Les 10 péchés capitaux des entrepreneurs web français

En 2009, Robert Scoble a rencontré quelques start-ups françaises à l'occasion de la conférence LeWeb. Mais leur façon old school de communiquer l'a beaucoup énervé. Il leur donne quelques conseils.

Robert Scoble est un blogueur et “évangéliste technologique” américain réputé. Ce billet a été publié en décembre 2009 sur son blog.

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Mardi dernier, j’ai rejoint les Travelling Geeks (une bande de journalistes/blogueurs/influenceurs qui visite des startups partout dans le monde, cf. la photo ci-dessous dans une station de métro parisienne) à Paris et nous avons vu un tas de startups. Certaines, comme Stribe, étaient très bien. Mais dans l’ensemble, elles n’étaient pas à la hauteur. Du coup, j’en ai presque été brutal et malpoli, ce qui a pris tout le monde de court. Depuis, je n’ai cessé de me demander ce qui m’avait tant énervé, et c’est le sujet de cet article.

Premièrement, si vous rencontrez des journalistes, des influenceurs et des blogueurs qui ne viennent pas de votre pays, je suppose que c’est parce que vous voulez construire une marque mondiale. Après tout, si vous voulez faire quelque chose de grand seulement en France, pourquoi perdre votre temps avec des journalistes américains ?

De fait, puisque vous nous rencontriez et qu’il nous en a beaucoup couté de venir jusqu’à vous et que nous avons eu de très grands coûts d’opportunités, je pense que les entrepreneurs devraient être bien mieux préparés. Dans ce cas, vous allez pouvoir apprendre de leurs erreurs.

1 – Vous n’êtes pas sur Twitter

C’est une ÉNORME erreur que beaucoup de PDG français ont commis. Quatre d’entre eux m’ont dit que leurs boites n’étaient pas sur Twitter parce qu’il n’avait pas assez de temps pour ça. Ça m’a mis en colère.

Pourquoi ? Parce que dans la pièce, il y avait des gens avec des centaines de milliers de followers (pas seulement moi). Si vous n’êtes pas sur Twitter, je ne peux pas vous suivre, je ne peux pas vous relancer après notre rencontre, je ne peux pas revenir vers vous avec des questions. C’est complètement rédhibitoire. Mais il y a pire. Toute la presse technologique mondiale est sur Twitter, donc si vous dites que vous n’avez pas de temps à y consacrer, vous dites tout simplement à 500 journalistes spécialisés dans les nouvelles technologiques qui SONT sur Twitter que vous n’avez pas de temps à leur consacrer. Ensuite, ils vous répondront qu’eux non plus n’ont pas de temps pour vous.

Mais il y a encore pire. J’ai une liste de 500 startups techno, et une liste séparée de 400 entreprises un peu plus vieilles (je vais bientôt devoir faire une nouvelle liste, Twitter nous limite à 500 comptes par liste, et je connais déjà un paquet d’autres startups). Ce sont les entreprises que vous devriez surveiller, et pourquoi pas vous y associer. Si vous les observez, vous aurez pas mal d’indices sur la manière dont les autres entreprises travaillent avec les influenceurs, créent du buzz (et vous serez le premier à voir quand les autres boites ont une info, ça vous aidera à discuter avec les journalistes).

Heureusement, j’ai trouvé 500 fondateurs de startups qui considèrent que Twitter est important. D’ailleurs, pourquoi c’est si important ? Et bien cela doit avoir quelque chose à voir avec les 422 capital risqueurs et business angels qui sont sur Twitter, ou les centaines de cadres d’entreprises techno (ce sont vos possibilités de sortie !) qui y sont aussi. Au fait, quand j’ai rembarré les entrepreneurs assis à côté de moi, un PDG m’a soufflé dans l’oreille “je suis d’accord”. Qui était ce PDG ? Kamel Zeroual, PDG de Stribe ? Qu’est-ce que c’est que Stribe ? L’entreprise français qui a triomphé à la conférence LeWeb, la plus importante conférence indépendante sur le web. Lui et son entreprise faisaient partie de la minorité qui était sur Twitter.

2a – Vous avez des éléments de marketing ridicules et anémiques

Avant tout, si vous voulez vraiment avoir l’air ridicule devant le gotha des journalistes technos, merci d’utiliser Powerpoint. Ça nous a littéralement endormi. C’était incroyable de voir à quel point certains entrepreneurs étaient mauvais dans ce domaine. Si vous avez besoin de partager des informations avec nous, utilisez Google Doc. NE NOUS ENVOYEZ PAS de documents Word ou des Powerpoints. Pourquoi ? Certains d’entre nous n’ont même plus Word sur leur ordinateur, ou ont une boîte au lettre pleine à craquer (je connais des journalistes qui ont réussi à remplir totalement leur compte Gmail, par exemple).

Nous sommes également de plus en plus nombreux à ne plus travailler que depuis nos smartphones, et c’est bien mieux d’avoir de la documentation “dans le nuage”. Enfin, les documents doivent comprendre un lien vers votre site, un lien vers votre compte Twitter (vous ÊTES sur Twitter, pas vrai ?), un lien vers vos pages Facebook (vous vous coupez de 500 millions personnes ? Vous êtes complétement taré ?), des copies d’écrans de vos meilleures fonctionnalités, le logo de votre boîte dans plusieurs tailles différentes (pour nous permettre de les copier/coller dans nos articles), et le contact de TOUS vos cadres principaux.

2b – Vous ne mettez pas de vidéo de votre produit sur YouTube

Regardez la vidéo de Sketch Nation, le gagnant du concours Appsfire. ÇA L’A AIDÉ À GAGNER (j’étais un des juré, voici la liste de tous les gagnants, et voici la vidéo de l’annonce des prix). Si je n’avais pas vu cette vidéo, je ne me serais jamais rendu compte à quel point cette application est cool. (Notez que Sketch Nation est à la fois sur Twitter et sur YouTube).

3 Vous ne faites pas de démo

Une entreprise nous a parlé de ses robots, mais n’en a amené aucun pour sa présentation. Se farcir des présentations Powerpoint n’est pas acceptable aujourd’hui. Faites une démonstrtation. Regardez ce qu’a fait le PDG de Pearltrees (une startup française). Oh, et Pearltrees est sur Twitter. Ainsi que son PDG. Vous vous demandez encore pourquoi Pearltrees est passé sur CNN aujourd’hui ?

4a – Vous ne vous souciez pas des champs de bataille industriels

Si vous lisez des sites sur les nouvelles technologiques ou leurs actualités, ou même mieux, si vous suivez Techmeme, vous verrez qu’un certain nombre de thèmes reviennent souvent. Je les appelle des champs de bataille. Si vous débarquez avec un super produit sur un champ de bataille, vous allez être remarqué. Quelques uns des champs de batailles actuels ? Mobile. Temps réel. Vidéo HD. Nouveaux systèmes de paiement. Etc. Si votre produit ne correspond à aucun champ de bataille, vous feriez mieux de vous en expliquer, et de nous dire pourquoi toute la presse technologique devrait considérer votre entreprise comme un nouveau champ de bataille.

4b – Vous ne vous souciez pas de vos concurrents, ou mieux, vous n’en avez pas du tout

Ecoutez comment le PDG de Deezer, Jonathan Benassayas a considéré Spotify (son concurrent) sur scène à la conférence LeWeb. Deezer connait bien la concurrence, et s’est très bien positionné : vous demandez pourquoi il a 18 millions de visiteurs uniques mensuels et n’est pas encore très connu aux États-Unis ? Celui qui dit qu’il n’a pas de concurrence passe automatiquement pour un loser selon moi (voir mon point 4a).

5 – Vous ne savez rien de la dernière app ou actu de la journée

Si je vous demande ce que vous pensez de Foursquare, Red Laser (l’app iPhone n° 1) ou Gowalla (ils viennent de lever 8 millions de dollars) et que vous me répondez “je ne sais pas”, vous êtes automatiquement rangé dans la case de ceux qui ne se soucient pas de l’industrie et qui ne recherchent pas de nouvelles idées bonnes à prendre. Je n’arrête pas d’entendre ça de la part d’entrepreneurs français, et ça m’a rendu furieux. Désolé, nous sommes en 2009. Si vous n’êtes pas sur Twitter vous êtes ridicule. Point final. Si vous n’avez pas utilisé Foursquare et que vous n’avez pas d’explication sensée pour expliquer si vous l’aimez ou pas, vous êtes ridicule. Point barre.

6 – Vous n’adaptez pas vos pitchs à vos interlocuteurs

Si vous parlez à Mike Arrington, le fondateur de TechCrunch, ou Dana Oshiro, qui écrit pour ReadWriteWeb, ne lisez surtout pas tout ce qu’ils ont mis sur leurs blogs une semaine avant. C’était une des techniques utilisées par les entrepreneurs. Ça ne marche jamais de toute façon !

(Plus sérieusement, demandez à Brian Solis comment il fait. Ou Jeremy Toeman, qui a aidé beaucoup d’entreprises à gagner au CES et a faire des tonnes de très bonnes RP. Les meilleures entreprises font TOUJOURS un pitch personnalisé).

7 – Vous n’amenez pas de cartes de visite

Pire, vous ne mentionnez pas votre email et votre compte Twitter sur ces cartes. J’imagine que vous pensez que nous n’aurons pas envie d’utiliser vos produits ou de vous poser des questions une fois de retour dans notre chambre d’hôtel, pas vrai ?

Les meilleurs PDGs me donnent également leurs adresses Google Talk et Skype. C’est assez incroyable à quel point j’ai parfois besoin d’infos au beau milieu de la nuit. Même maintenant, il est 9h du soir et si je devais écrire sur votre boîte, j’aurais certainement besoin d’infos supplémentaires. Mike Arrington appelle souvent des dirigeants à minuit pour compléter ses articles (je l’ai vu faire, et ça finit toujours par un meilleur article).

8 – Vous ne visitez pas les États-Unis pour rencontrer des blogueurs et des journalistes.

Comment ai-je rencontré Patrice Lamothe, PDG de Pearltrees ? À San Francisco. Est-ce que ça a payé ? Il est sur CNN aujourd’hui et nous avons eu une super conversation sur la scène de LeWeb (visionnée par des milliers de personnes dans le public et des dizaines de milliers de personnes en ligne).

Bref, voilà certaines des erreurs commises par les entrepreneurs français que j’ai pu rencontrer. Bien sûr, ils ne sont pas les seuls à faire ce genre d’erreur, mais c’est leur semaine puisque la grande conférence LeWeb vient de s’achever [elle aura lieu les 8 et 9 décembre prochain, NdT].

Bien sûr, peut-être parce le jeu est biaisé pour les entrepreneurs français. Quand le PDG de Deezer a expliqué sur le scène de LeWeb qu’il avait déjà plus de 18 millions de visiteurs uniques mensuels, je lui ai demandé “pourquoi je n’ai jamais entendu parler de vous alors ?”. Il a répondu “parce que nous sommes français”. J’aurais du lui répondre “non, c’est parce que votre fil twitter est en français”.

Vous pensez à d’autres erreurs que les entrepreneurs font en essayant de construire une marque globale ? Laissez un commentaire ci-dessous !

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Billet initialement publié sur le blog de Robert Scoble.

Traduction Martin U.

Illustration FlickR CC : Adam Foster | Codefor

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