parfois, l’idée d’un calendrier commun me paraît peu pertinent pour le net.

La réflexion en terme de saison est pourtant là, notamment pour préparer la présidentielle.

Tout à fait, mais il y a d’autres priorités stratégiques. Pour ce que j’appelle les médias MEL, c’est à dire mis en ligne, effectivement, la priorité stratégique n’est pas toujours d’investir massivement mais d’avoir une présence sur Internet tout en maintenant l’essentiel de l’effort sur le média traditionnel. Il y a aussi des questions de moyens: moyens humains et moyens financiers. Et il y a également des problèmes de conceptualisation, soit parce que ceux qui sont en responsabilité sont issue d’une génération pour qui l’agilité d’esprit numérique n’est pas encore là, soit parce qu’il y a une forme de paresse intellectuelle qui consiste à ne pas vouloir trop se mettre en danger et à avoir tendance à reproduire y compris sur le numérique les modes de fonctionnement, de pensée et de traitement de l’information que l’on avait sur des médias dont ils sont issus à l’origine.

Pourtant en France on est plutôt bien loti en terme d’offre, non?

On a beaucoup de médias NEL, c’est à dire nés en ligne, mais ce ne sont pas forcément des médias hyper innovants dans les formats. Même si des choses se développent. Les couvertures en direct se sont bien cristallisées, notamment par l’utilisation de technologies de couverture en direct intégrative de type “CoverItLive”, avec la possibilité d’inclure des tweets, des photos, du texte qui défile etc. Storify arrive également. Les webdocs aussi se sont fait une place, étant entendu que l’on peut se poser la question de savoir si le mot a encore un sens, au vue de la disparité entre les formats labellisés “webdoc”. J’ai tendance à penser que cela devient un mot-valise pour qualifier un reportage au long cours par rapport à un sujet d’actualité traité dans un format bref. Mais là aussi, un Prison Valley par exemple demande un budget colossal, et ce n’est pas accessible à tout le monde. Il faut des soutiens, une énergie et un projet béton pour obtenir pour un webdoc l’argent habituellement investi dans un reportage télé pour magazine. Comme Jean-Marie Charon en a émis l’hypothèse, si on a tant de médias NEL, c’est sans dout qu’on dispose d’un système d’indemnisation des journalistes extrêmement favorable avec la clause de session. C’est typiquement le cas de Rue89, créé avec les indemnités de ses fondateurs.

Pour le reste, je pense que ce n’est pas parce qu’un site d’information est créé qu’il est forcément innovant.

Pour autant, comme le montre l’arrivée du Huffington Post en France, le secteur reste très attractif. Existe-t-il encore des marges de progression et d’innovation?

Elles sont majeures! Dans l’absolu, on est bien d’accord, il faut toujours des moyens, mais les marges d’innovation se situent à plusieurs niveaux. On a celles qui concernent la pleine utilisation de potentialités déjà présentes et très peu utilisées, comme les reportages réellement multimédia. A l’Obsweb, on étudie en profondeur les sites et on se rend compte que le nombre d’articles réellement multimédia est très faible. Pourtant, Internet est le média des médias, celui qui peut contenir tous les autres. Il y a pourtant très peu d’investissements réels sur une écriture qui serait réellement multimédia, on n’a pas ce réflexe. Sur la gestion des commentaires, il y a des choses à faire également. Si on prend le Huffington Post ou ProPublica, on a des modes de gestion réellement innovantes, avec des labels donnés aux commentateurs par exemple. Je pense également qu’une des missions que se doivent de remplir les journalistes est celle de la curation de l’information. De ce point de vue, il y a une sous-exploitation des Pearltrees ou d’outils de ce type. Souvent, on utilise ces outils pour ordonnancer sa propre documentation, mais on ne le met pas à disposition du public. Il y a un deuxième niveau, celui de l’expérimentation. Il faudrait parfois prendre un peu plus de risques en testant plus de choses. Il y a des tas d’expérimentations mais, faute de temps ou de vision stratégique, beaucoup de titres n’accordent pas suffisamment d’importance à la mise en place d’une vraie veille, comme le faisait Eric Scherer à l’AFP par exemple. Certes, il est difficile de déstabiliser son public ou d’endosser une dimension pédagogique consistant à prendre des outils dont il faut expliquer le maniement. Le troisième niveau se situe pour moi sur l’exploitation à des fins journalistiques de choses qui sont encore très peu utilisées.

Les applications mobiles par exemple, recèlent de vraies marge de progression.

Récemment, le New York Times a alerté ses lecteurs des risques liés à la découverte d’une bombe près de Central Park. C’est aussi le cas pour le journalisme augmenté pour lequel tout reste à faire.

Et le journalisme de bases de données?

Ça fait partie des choses qui se situent au deuxième niveau, et qu’il faudrait évidemment prendre le temps de développer.

En ce qui concerne la formation des journalistes au web et ses usages, que faudrait-il mettre en place selon vous?

Les jeunes journalistes ne sont clairement pas formés au web. C’est lié au système français en général. Tout le système scolaire français est fondé non pas sur le développement de la créativité, de l’originalité et de l’esprit d’éveil mais sur la reproductivité. C’est “moi je vous transmets ce que je sais, et il va falloir le reproduire”. Dans ma licence, il y a un cours de 20 heures de “créativité journalistique” dans lequel on essaye de décontenancer les élèves. Mais 20 heures ne suffisent pas. On essaye de les mettre en situation de veille et de curiosité, mais c’est compliqué. On essaye de faire en sorte de varier les profils également, mais cela ne suffit pas à trouver un vivier de vingt geeks surmotivés.

Plus on va dans des écoles reconnues, plus on est dans le conformisme.

Je sors de Sciences-Po et y ai enseigné vingt ans, mais il y a un formatage assez marquant. Tout l’encourage. On essaye de notre côté d’avoir un profil dans le recrutement qui est très hétérogène, parce qu’il y a un conformisme social également, avec énormément de reproduction.

Pour conclure sur une note optimiste, dans un monde idéal, vous souhaiteriez quoi à vos élèves?

Je leur souhaite d’être accueillis dans des rédactions où il y aurait une hybridation entre le fait de venir pour parfaire leurs connaissances grâce à l’expérience acquise de leurs pairs, et de l’autre côté, le fait qu’ils aient acquis un regard, une connaissance et une curiosité sur le numérique qui soit reconnue comme innovante et qu’on laisse s’exprimer. Ce que je souhaite, c’est une hybridation générationnelle entre ceux qui maîtrisent les formats anciens qui restent la base du journalisme et en même temps, qu’on sache faire place à des innovations qui sont comme souvent portées par les jeunes.


Crédits Photo FlickR CC : by ShironekoEuro / by-nc-sa just.luc

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Néo-journalisme en prise directe http://owni.fr/2011/09/06/un-neo-journalisme-en-prise-directe/ http://owni.fr/2011/09/06/un-neo-journalisme-en-prise-directe/#comments Tue, 06 Sep 2011 06:11:47 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=78149 Être journaliste professionnel et refuser de se créer un compte sur Facebook, devrait, à mon sens, être considéré comme une faute professionnelle grave. Libre à eux de continuer à croire que  les habitants du web ne sont qu’une tribu de sauvages pédophiles qui violent les comptes en banque pour se payer de la coke dans la Vallée du Silicone. Ces journalistes-là ne parlent de toute façon déjà plus à personne.

Pour Dave Winer, ancien d’Harvard et pionnier du web, c’est le journalisme lui-même qui est en passe de devenir obsolète. C’est non seulement la fonction mais le concept lui-même d’intermédiaire de l’information qui est en train de voler en éclat. Selon Dave Winer :

Avant qu’internet n’arrive, cela coûtait très cher de transporter de l’information jusqu’aux consommateurs finaux, il fallait un fameux capital, des rotatives, des tonnes de papiers et une armada de camions et de paperboy. Désormais, les utilisateurs du numérique peuvent se mettre à l’écoute de n’importe quelle source et créer leurs propres références informationnelles. Nous n’en sommes qu’au début mais dans une génération ou deux plus personne ne déléguera à d’autres le soin de choisir les “bonnes” informations qui l’intéresse. Tout fonctionnera différemment.

Mutation irréversible de l’ADN du journalisme

La “démocratie de la distribution“, comme l’appelle Om Malik, est en train de faire muter l’ADN du journalisme avec une puissance phénoménale. Les conversations entre individus interconnectés sont en train de réaliser la prophétie du Manifeste des évidences (qui date pourtant de 1999). Elles sont devenues le marché. En 2011, si une information est importante pour un de ces individus, ce n’est pas le JT du soir ou la gazette du matin qui lui apprendra mais ses “amis” sur leurs blogs, sur Facebook ou sur Twitter. Seule compte la confiance qu’il place dans les composantes de son graphe social, et cette confiance ne s’acquiert pas sur simple présentation d’une carte de presse.

Oui, depuis quelques décennies je vois que nous vivons une période comparable à l’aurore de la Paideia, après que les Grecs apprirent à écrire et démontrer ; semblable à la Renaissance qui vit naître l’impression et le règne du livre apparaître ; période incomparable pourtant, puisqu’en même temps que ces techniques mutent, le corps se métamorphose, changent la naissance et la mort, la souffrance et la guérison, les métiers, l’espace, l’habitat, l’être-au-monde.

Face à ces mutations, sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés, hors les cadres désuets qui formatent encore nos conduites, nos médias, nos projets adaptés à la société du spectacle. Je vois nos institutions luire d’un éclat semblable à celui des constellations dont les astronomes nous apprirent qu’elles étaient mortes depuis longtemps déjà.

Pourquoi ces nouveautés ne sont-elles point advenues ? Je crains d’en accuser les philosophes, dont je suis, gens qui ont pour métier d’anticiper le savoir et les pratiques à venir, et qui ont, ce me semble, failli à leur tâche. Engagés dans la politique au jour le jour, ils n’entendirent pas venir le contemporain. Si j’avais eu à croquer le portrait des adultes, dont je suis, ce profil eût été moins flatteur.

Extrait du discours de Michel Serres, de l’académie française, à l’Institut de France (mars 2011)

La spéculation sur le marché du bits d’information n’a jamais été aussi élevée. Les paquets de dollars que certains drôles d’oiseaux sont capables, à tort ou à raison, de mettre sur la table pour détenir un puisième de Facebook ou de Groupon le démontrent à souhait. La valeur ne réside plus dans les entreprises de fabrication des contenus. Un article, aussi bon et pertinent soit-il, ne vaut plus rien, littéralement. S’il n’est pas distribué par les réseaux d’individus interconnectés, son existence se limitera dans le meilleur des cas à être disponible quelques temps via un moteur de recherche interne, jusqu’à ce que son média effectue la purge de ses serveurs “pour faire de la place”, comme il envoie au pilori les exemplaires papiers invendus.

Pour Clay Shirky,  “Ce n’est pas les journaux qu’il faut sauver, mais le journalisme”. A condition d’y inclure les autres supports et de s’accorder sur ce qu’est encore le journalisme …

Chercher à définir le journalisme s’apparente à déblayer la neige alors qu’elle tombe encore. Mais chacun s’accordera pour dire que la recherche de sens dans notre petite existence est une activité qui mérite à tout le moins de s’y mettre à plusieurs si l’on ne veut pas se laisser enfumer par les messages téléguidés des communicants de tous poils.

Parce que c’est sans doute là que réside le principal intérêt qu’il y a de “sauver le journalisme”, cet art noble et parfois martial tant il nécessite de canaliser son énergie et sa puissance pour viser, et toucher, juste. Et bien sot celui qui prétendrait détenir la clé magique qui ouvrirait tous les shakra du monstre médiatique. A tout le moins, remettre sans cesse le métier sur l’ouvrage nous permettra de nous approcher des nœuds gordiens qui font et défont la réputation de ces nouveaux intermédiaires de l’Information.

Le journalisme aura-t-il à souffrir des conflits d’intérêts, des abus de pouvoir ou des formes multiples de dévoiement des lois soi-disant intangibles qui régissent l’exercice de cette profession qui seront provoqués par ces nouvelles formes de distribution de l’attention ? Pas vraiment explique Mathew Ingram.

Au cours des 50 dernières années, les médias traditionnels se sont déjà rendus coupables de toutes les turpitudes possibles (les écoutes illégales de NewsCorp en étant le dernier exemple en date). Des journaux naissent et meurent, des blogueurs éclosent et disparaissent, mais le journalisme continuera d’exister, pas tant comme une institution mais plutôt comme un état d’esprit, un catalogue de convictions et de comportements en adéquation avec celles-ci. Il y a juste plus de manières différentes de faire du bon et du mauvais journalisme.

Si faire acte de journalisme est désormais à la portée de tout un chacun, en faire sa profession demande toutefois une dose d’abnégation et d’investissement sans précédent. Les médias qui ont enfin compris que leur écosystème était en train de passer cul par dessus tête sont en train de se réinventer en replaçant tant bien que mal la rue numérique au centre de leur stratégie. Ce qui apparaissait comme une évidence il y 5 ans, devient progressivement une urgence voire un sauve-qui-peut, parfois pitoyable il faut bien le dire.

L’une des planches de salut, à mon sens, est de réinvestir dans le potentiel humain, dans la richesse brute des individus qui se destinent contre vents et marées à vivre de leur journalisme. Faire en sorte de les rendre puissants grâce à la maîtrise des outils, d’attirer progressivement sur eux les spotlights de l’attention avant même qu’ils aient à se soucier de la rentabiliser. Mais de ne surtout pas éluder cette obligation, sans laquelle ils ne pourront prétendre à une quelconque indépendance d’esprit et d’action.

Devenir journaliste ? Un business plan à préparer !

Ce n’est donc pas une surprise de voir des écoles (de journalisme, mais pas que) telle Columbia ou CUNY à New York, dédier des pans entiers de leurs formations aux dynamiques mises en œuvre par les “roto-plateformes” que constituent désormais Google, Facebook ,Twitter, LinkedIn, Foursquare,Tumblr et consorts. Le cours de Sree Sreenivasan, disponible en ligne, en est à mes yeux le meilleur exemple. Il n’est pas non plus surprenant de voir émerger de nouvelles formations dédiées à la construction, à la gestion de son identité journalistique et à son financement ou encore des sessions de cours entièrement consacrées à l’usage du code html et à l’exploitation des bases de données.

Entreprendre une carrière en journalisme au 21ème siècle, c’est un investissement qui se planifie, un business plan qui se construit en marchant, un idéal qui se concrétise bien au delà de mettre sa tronche à la télé ou sa signature au bas d’un papier.

Comme l’homme de Néanderthal avec le silex et le feu, le journaliste du 21ème siècle doit apprendre à utiliser les outils de son temps pour espérer survivre et prospérer. Car oui, prendre soin du journalisme, c’est prendre soin des individus qui y aspirent. Et la meilleure assurance vie à laquelle ils peuvent souscrire ce n’est pas un contrat à durée indéterminée avec une entreprise de presse mais une reconduction tacite de moult transactions, humaines et matérielles, avec ceux et celles qui leur font l’honneur de s’informer avec et auprès d’eux.

Découvrez la version “pour les nuls” de ce billet en cliquant ici et, ci-dessous, en version audio par maître Van Achter :

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